Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme G...et Mmes B...ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler les décisions du 28 mars 2013 par lesquelles le préfet de la Manche a refusé de leur délivrer des certificats intracommunautaires autorisant la mise en vente d'un lynx, d'un jaguar, d'un puma et d'un loup naturalisés ;
Par un jugement n° 1300979 du 3 avril 2014, le tribunal administratif de Caen a rejeté leurs demandes ;
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 juin 2014, Mme C...G..., Mme E...B..., Mme D...B..., Mme A...B..., et Mme F...B..., représentées par MeH... demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 3 avril 2014 ;
2°) d'annuler les décisions du 28 mars 2013 du préfet de la Manche ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- il appartenait au tribunal d'écarter des débats les mémoires produits par le préfet du Calvados qui n'était pas l'auteur des décisions contestées, prises par le préfet de la Manche ;
- le tribunal a omis de viser l'ensemble des textes nécessaires à la solution du litige ; de plus, il s'est appuyé sur un arrêté abrogé et s'est mépris sur la réglementation applicable ;
- l'auteur des décisions contestées était incompétent ;
- le refus de mise en vente d'un lynx et d'un loup naturalisés est illégal en ce que l'arrêté du 17 avril 1981 sur lequel l'administration s'est fondée était abrogé à la date de la décision litigieuse ; l'arrêté du 23 avril 2007 en vigueur autorise la mise en vente de ces mammifères ;
- le refus de mise en vente d'un jaguar naturalisé est illégal car l'administration s'est appuyée à tort sur l'arrêté du 15 mars 1986 dont les dispositions étaient contraires au règlement du conseil n°338/97 en vigueur à partir du 1er janvier 1997 ; la dérogation prévue par ce règlement devait profiter au vendeur ;
- le refus de mise en vente d'un puma naturalisé est illégal dans la mesure où le spécimen concerné étant présent en Europe avant la mise en application du règlement n°338/97, la dérogation prévue au profit du vendeur par ces dispositions était applicable.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2015, la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est régulier.
- les autres moyens soulevés par Mme G... et Mmes B...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier,
Vu :
-le règlement (CE) n°338/97 du Conseil du 9 décembre 1996 relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le contrôle de leur commerce,
-le règlement (CE) n° 865/2006 de la Commission du 4 mai 2006 portant modalités d'application du règlement (CE) n°338/97 du Conseil relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le contrôle de leur commerce,
-le code de l'environnement,
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004,
-l'arrêté interministériel du 17 avril 1981 fixant la liste des mammifères protégés sur l'ensemble du territoire,
-l'arrêté interministériel du 15 mai 1986 fixant sur tout ou partie du territoire national des mesures de protection des mammifères représentés dans le département de la Guyane,
- l'arrêté interministériel du 30 juin 1998 fixant les modalités d'application de la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction et des règlements (CE) n° 338/97 du Conseil européen et (CE) n° 939/97 de la Commission européenne,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. François, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public,
1. Considérant que Mme G...et Mmes B...relèvent appel du jugement du 3 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du 28 mars 2013 du préfet de la Manche refusant de leur délivrer des certificats intracommunautaires d'autorisation de mise en vente d'un lynx, d'un jaguar, d'un puma et d'un loup naturalisés ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que les décisions contestées ont été signées par le directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement de la région Basse-Normandie, qui avait reçu délégation à cet effet par arrêté du 27 février 2013 du préfet de la Manche ; que, toutefois, la défense de l'Etat devant le tribunal administratif de Caen a été assurée par le préfet de la région Basse-Normandie et non par le préfet de la Manche, seul compétent pour défendre devant cette juridiction la légalité des actes dont il était l'auteur ; que, dans ces conditions, en se fondant sur les seules écritures du préfet de région et en s'abstenant d'inviter le préfet de la Manche à s'approprier ces dernières, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité ; que, par suite, les requérantes sont fondées à en demander l'annulation ;
3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions du 28 mars 2013 du préfet de la Manche présentées par Mme G... et Mmes B...devant le tribunal administratif de Caen ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. Considérant, en premier lieu, que les décisions contestées ont été signées par
M. I...J...chargé de l'intérim du directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement de la région Basse-Normandie ; que, par arrêté du 27 février 2013, régulièrement publié au recueil des actes de la préfecture, le préfet de la Manche a donné délégation à M. J..." à l'effet de signer toutes décisions relevant de ses attributions dans les domaines suivants : (...) 1.2 Biodiversité : signature des décisions prises en application de la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) relevant de la compétence du préfet du département de la Manche " ; qu'ainsi, les décisions litigieuses ne sont pas entachées d'incompétence, alors même qu'elles ne font pas apparaître qu'elles ont été prises par délégation du préfet de la Manche ;
5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 du règlement susvisé (CE)
nº 338/97 du Conseil du 9 décembre 1996 : " Dispositions relatives au contrôle des activités commerciales : 1. Il est interdit (...) de vendre, de détenir pour la vente, de mettre en vente ou de transporter pour la vente des spécimens d'espèces inscrites à l'annexe A (...). 3. (...) il peut être dérogé aux interdictions prévues au paragraphe 1 à condition d'obtenir de l'organe de gestion de l'État membre dans lequel les spécimens se trouvent un certificat à cet effet, délivré cas par cas, lorsque les spécimens : a) ont été acquis ou introduits dans la Communauté avant l'entrée en vigueur, pour les spécimens concernés, des dispositions relatives aux espèces inscrites à l'annexe I de la convention, à l'annexe C 1 du règlement (CEE) n° 3626/82 ou à l'annexe A du présent règlement. (...) d) sont des spécimens nés et élevés en captivité d'une espèce animale. (...) h) sont originaires d'un État membre et ont été prélevés dans leur milieu naturel conformément à la législation en vigueur dans ledit État membre.(...) " ; qu'aux termes de l'article 48 du règlement (CE) n° 865/2006 de la Commission susvisé : " 1. Un certificat aux fins de l'article 8, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 338/97 atteste que les spécimens d'espèces inscrites à l'annexe A dudit règlement sont exemptés d'une ou plusieurs des interdictions prévues à l'article 8, paragraphe 1, dudit règlement pour l'une des raisons suivantes : a) ils ont été acquis ou introduits dans la Communauté avant que les dispositions relatives aux espèces inscrites à l'annexe I de la convention, ou à l'annexe C 1 du règlement (CEE) n° 3626/82 ne leur deviennent applicables. (...) c) ils sont des animaux nés et élevés en captivité, ou des parties ou produits de ces animaux. (...). " ; que l'article 59 du même règlement dispose que : " (...) 1 bis. La dérogation prévue pour les spécimens visés à l'article 8, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 338/97 n'est accordée que si le demandeur a démontré à l'organe de gestion compétent que les spécimens concernés ont été acquis conformément à la législation en vigueur pour la conservation de la faune et de la flore sauvage " ;
6. Considérant, en ce qui concerne le certificat intracommunautaire sollicité pour un lynx, que les requérantes soutiennent qu'elles peuvent bénéficier de la dérogation prévue par l'article 8.3 précité du règlement nº 338/97 du Conseil ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que la naturalisation du lynx est intervenue en février 2000 alors que l'article 3 ter de l'arrêté interministériel du 17 avril 1981 susvisé, lequel, contrairement à ce qui est soutenu, était alors en vigueur, interdisait la naturalisation de ce mammifère ; qu'ainsi, la dérogation prévue à l'article 8.3 du règlement nº 338/97 ne pouvait être accordée dès lors que la naturalisation dudit animal n'a pas été obtenue conformément à la réglementation nationale, laquelle peut légalement être plus stricte que la réglementation communautaire, alors même que ce lynx était né et avait été élevé en Belgique, Etat membre de l'Union européenne ;
7. Considérant, en ce qui concerne le certificat intracommunautaire sollicité pour un jaguar, que l'administration a pu à bon droit refuser la mise en vente de ce mammifère sur le fondement de l'article 59 précité du règlement n° 865/2006 dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que ce jaguar, né et élevé en Allemagne, a été naturalisé au cours de l'année 2000, malgré l'interdiction de naturalisation de ces animaux édictée par l'article 2 de l'arrêté du 15 mai 1986 alors en vigueur et applicable sur l'ensemble du territoire national ; que, par suite, les requérantes ne pouvaient bénéficier de la dérogation prévue par l'article 8.3 du règlement nº 338/97 du Conseil ; que la dérogation prévue à l'article 3 bis de cet arrêté, introduite le 24 juillet 2006, n'est pas applicable en l'espèce dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, conformément à ces dispositions, ce spécimen serait né et aurait été élevé en captivité ou légalement introduit en France ;
8. Considérant, en ce qui concerne le certificat intracommunautaire sollicité pour un puma, que si Mme G...et Mmes B...produisent la " proposition de vente " effectuée le 12 juillet 1970 par un musée danois à M.B..., cette pièce ne permet pas à elle seule d'établir que cette proposition aurait alors été suivie d'un achat effectif et, en conséquence, que le spécimen naturalisé objet de la décision de refus contestée aurait été acquis ou introduit dans la Communauté européenne avant que les dispositions relatives aux espèces inscrites à l'annexe I de la convention, ou à l'annexe C 1 du règlement (CEE) n° 3626/82 ne deviennent applicables ; qu'ainsi, le refus opposé par le préfet de la Manche ne méconnaît pas le a) de l'article 8.3 précité du règlement nº 338/97 du Conseil ;
9. Considérant, enfin, en ce qui concerne le certificat intracommunautaire sollicité pour un loup, que les requérantes ne peuvent utilement se prévaloir de la dérogation figurant au h) de l'article 8.3 du règlement nº 338/97 du Conseil du 9 décembre 1996, dès lors que les dispositions du règlement CEE 3626/82 du 3 décembre 1982 en vigueur en 1995 exigeaient la présentation d'un permis d'importation délivré par un bureau de douanes européen, que les requérantes ne sont pas en mesure de produire, la licence d'exportation canadienne délivrée le 15 juin 1995 pour le spécimen concerné ne pouvant en tenir lieu ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier que la naturalisation de ce loup a été effectuée en France en décembre 2004, alors que l'article 3 de l'arrêté interministériel du 17 avril 1981 susvisé interdisait la naturalisation de cet animal ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme G...et Mmes B...ne sont pas fondées à soutenir que les décisions contestées sont entachées d'illégalité et doivent être annulées ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation des requérantes, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que dès lors, les conclusions formées à cet effet en première instance ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les dépens
12. Considérant que Mme G...et Mmes B...étant la partie perdante dans la présente instance, il y a lieu, en l'absence de circonstances particulières, de laisser à leur charge la contribution pour l'aide juridique acquittée au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme G...et Mmes B...de la somme demandée à ce titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 3 avril 2014 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme G...et Mmes B...devant le tribunal administratif de Caen et le surplus de leurs conclusions devant la cour sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à à Mme C...G..., à Mme E...B..., à Mme D...B..., à Mme A...B..., à Mme F... B...et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
Copie en sera transmise au préfet de la Manche
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Millet, président assesseur,
- M. François, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 novembre 2015.
Le rapporteur,
E. FRANCOISLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT01440