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10/11/2015 | FRANCE | N°13NT03363

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 10 novembre 2015, 13NT03363


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société concessionnaire du transport sur voie réservée de l'agglomération caennaise (STVR) a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 19 décembre 2011 par laquelle la société Kéolis Caen a procédé à une compensation entre la somme de 94 128,95 euros, correspondant au préjudice qu'elle estime avoir subi lors des travaux de gros entretien et renouvellement réalisés par la société STVR entre les 25 juillet et 31 août 2011, et la quote-part des résultats d'exploitation

commerciale du service de transport sur voie réservée due à cette dernière au titre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société concessionnaire du transport sur voie réservée de l'agglomération caennaise (STVR) a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 19 décembre 2011 par laquelle la société Kéolis Caen a procédé à une compensation entre la somme de 94 128,95 euros, correspondant au préjudice qu'elle estime avoir subi lors des travaux de gros entretien et renouvellement réalisés par la société STVR entre les 25 juillet et 31 août 2011, et la quote-part des résultats d'exploitation commerciale du service de transport sur voie réservée due à cette dernière au titre du mois de novembre 2011, et de condamner la société Kéolis Caen à lui verser la somme de 94 128,95 euros avec les intérêts moratoires fixés au taux EONIA majoré de 1,5 % ainsi que la capitalisation de ces intérêts.

Par un jugement n° 1200459 du 10 octobre 2013, le tribunal administratif de Caen a condamné la société Kéolis Caen à verser à la société STVR la somme de 94 128,95 euros, assortie des intérêts au taux EONIA majoré de 1,5 % à compter du 20 décembre 2011 et de la capitalisation des intérêts à compter du 20 décembre 2012, sous réserve des versements déjà effectués.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 11 décembre 2013 et 24 septembre 2014, la société Kéolis Caen, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 10 octobre 2013 ;

2°) de surseoir à statuer jusqu'au dépôt des rapports des expertises en cours relatives au système de transport sur voie réservée ;

3°) de rejeter les demandes de la société STVR devant le tribunal administratif de Caen et de condamner cette dernière à lui rembourser les sommes versées en exécution du jugement attaqué ;

4°) de mettre à la charge de la société STVR une somme de 5 000.euros par application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- pour statuer sur les demandes de la société STVR et notamment estimer que les travaux en cause constituaient des travaux de gros entretien et renouvellement (GER) contractuellement prévus en 2011 et imposés par Kéolis Caen à STVR, et que Kéolis Caen ne justifiait pas d'une défaillance de STVR ouvrant droit à une indemnité compensatrice sur le fondement de l'article V.2.5 de la convention tripartite de fonctionnement, le tribunal administratif aurait dû surseoir à statuer jusqu'au dépôt des 3 rapports des expertises ordonnées par le président du tribunal administratif ;

- faute pour les premiers juges d'avoir ainsi sursis à statuer, le jugement est irrégulier et doit être annulé ;

- la cour devra surseoir à statuer ;

- il ne saurait être inféré de cette demande de sursis à statuer, présentée dans un souci de bonne administration de la justice, que la créance de la société Kéolis Caen ne serait pas certaine, exigible et liquide ;

- la circonstance que l'interruption des lignes de tramway serait justifiée par des travaux de gros entretien et de renouvellement (GER) est sans incidence sur la mise en oeuvre des stipulations de l'article V.2.5 de la convention tripartite de fonctionnement relatif à la perte substantielle de la qualité de service lesquelles, combinées avec les stipulations de l'article 1.8.2 de la convention tripartite, ne font pas condition de la faute ;

- l'indemnité compensatrice a été déterminée par application des modalités de calcul définies par le protocole transactionnel d'accord conclu le 24 décembre 2004, lequel permet d'indemniser au coût réel les préjudices résultant de situations non prévues ;

- les interruptions du service ont affecté la disponibilité du service et ouvert droit, par application du protocole de 2004, à une indemnité compensatrice en faveur de la société Kéolis ;

- en estimant que les travaux réalisés pendant la période considérée constituaient des travaux de GER prévus au contrat les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier et commis une erreur de fait ;

- aucune stipulation contractuelle ne permet l'exclusion des rames en GER du calcul du taux de disponibilité ;

- Kéolis a été consultée sur le calendrier des travaux mais n'y avait pas consenti, ayant préconisé des travaux de nuit.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 juillet 2014 et 10 avril 2015, la société concessionnaire du transport sur voie réservée de l'agglomération caennaise (STVR), représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mis à la charge de la société Kéolis Caen le versement d'une somme de 7 000.euros par application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de sursis à statuer dans l'attente du dépôt des rapports des 3 expertises ordonnées corrobore l'absence de créance certaine, liquide et exigible, et n'est pas justifiée,

- aucun des moyens soulevés par la société Kéolis Caen n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Loirat, président-assesseur,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., représentant la société STVR.

1. Considérant que dans le cadre du service de transport sur voie réservée (TVR) consistant en un tramway sur pneumatiques, le syndicat mixte des transports en commun de l'agglomération caennaise (SMTCAC) a conclu, d'une part, le 22 juillet 1994, un contrat de concession de travaux publics avec la société concessionnaire du transport sur voie réservée de l'agglomération caennaise (STVR) et, d'autre part, le 17 octobre 1997, un contrat de concession de service public avec la société générale de transport et d'industrie, aux droits de laquelle vient la société Kéolis Caen ; qu'une convention tripartite de fonctionnement du transport sur voie réservée de l'agglomération caennaise a été conclue le 21 avril 2000 entre ces deux sociétés et le SMTCAC, afin de définir et de coordonner les missions et responsabilités respectives des deux concessionnaires sous le contrôle de l'autorité concédante ; qu'à la suite de travaux de réfection des infrastructures du tramway affectant l'exploitation de la ligne TVR, la société Kéolis Caen a adressé à la STVR une facture de 94 128,95 euros, estimant cette société responsable des frais supplémentaires générés dans l'exploitation du service ; qu'en l'absence de paiement de la facture, la société Kéolis Caen a procédé, par une décision du 19 décembre 2011, à une compensation entre cette somme et le montant de la fraction des recettes perçues auprès des usagers qu'elle était tenue de reverser à la STVR au titre du mois de novembre 2011 ; que, par la présente requête, la société Kéolis Caen relève appel du jugement du 10 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen l'a condamnée à verser à la société STVR la somme de 94 128,95 euros, assortie des intérêts au taux EONIA majoré de 1,5 % à compter du 20 décembre 2011, avec capitalisation des intérêts à compter du 20 décembre 2012, sous réserve des versements déjà effectués ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que la société Kéolis Caen soutient que le jugement attaqué serait irrégulier dès lors que le tribunal administratif n'a pas sursis à statuer sur les demandes de la société STVR dans l'attente des résultats des trois expertises ordonnées par ailleurs par le président du tribunal les 2 août 2012, 7 mars et 22 avril 2013 sur, d'une part, les dysfonctionnements qui affectent le système TVR, d'autre part les incidents de fonctionnement dont l'imputabilité n'a pas fait l'objet d'un accord des parties, enfin les désordres et malfaçons caractérisés par la perte inopinée de pièces et matériels du TVR, au motif selon elle que " c'est seulement au regard et à la suite des résultats de ces expertises que le juge administratif sera en situation de se prononcer sur l'imputabilité des désordres et des défaillances, sur les fautes commises et les responsabilités encourues ainsi que, par voie de conséquence, sur le bien fondé au fond de la compensation opérée par Keolis à l'encontre de la société TVR " ; que toutefois, même s'il avait par ailleurs ordonné des expertises, le tribunal administratif n'était pas tenu de suspendre sa décision sur le paiement d'une dette qu'il estimait certaine, liquide et exigible, nonobstant la connexité invoquée par la société débitrice de celle-ci avec une créance qu'elle revendique, en vue de permettre la compensation de cette dette certaine avec la créance revendiquée qui n'apparaissait qu'éventuelle au tribunal en l'état du dossier dont il était saisi ; que par suite, en n'ordonnant pas de sursis à statuer, les premiers juges n'ont pas entaché le jugement attaqué de l'irrégularité alléguée ;

Sur le bien fondé du jugement :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 1291 du code civil : " La compensation n'a lieu qu'entre deux dettes qui ont également pour objet une somme d'argent, ou une certaine quantité de choses fongibles de la même espèce et qui sont également liquides et exigibles... " ;

4. Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article V.2.5 de la convention tripartite de fonctionnement invoquées par la société Kéolis Caen : " En cas de perte substantielle de la qualité de service, imputable à la défaillance de l'un ou l'autre des concessionnaires, et entraînant des surcoûts ou une baisse sensible des recettes dans l'exploitation de l'ouvrage ou du service, le concessionnaire concerné versera une indemnité compensatrice à l'autre concessionnaire, sans préjudice de l'application des pénalités prévues à son contrat de concession " ; que l'article 9 de l'avenant 1 à cette convention précise que : " La perte substantielle de la qualité de service est caractérisée par un taux de disponibilité inférieur de plus de deux points au taux de disponibilité fixé contractuellement dans l'annexe 9 jointe au présent avenant " ; qu'il résulte de l'instruction que cette annexe 9 à l'avenant n°1 a été abrogée par les stipulations de l'avenant n°2 à la convention tripartite, conclu le 31 janvier 2006, lequel a pour objet, au vu des nombreux contentieux opposant les deux concessionnaires à propos des différents incidents survenus, de modifier les modalités de calcul de la disponibilité générale du service (DGS) et les modalités d'application et de mise en oeuvre des pénalités sanctionnant la perte substantielle de la qualité de service ; qu'aux termes des stipulations de l'article 3.2 de cet avenant n°2 : " Pour le calcul de la disponibilité et l'application des pénalités afférentes au manque de disponibilité du tramway, sont exclues les circonstances suivantes : / - Pour le matériel roulant et les infrastructures : les opérations de maintenance programmée dont la périodicité est supérieure à un an et notamment les gros entretiens et renouvellements sous réserve que : / - les travaux concernés respectent le planning généralement approuvé... ; / - le planning des interventions soit établi et finalisé par le concessionnaire TP au moins 3 mois à l'avance ; étant ici rappelée l'obligation du concessionnaire TP de présenter, le 15 novembre de chaque année, le programme des gros entretiens et renouvellements pour l'année à venir " ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les travaux litigieux de renouvellement des plates-formes sur les branches " Hérouville Saint Clair " et " La Grâce de Dieu ", d'interventions sur les rails de guidage, sur la ligne aérienne de contact, sur la ventilation et sur les courants forts et faibles, constituaient des travaux de gros entretiens et renouvellements portant sur les infrastructures prévus par le plan d'actions 2010, lequel avait été déterminé en concertation par le concessionnaire de travaux et par le concessionnaire du service de transport ; que ce plan d'actions prévoyait qu'en raison de ces travaux un arrêt d'exploitation de trois semaines serait nécessaire sur la totalité du réseau et que la branche " Campus " serait neutralisée deux semaines de plus ; qu'en outre, les échanges entre les deux concessionnaires sur la planification de ces travaux ont commencé dès le mois d'octobre 2010 et les travaux se sont déroulés aux périodes proposées en dernier lieu par la société Kéolis Caen dans une lettre du 28 janvier 2011 ; que dans ces conditions, ces travaux relevaient de la maintenance programmée au sens de l'avenant n°2 à la convention tripartite de fonctionnement et, dès lors qu'ils en remplissaient les conditions précitées de planification pré-programmée, n'avaient pas à être pris en compte dans le calcul de la disponibilité du service ; que, par suite, la société Kéolis Caen n'est pas fondée à se prévaloir d'un droit à indemnité compensatrice du fait de ces travaux sur le fondement des stipulations qu'elle invoque de l'article V.2.5 de la convention tripartite de fonctionnement ;

6. Considérant que, dans ces conditions, la société Kéolis Caen ne justifie pas disposer d'une créance certaine, liquide et exigible à l'égard de la société STVR susceptible de faire l'objet d'une compensation avec les sommes dont elle est redevable à l'égard de cette dernière au titre du mois de novembre 2011 en vertu des stipulations des articles V.2.1 et V.2.2 de la convention tripartite de fonctionnement ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit nécessaire de surseoir à statuer, que la société Kéolis Caen n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen l'a condamnée à verser à la société STVR la somme susmentionnée de 94 128,95 euros ; que ses conclusions tendant à ce que la société STVR soit condamnée à lui rembourser les sommes versées en exécution de ce jugement ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société STVR, qui n'a pas la qualité de partie perdante, le versement de la somme que la société Kéolis Caen demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Kéolis Caen le versement à la société STVR d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Kéolis Caen est rejetée.

Article 2 : La société Kéolis Caen versera à la société STVR une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Kéolis Caen et à la société concessionnaire du transport sur voie réservée de l'agglomération caennaise (STVR).

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- M.C..., faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 novembre 2015.

Le rapporteur,

C. LOIRATLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. A...

La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT03363


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT03363
Date de la décision : 10/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Cécile LOIRAT
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL REDLINK

Origine de la décision
Date de l'import : 25/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-11-10;13nt03363 ?
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