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21/10/2015 | FRANCE | N°15NT01282

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre b, 21 octobre 2015, 15NT01282


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 7 février 2012 du préfet des Bouches-du-Rhône ajournant à 3 ans sa demande de naturalisation, ainsi que la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant son recours hiérarchique, à laquelle s'est substituée en cours d'instance la décision du 5 novembre 2012 par laquelle le ministre a rejeté la demande de naturalisation.

Par un jugement n°1207295 du 3 mars 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa

demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 avril 201...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 7 février 2012 du préfet des Bouches-du-Rhône ajournant à 3 ans sa demande de naturalisation, ainsi que la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant son recours hiérarchique, à laquelle s'est substituée en cours d'instance la décision du 5 novembre 2012 par laquelle le ministre a rejeté la demande de naturalisation.

Par un jugement n°1207295 du 3 mars 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 avril 2015, M.C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 3 mars 2015 ;

2°) d'annuler la décision du 5 novembre 2012 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur, de lui octroyer la nationalité française.

Il soutient que :

- en rejetant sa demande au motif notamment que ses revenus étaient insuffisants, le ministre a ajouté aux textes relatifs à la nationalité une condition fondée sur la fortune constitutive d'une discrimination prohibée par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et la Déclaration universelle des droits de l'homme ;

- en rejetant sa demande, le ministre a commis une erreur manifeste d'appréciation dès lors, d'une part, que la condamnation pénale dont il a fait l'objet, remontant à plus de dix ans, est ancienne et qu'il en a demandé l'effacement de son casier judiciaire et qu'il s'est rapidement acquitté des indemnités dues à la victime, d'autre part qu'il cumule désormais deux activités professionnelles à temps partiel sous contrats à durée indéterminée, enfin qu'il s'est rapidement acquitté des sommes qu'il devait à l'administration fiscale et que les retards de paiement sont justifiés par ses difficultés matérielles.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2015, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'accès à la nationalité française ne constitue pas un droit protégé par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'intéressé ne saurait utilement se prévaloir des stipulations de la Déclaration universelle des droits de l'homme qui ne figure pas au nombre des textes diplomatiques ratifiés par la France dans les conditions fixées par l'article 55 de la Constitution ;

- les autres moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- le code civil ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 modifié ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Bachelier, président-rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.B..., ressortissant zaïrois, relève appel du jugement du 3 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation la décision du 7 février 2012 du préfet des Bouches-du-Rhône ajournant à 3 ans sa demande de naturalisation, ainsi que la décision du ministre de l'intérieur rejetant son recours hiérarchique et substituant à la décision d'ajournement une décision de rejet de sa demande de naturalisation ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant, le degré d'insertion professionnelle ou d'autonomie matérielle du postulant, ainsi que le niveau et la stabilité de ses ressources ;

3. Considérant que pour rejeter la demande de naturalisation de M.B..., le ministre s'est fondé sur les circonstances que l'intéressé avait été l'auteur le 19 février 2000 des faits de violence suivie d'incapacité supérieure à 8 jours, que ses revenus ne lui permettaient pas de disposer de ressources suffisantes pour disposer d'une autonomie matérielle durable et qu'il avait eu un comportement fiscal sujet à critiques, dès lors qu'il s'était à plusieurs reprises acquitté avec retard de ses taxes d'habitation au titre des années 2009 et 2010 ;

4. Considérant, en premier lieu et d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant a été l'auteur, le 19 février 2000, de faits de violence suivie d'une incapacité supérieure à huit jours, faits pour lesquels il a été condamné à une peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis par le tribunal correctionnel de Marseille le 21 décembre 2001; qu'eu égard à la gravité de ces faits, et en dépit de leur relative ancienneté, le ministre a pu légalement retenir ce motif alors même que le requérant soutient avoir indemnisé avec célérité sa victime et requis, sans d'ailleurs l'établir, l'effacement de la condamnation de son casier judiciaire ;

5. Considérant, d'autre part, qu'à la date de la décision contestée, le requérant était employé en tant qu'agent d'entretien depuis 2007 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel ; que cet emploi lui procurait une rémunération mensuelle d'environ 390 euros soit un niveau insuffisant pour garantir durablement son autonomie matérielle ; que ses ressources étaient d'ailleurs complétées par le revenu de solidarité active ainsi que des aides personnalisées au logement ; que la circonstance qu'il exerce depuis janvier 2015 une autre activité professionnelle, postérieure à la décision contestée, est sans incidence sur sa légalité ;

6. Considérant enfin qu'il ressort du bordereau de situation fiscale en date du 17 mars 2011, produit par le ministre, que le requérant s'est acquitté de ses taxes d'habitation 2009 et 2010 après majorations ;

7. Considérant que, par suite, en se fondant sur les motifs tirés des renseignements défavorables sur le comportement de l'intéressé et le défaut d'autonomie matérielle pérenne pour rejeter la demande du requérant, le ministre, eu égard au large pouvoir d'appréciation dont il dispose, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;

8. Considérant, en second lieu, que l'accès à la nationalité française ne constitue pas un droit pour l'étranger qui la sollicite ; que le refus d'accorder la naturalisation à un étranger au motif que son insertion professionnelle est insuffisante ne saurait dès lors constituer une discrimination dans l'accès à un droit fondamental ; qu'il suit de là et en tout état de cause que M. B...ne peut utilement invoquer une prétendue violation des stipulation combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du protocole n° 12 additionnel à cette convention en tant qu'elles prohibent les discriminations fondées, notamment, sur la fortune ; qu'il ne peut davantage utilement invoquer la méconnaissance de la Déclaration universelle des droits de l'homme, laquelle ne figure pas au nombre des textes diplomatiques qui ont été ratifiés dans les conditions fixées par l'article 55 de la Constitution ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

10. Considérant que la présente décision, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M.B..., n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions susvisées à fin d'injonction ne peuvent dès lors, et en tout état de cause, qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 14 octobre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Bachelier, président de la cour,

- Mme Buffet, premier conseiller,

- Mme Piltant, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 octobre 2015.

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

C. BUFFETLe président-rapporteur,

G. BACHELIER

Le greffier,

S. BOYERE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15NT01282


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre b
Numéro d'arrêt : 15NT01282
Date de la décision : 21/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BACHELIER
Rapporteur ?: M. le Pdt. Gilles BACHELIER
Rapporteur public ?: M. DELESALLE
Avocat(s) : MOUELE

Origine de la décision
Date de l'import : 03/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-10-21;15nt01282 ?
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