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01/10/2015 | FRANCE | N°15NT01670

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 01 octobre 2015, 15NT01670


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 23 octobre 2009 du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle et la décision de rejet du recours gracieux formé par elle contre cette décision, ainsi que de l'indemniser du préjudice qu'elle a subi du fait de ce licenciement.

Par un jugement n° 1001059 du 2 novembre 2011, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
>Par un arrêt n° 11NT03046 du 15 novembre 2013, la cour administrative d'appel de Nant...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 23 octobre 2009 du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle et la décision de rejet du recours gracieux formé par elle contre cette décision, ainsi que de l'indemniser du préjudice qu'elle a subi du fait de ce licenciement.

Par un jugement n° 1001059 du 2 novembre 2011, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 11NT03046 du 15 novembre 2013, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par Mme B...contre ce jugement.

Par une décision n° 374819 du 22 mai 2015, le Conseil d'État, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Nantes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 30 novembre 2011, 7 février 2012, 28 mai 2013 et 21 août 2015, Mme C...B..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001059 du 2 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant d'une part, à l'annulation de la décision du 23 octobre 2009 du ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 18 décembre 2009 et, d'autre part, à la réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité de son licenciement ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) de condamner l'État à lui verser les traitements dont elle a été indûment privée et la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral et le préjudice financier subis ;

4°) d'enjoindre au ministre de la réintégrer dans ses fonctions au lycée professionnel agricole privé d'Anet ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens de l'instance.

Elle soutient que :

- l'avis émis par la commission mixte paritaire le 13 octobre 2009 ne lui a pas été communiqué ;

- le dossier d'inspection pédagogique et la procédure de licenciement méconnaissent les principes d'indépendance et d'impartialité ainsi que le droit à un procès équitable garanti par l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- seul un manquement à une obligation prévue par un texte législatif ou réglementaire peut constituer une insuffisance professionnelle et non pas également le fait de ne pas avoir les diplômes requis ou de ne pas avoir suivi des formations professionnelles ;

- il appartenait à l'administration de la faire bénéficier des formations que nécessitait le changement de la discipline principale qu'elle enseignait ; le bénéfice d'une formation organisée à Angers du 12 au 16 décembre 2005 lui a été refusé ; elle a suivi une formation à Paris du 30 mars au 3 avril 2009 ; à la date du 6 mai 2009 à laquelle l'inspection a eu lieu, elle n'avait pas encore assimilé et mis en pratique les acquis de cette formation ;

- le courrier l'informant de l'engagement d'une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle ne mentionnant pas seulement les résultats de l'inspection du 6 mai 2009 mais aussi le niveau de son diplôme, autrement dit de fausses informations données lors de son recrutement, l'administration devait engager une procédure disciplinaire ; la décision de licenciement pour insuffisance professionnelle est entachée de détournement de procédure ;

- la décision de licenciement est entachée d'erreur d'appréciation ; l'administration ne peut pas modifier son appréciation sur la valeur du diplôme présenté ; la requérante était très appréciée par ses élèves et ses collègues ; de nombreuses attestations démontrent son sérieux et sa motivation quant à l'élaboration et au suivi de ses enseignements ; cette décision est disproportionnée.

Par des mémoires en défense enregistrés le 17 avril 2013 et le 31 août 2015, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code rural ;

- le décret n° 89-406 du 20 juin 1989 relatif aux contrats liant l'État et les personnels enseignants et de documentation des établissements mentionnés à l'article L. 813-8 du code rural ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lemoine, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

1. Considérant que Mme B..., recrutée en qualité d'enseignante contractuelle de 3e catégorie dans la discipline de " l'éducation socioculturelle en technique de communication ", affectée au lycée professionnel agricole privé d'Anet à compter du 1er septembre 2003, relève appel du jugement du 2 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche du 23 octobre 2009 prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle, confirmée par le rejet implicite de son recours gracieux et, d'autre part, au paiement des traitements qu'elle aurait dû percevoir à compter du 1er janvier 2010, date d'effet de son licenciement ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, que les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives au droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, ne sont applicables, en principe, qu'aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions lorsqu'elles statuent sur des droits et obligations de caractère civil ou sur des accusations en matière pénale et ne peuvent être invoquées pour critiquer une procédure administrative, alors même qu'elle conduirait au prononcé d'un licenciement d'un agent contractuel de droit public comme en l'espèce ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 50-1 du décret du 20 juin 1989 : " Le licenciement pour insuffisance professionnelle est prononcé après observation de la procédure prévue en matière disciplinaire à l'article 44. " ; qu'aux termes de l'article 44 du même décret : " Le pouvoir disciplinaire est exercé par le ministre chargé de l'agriculture, à l'initiative ou après avis du chef d'établissement. Les sanctions prévues aux articles 42 et 43 sont prononcées après avis motivé du conseil de discipline prévu à l'article 57 du présent décret. (...) La procédure devant la commission consultative mixte, lorsqu'elle siège en conseil de discipline conformément à l'article 57, se déroule selon les règles fixées par le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'État, à l'exception de ses articles 10 à 17. (...) " ; qu'aucune disposition législative ou règlementaire applicable à la procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle n'imposant que l'avis de la commission consultative mixte soit communiqué à l'agent préalablement à la décision du ministre, le moyen tiré par Mme B... de ce que l'avis de la commission consultative compétente à l'égard des enseignants contractuels réunie le 13 octobre 2009 ne lui a pas été communiqué et que la procédure de licenciement engagée à son encontre est ainsi entachée d'irrégularité ne peut qu'être rejeté, aucun des droits de la défense n'ayant par ailleurs été méconnu ;

4. Considérant, en troisième lieu, que si Mme B... soutient que l'arrêté prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle est entaché de détournement de procédure dès lors que, fondée sur l'accusation de falsification des diplômes présentés par elle lors de son recrutement, une telle mesure aurait dû être prise dans le cadre d'une procédure disciplinaire, il ressort des pièces du dossier que le directeur de l'établissement concerné a fait le choix d'engager une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle en se fondant sur les résultats des inspections pédagogiques dont l'enseignante avait fait l'objet ; que la décision par laquelle l'administration décide d'engager une procédure à l'encontre d'un de ses agents n'est pas susceptible de recours, seule la décision prise à l'issue de cette procédure étant soumise au contrôle du juge ; qu'il suit de là que le moyen ainsi soulevé par Mme B...ne peut qu'être écarté ;

5. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que les notations annuelles attribuées à Mme B...faisaient régulièrement état d'un manque de créativité et d'investissement dans les activités qui lui étaient confiées et d'une certaine inadéquation de sa pédagogie au développement de la créativité des élèves ; que la première inspection réalisée le 26 mai 2005 a relevé que Mme B... devait approfondir ses connaissances et compétences dans la didactique de l'éducation socioculturelle, discipline qu'elle était chargée d'enseigner, pour atteindre l'ensemble des objectifs pédagogiques et qu'elle ne consacrait pas suffisamment de temps à cette discipline dans son temps d'enseignement ; que la deuxième inspection effectuée le 24 avril 2008 mentionnait un manque de travail collectif des élèves, l'absence de développement de leur imaginaire, et l'absence de tout enseignement d'éducation aux médias en 1ère année de baccalauréat professionnel pourtant au programme ; qu'elle recommandait par ailleurs à Mme B... d'adapter sa pédagogie au niveau d'exigence requis par le référentiel de formation en classes de baccalauréat professionnel ; que la troisième inspection qui s'est tenue le 6 mai 2009, et dont l'impartialité ne peut être remise en cause par la seule circonstance que l'inspecteur avait été averti des lacunes constatées dans le niveau de diplôme détenu par l'agent, a conclu que Mme B... éprouvait des difficultés récurrentes à atteindre les objectifs de formation de l'éducation socioculturelle dans les classes qui lui étaient confiées et qu'elle n'avait pas pris en compte les conseils et préconisations formulés lors de la précédente inspection, notamment en ce qui concerne le niveau des interventions non conforme aux exigences des référentiels d'enseignement ; que cette dernière inspection insistait notamment sur la progression approximative, lacunaire et confuse des enseignements, sur les importantes lacunes dans l'atteinte des objectifs de formation des élèves, et sur des apports théoriques très réduits et d'un niveau d'exigence insuffisant ; que la commission consultative compétente à l'égard des enseignants contractuels, réunie le 13 octobre 2009 dans le cadre de la procédure de licenciement engagée, a estimé, au vu des trois rapports d'inspection, que Mme B... éprouvait des difficultés récurrentes à atteindre les objectifs de formation assignés, et que le niveau de ses interventions en éducation artistique n'était pas suffisant ; qu'au vu de cet avis, le ministre a fondé son arrêté du 23 octobre 2009 sur l'insuffisance professionnelle de l'agent, l'absence de diplôme du niveau requis n'étant qu'un des arguments au soutien des appréciations pédagogiques négatives portées sur la manière d'enseigner de Mme B... ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que les appréciations sur la manière de servir de Mme B... reposeraient sur des faits inexacts ; que ces faits étaient de nature, contrairement à ce que soutient la requérante, à justifier un licenciement pour insuffisance professionnelle ; que, par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du 23 octobre 2009 serait entaché d'une erreur de droit ou d'une erreur d'appréciation ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 octobre 2009 prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au prononcé de sa réintégration et au versement des traitements qu'elle aurait dû percevoir depuis le 1er janvier 2010, date de prise d'effet de son licenciement, ainsi qu'à la condamnation de l'État à lui verser des dommages et intérêts, doivent également être rejetées ; que, pour le même motif, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B...et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2015 à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M. Lemoine, premier conseiller,

Lu en audience publique le 1er octobre 2015.

Le rapporteur,

F. LEMOINE

Le président,

I. PERROT

Le greffier,

A. MAUGENDRE

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15NT01670


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT01670
Date de la décision : 01/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-10-06-03 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Licenciement. Insuffisance professionnelle.


Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. François LEMOINE
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : SCP GERBET RENDA COYAC-GERBET

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-10-01;15nt01670 ?
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