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12/11/2015 | FRANCE | N°14NT01313

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 12 novembre 2015, 14NT01313


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner l'État à lui verser la somme de 71 286 euros en réparation des préjudices que lui aurait causé le fonctionnement de l'administration pénitentiaire, notamment du fait de la non perception de sa pension de retraite entre le 9 mars 2006 et le 1er janvier 2009.

Par un jugement n° 1202524 du 12 février 2014, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire

enregistrés les 10 mai 2014 et 16 octobre 2015, M. A... C..., représenté par Me Maugeais, dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner l'État à lui verser la somme de 71 286 euros en réparation des préjudices que lui aurait causé le fonctionnement de l'administration pénitentiaire, notamment du fait de la non perception de sa pension de retraite entre le 9 mars 2006 et le 1er janvier 2009.

Par un jugement n° 1202524 du 12 février 2014, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 10 mai 2014 et 16 octobre 2015, M. A... C..., représenté par Me Maugeais, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Caen ;

2°) de condamner l'État à lui verser la somme globale de 81 286 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve de la renonciation de celui-ci à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

Il soutient que :

- l'administration pénitentiaire doit faire respecter les stipulations de la convention relative aux droits des personnes handicapées établie sous l'égide de l'ONU, les recommandations de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime contenues dans le manuel sur les prisonniers ayant des besoins particuliers, de même que les articles 21 et 26 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne, l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'article 1er de son premier protocole ou son protocole n°12, et la charte sociale européenne qui garantissent les droits des personnes handicapées et prohibent les discriminations à leur égard ; que son comportement en l'espèce méconnaît pareillement divers textes de droit interne ;

- l'article 2 de la loi du 24 novembre 2009 confère à l'administration pénitentiaire une mission de réinsertion des personnes confiées à sa garde ; le service pénitentiaire d'insertion et de probation a pour objet de préparer la réinsertion sociale des détenus et de les aider à obtenir l'ouverture de leurs droits aux prestations sociales et notamment aux prestations de retraite ;

- il a perdu le bénéfice de l'allocation adulte handicapé le 9 mars 2006 lorsqu'il a atteint l'âge de 60 ans ; le service pénitentiaire d'insertion et de probation aurait dû solliciter auprès de la CARSAT l'ouverture de ses droits à pension de retraite pour inaptitude en application de l'article L. 351-22 du code de la sécurité sociale afin de lui permettre de percevoir l'allocation adulte handicapé complémentaire à sa pension, alors qu'il a dû attendre le 17 décembre 2008 pour que sa demande d'ouverture des droits à pension de retraite soit déposée ; aveugle et grabataire, il n'a pas bénéficié de l'aide matérielle qui lui était nécessaire pour faire valoir ses droits ;

- le manque de diligence de l'administration pénitentiaire vis-à-vis de sa situation de personne handicapée est de nature à engager la responsabilité de l'État ;

- aucune faute ne lui est imputable au titre de la constitution de son dossier de retraite ; s'il a refusé de signer sa demande de retraite, celle-ci s'est perdue et a dû être refaite de sorte que cette circonstance est sans incidence sur le traitement de son dossier ;

- son préjudice est constitué du montant de la pension de retraite qu'il aurait dû percevoir à compter de son soixantième anniversaire jusqu'au 1er janvier 2009 soit 71 286 euros ; ce préjudice résulte directement des dysfonctionnements de l'administration pénitentiaire ; il a subi en outre un préjudice moral évalué à 10 000 euros ; il est recevable à demander l'indemnisation d'un préjudice moral pour la première fois en appel dès lors que ce préjudice se rattache au même fait générateur.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 septembre 2015, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les conclusions tendant à l'indemnisation d'un préjudice moral sont nouvelles en appel et donc irrecevables ;

- les autres moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 août 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lemoine, premier conseiller,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- et les observations de Me Maugeais, avocat de M.C....

1. Considérant que M.C..., écroué le 6 octobre 1994, dont la peine de réclusion criminelle à perpétuité a été suspendue à compter du 28 mai 2013 en raison de son état de santé, a bénéficié de l'allocation adulte handicapé jusqu'au 9 mars 2006, date à laquelle il a atteint l'âge de 60 ans ; qu'estimant que l'administration pénitentiaire ne l'avait pas suffisamment assisté dans ses démarches pour obtenir l'ouverture de ses droits à la retraite dès son soixantième anniversaire, M. C...a formé une demande indemnitaire le 31 août 2012 ; qu'il a ensuite saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande tendant à obtenir le versement de la somme de 71 286 euros correspondant aux arrérages de sa pension entre le 9 mars 2006 et le 1er janvier 2009, date à laquelle ses droits ont effectivement été ouverts ; qu'il relève appel du jugement du 12 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article D. 573 du code de procédure pénale : " Le service pénitentiaire d'insertion et de probation, avec la participation, le cas échéant, des autres services de l'État, des collectivités territoriales et de tous organismes publics ou privés, favorise l'accès aux droits et aux dispositifs d'insertion de droit commun des détenus et personnes qui lui sont confiées par les autorités judiciaires.(...) Il peut également apporter une aide matérielle aux personnes qui lui sont confiées par les autorités judiciaires. " ; que si ces dispositions font obligation à l'administration pénitentiaire de fournir aux détenus, qu'ils soient ou non handicapés, les moyens nécessaires à leurs démarches, elles n'ont ni pour objet ni pour effet de substituer l'administration à ceux-ci dans l'exécution de ces démarches vis-à-vis des organismes sociaux, lesquels sont par ailleurs représentés dans les établissements pénitentiaires ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. C...n'a pas été privé de son droit à bénéficier de l'allocation d'adulte handicapé après avoir été reconnu travailleur handicapé ; que le service pénitentiaire d'insertion et de probation de Fresnes a, notamment compte-tenu de l'état de handicap de l'intéressé, apporté une aide matérielle particulière à M. C...dès le mois de janvier 2006 pour obtenir le versement à son profit de l'allocation d'adulte handicapé, malgré les difficultés rencontrées, en raison du comportement du demandeur ou de son avocat, dans la collecte des éléments nécessaires à l'instruction de son dossier ; que, par ailleurs, ce service a, dès janvier 2007, entamé les démarches pour l'ouverture des droits à la retraite de M. C...avec le peu d'éléments fournis par l'intéressé et les compléments de pièces procurés en juillet 2007 ; que le service pénitentiaire d'insertion et de probation de Caen a, pour sa part et dès l'arrivée de M. C... au centre pénitentiaire de Caen le 10 juillet 2007, effectué des démarches actives pour rechercher un hébergement extérieur compatible avec l'état de santé du détenu et permettre à celui-ci de bénéficier de l'ensemble des prestations sociales auxquelles il pouvait prétendre de la part des différents administrations et organismes sociaux ; que les délais mis à rendre effectif le versement de la pension de retraite pour invalidité, qui est intervenu à compter du 1er janvier 2009, sont la conséquence tant de la situation particulière de M.C..., de son comportement peu coopératif et de celui de son avocat, que des lenteurs des différents organismes sociaux dans l'instruction des demandes faites en son nom ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les services pénitentiaires auraient, dans ces conditions, failli à mettre en oeuvre les moyens matériels d'aide rendus nécessaires par la situation particulière du détenu

M.C... ; qu'il suit de là qu'aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de l'administration pénitentiaire, à laquelle il ne peut davantage être, en tout état de cause, reproché d'avoir méconnu les stipulations de la convention relative aux droits des personnes handicapées établie sous l'égide de l'ONU, les recommandations de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime contenues dans le manuel sur les prisonniers ayant des besoins particuliers, de même que les articles 21 et 26 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne, l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'article 1er de son premier protocole ou son protocole n°12, et la charte sociale européenne qui garantissent les droits des personnes handicapées ; que, par suite, et en l'absence de faute de l'administration, les conclusions indemnitaires formées par l'intéressé, dont certaines sont au demeurant nouvelles en appel, ne peuvent qu'être rejetées ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2015 à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Specht, premier conseiller,

- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 novembre 2015.

Le rapporteur,

F. LEMOINE

Le président,

I. PERROT

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT01313


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01313
Date de la décision : 12/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Faits n'engageant pas la responsabilité de la puissance publique.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Services pénitentiaires.


Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. François LEMOINE
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : MAUGEAIS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-11-12;14nt01313 ?
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