Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2005 à 2008 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 130842 et 1302896 du 19 décembre 2013, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 février 2014 et un mémoire enregistré le 25 février 2015, Mme D..., représentée par Me C..., demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 19 décembre 2013 ;
2°) de prononcer la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2005 à 2007 à hauteur de 260 062 euros et au titre de l'année 2008 à hauteur de 81 855 euros et, d'autre part, des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la procédure prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ne pouvait être mise en oeuvre dès lors que :
- l'existence du bail ne relève pas d'une optimisation fiscale puisqu'il prive les époux de l'exonération applicable à la plus-value de vente de l'habitation principale ;
- le loyer qui été encaissé par la société civile immobilière (SCI) Amour a été rehaussé ;
- la conclusion d'un bail d'habitation constituait une mesure préventive pour la protection de ses enfants en cas de divorce permettant l'attribution du logement impossible juridiquement autrement dans le cadre d'une SCI et en cas de décès de l'un des époux à l'égard du remboursement de l'emprunt ;
- l'existence du bail a effectivement permis au juge aux affaires familiales de lui attribuer le logement dans le cadre de la procédure de divorce et de protéger ses enfants.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 22 août 2014 et le 29 mai 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme D...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Allio-Rousseau,
- les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant MmeD....
1. Considérant que le 7 juillet 2005, Mme E... D... et M. A... B... ont constitué la société civile immobilière (SCI) Amour, soumise au régime fiscal de l'article 8 du code général des impôts, dont ils détiennent 50 % des parts chacun ; que le capital social de cette société a été établi à 1,5 millions d'euros en vue de l'acquisition d'un immeuble dit " Maison de Madeleine Castaing " situé à Lèves ; qu'en août 2005, la société a conclu un bail professionnel avec Mme D...pour l'exercice de son activité d'avocat, d'une durée de 18 ans, prévoyant un loyer annuel de 24 000 euros hors taxes (HT) porté à 30 000 euros HT le 1er octobre 2007, un bail commercial avec la société KAP dirigée par M. B...d'une durée de 18 ans, prévoyant un loyer annuel de 24 000 euros HT porté à 30 000 euros HT le 1er octobre 2007 et un bail d'habitation avec Mme D...et M. B...d'une durée de 15 ans, prévoyant un loyer annuel de 12 000 euros HT porté à 30 000 euros HT le 1er janvier 2008, portant sur 88 % de la totalité de la surface de l'immeuble ; que les travaux de réparation et d'amélioration pour remettre en état la maison ont été réalisés au cours des années 2005 à 2007 et se sont élevés à 1 001 605 euros ; que l'achat et les travaux ont été financés au moyen d'un emprunt de 1,2 million d'euros et par apport en compte courant des associés ; que la SCI Amour a fait l'objet d'un contrôle sur place au titre des années 2005 à 2007 à l'issue duquel l'administration a mis en oeuvre la procédure prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales au motif que les associés, en se réservant à titre de résidence principale la jouissance du logement, au travers d'un bail portant sur 88 % de l'immeuble et prévoyant le versement d'un loyer, ont recherché uniquement à déduire fiscalement une partie du déficit foncier, généré par les travaux réalisés sur ce logement, de leur revenu global et pour le surplus des autres revenus fonciers actuels ou futurs ; qu'en conséquence, les résultats de la SCI Amour ont été rehaussés par une proposition de rectification du 17 décembre 2008, en ne tenant compte que des recettes et des dépenses concernant la partie louée à titre professionnel ; que par trois propositions de rectification du 17 décembre 2008, l'administration, en application des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, a informé Mme D... et M. B..., qui se sont mariés le 17 septembre 2005, des conséquences en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales des rectifications opérées au niveau de la société et a réintégré pour chaque année dans leurs revenus fonciers la part des intérêts d'emprunt ainsi que celle des travaux afférents à la part de l'immeuble affectée à l'habitation ; que, par ailleurs, l'administration a, par une proposition de rectification du 24 novembre 2011, remis en cause l'imputation des déficits fonciers constatés au titre des années 2005 à 2007 sur les bénéfices de même nature réalisés en 2008 ; que Mme D... relève appel du jugement du 19 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2005 à 2008 et des pénalités correspondantes ;
Sur le bien-fondé des impositions :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes du II de l'article 15 du code général des impôts : " Les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu. (...) " ; que les contribuables bénéficiaires de l'exonération ainsi édictée ne sont pas, par voie de conséquence, autorisés à déduire de leurs revenus fonciers compris dans le revenu global les charges afférentes à ces logements ;
3. Considérant, d'autre part, que lorsque, pour écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, l'administration use des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, et que le comité consultatif pour la répression des abus de droit, devenu comité de l'abus de droit fiscal, n'a pas été saisi, elle doit établir que ces actes ont un caractère fictif ou qu'ils n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ;
4. Considérant que, pour établir que la conclusion par la SCI Amour d'un bail d'habitation au profit de ses deux associés et gérants n'a été inspiré par aucun autre motif que celui de faire échec à l'application des dispositions du II de l'article 15 du code général des impôts, l'administration a relevé que la conclusion de ce bail portant sur 88 % de la surface totale de l'immeuble a eu pour effet de permettre la déduction du coût des travaux de remise en état ainsi que des intérêts des emprunts contractés pour leur réalisation, concernant presque exclusivement la partie dédiée à l'habitation de cet immeuble, des revenus de la SCI Amour, alors que les loyers déclarés en recettes au titre du bail d'habitation n'ont effectivement été versés qu'au cours de l'année 2007 et que l'importance des déductions imputées au cours des années en litige rendait possible, pour l'avenir, la déduction de déficits fonciers par les requérants ;
5. Considérant, d'une part, que contrairement à ce qu'elle allègue, il résulte de l'analyse des relevés bancaires joints par la requérante que les loyers prévus par le bail d'habitation n'ont pas été encaissés par la SCI Amour au titre des années 2005, 2006 et 2008 ;
6. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que le but invoqué par la requérante de préserver principalement les intérêts patrimoniaux de ses enfants en cas de divorce ou de décès ne nécessitait pas la conclusion d'un tel bail ; que si Mme D... soutient que l'existence du bail d'habitation permettait seule le maintien dans les lieux après la séparation des époux en application des dispositions de l'article 1751 du code civil, aux termes duquel en cas de divorce, le droit au bail d'un local peut être attribué, en considération des intérêts sociaux et familiaux en cause, par la juridiction saisie de la demande, les dispositions du 4° de l'article 255 du code civil dispose que le juge aux affaires matrimoniales peut, à titre de mesure provisoire, attribuer à l'un des époux la jouissance du logement loué ; que la question de l'attribution de l'immeuble à l'issue de la procédure de divorce entamée entre les deux époux séparés de biens dépend non du contrat de bail mais de la répartition du capital de la SCI entre eux ; qu'enfin, comme l'ont souligné les premiers juges, en cas de décès de la requérante, ses enfants nés d'un précédent mariage seraient tenus par les obligations financières résultant de la détention des parts de la SCI Amour ;
7. Considérant, enfin, que si la requérante fait valoir qu'elle ne pouvait, en cas de vente de l'immeuble détenu par la SCI Amour, bénéficier de l'exonération prévue au II de l'article 150 U du code général des impôts lors de la cession d'une résidence principale, compte tenu de l'existence du bail, ni la réalité de ce projet au cours des années en litige ni l'existence d'une plus-value ne sont corroborées par des éléments du dossier ;
8. Considérant que, dans ces conditions, l'administration est fondée à soutenir que, sous l'apparence du caractère lucratif de la location, l'opération n'avait d'autre objet que de faire échec aux dispositions du II de l'article 15 du code général des impôts et de permettre à Mme D...de déduire de son revenu foncier les intérêts de l'emprunt contracté pour la réalisation des travaux dans l'immeuble ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a fait application des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales et a procédé aux rehaussements contestés ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme sollicitée par Mme D...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à MmeE... D... et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 octobre 2015.
Le rapporteur,
M-P. Allio-RousseauLe président,
F. Bataille
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT00492