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29/09/2015 | FRANCE | N°14NT01307

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 29 septembre 2015, 14NT01307


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 13 février 2013 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire a rejeté sa demande de titre séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français et d'une décision fixant l'Arménie comme pays de destination, et d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou sub

sidiairement de réexaminer sa demande, sous astreinte de 100 euros par jour de re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 13 février 2013 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire a rejeté sa demande de titre séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français et d'une décision fixant l'Arménie comme pays de destination, et d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou subsidiairement de réexaminer sa demande, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement.

Par un jugement n° 1303640 du 17 avril 2014, le tribunal administratif d'Orélans a rejeté sa demande en tant qu'elle visait le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français mais a sursis à statuer sur les conclusions dirigées contre la décision fixant l'Arménie comme pays de destination jusqu'à la décision de l'autorité judiciaire, saisie de la question de la nationalité de M.C....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 mai 2014, Mme A...D...épouseC..., représentée par MeG..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans n° 1303640 du 17 avril 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet d'Indre-et-Loire du 13 février 2013 ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Rouillé-Mirzade la somme de

2 000 euros au titre des dispositions des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi N°91-647 du 10 juillet 1991 .

Elle soutient que :

En ce qui concerne le refus de séjour :

- le préfet a commis une erreur d'appréciation au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle souffre d'un syndrome post-traumatique et qu'elle ne peut pour cette raison être soignée en Arménie ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ; son fils Filip ne peut quitter la France en raison de son état de santé et ne pourra recevoir des soins appropriés en Arménie ; en outre, dès lors que leurs parents n'ont pas la même nationalité, les enfants seront séparés de l'un des parents ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; sa belle-mère a également sollicité l'asile en France et elle n'a plus d'attaches familiales en Arménie ni en Russie ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- la décision fixant l'Arménie comme pays de renvoi méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle a subi des persécutions dans ce pays ;

- cette décision méconnaît également les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant, dès lors que M. C...ne peut être renvoyé en Arménie compte tenu du doute relatif à sa nationalité et dans l'attente d'une décision du tribunal de grande instance de Paris.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2015, le préfet d'Indre-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la requête est irrecevable en tant qu'elle conteste la décision fixant l'Arménie comme pays de destination dès lors que le tribunal administratif a prononcé un sursis à statuer sur la demande relative à cette décision, et qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Mme E...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 septembre 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Loirat, président-assesseur.

1. Considérant que MmeC..., d'origine arménienne, a déclaré être entrée irrégulièrement en France le 21 février 2012 ; que sa demande d'asile a été rejetée le 11 avril 2012 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) saisi en procédure prioritaire ; que sa demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en raison de son état de santé, a fait l'objet d'un refus, assorti de l'obligation de quitter le territoire français et de la fixation du pays de destination, par l'arrêté du préfet d'Indre-et-Loire du 13 février 2013 ; que, par la présente requête, Mme C...relève appel du jugement du 17 avril 2014 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français et a sursis à statuer sur ses conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi dans l'attente qu'il soit statué par le juge judiciaire sur la question de la nationalité de M.C... ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. Considérant, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence... " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...). / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. Quand la commission médicale régionale a été saisie dans les conditions prévues à l'article R. 313-26, l'avis mentionne cette saisine./ Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé./ L'étranger mentionné au 11° de l'article L. 313-11 qui ne remplirait pas la condition de résidence habituelle peut recevoir une autorisation provisoire de séjour renouvelable pendant la durée du traitement " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par son avis du 21 novembre 2012, le médecin de l'agence régionale de santé de la région Centre, saisi par le préfet d'Indre-et-Loire de la situation de MmeC..., a estimé que l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'elle pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et voyager sans risques ; que la requérante déclare souffrir d'un syndrome anxio-dépressif dont l'origine post traumatique fait obstacle à ce qu'elle reçoive des soins appropriés tant en Arménie qu'en Russie ; que, toutefois, les éléments qu'elle produit à l'appui de ses dires, notamment des certificats médicaux, ne sont pas de nature à établir le lien entre la pathologie dont elle souffre et les événements traumatisants qu'elle soutient avoir vécus tant en Arménie, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 15 ans, qu'en Russie, dont l'OFPRA n'a d'ailleurs pas admis la matérialité ; que, par suite, le préfet d'Indre-et-Loire n'a pas, en refusant la délivrance du titre de séjour demandé, entaché sa décision d'erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance " ; que Mme E...se prévaut de la présence en France de sa belle-mère et de la scolarisation de ses deux enfants et soutient ne plus avoir d'attache familiale en Arménie ni en Russie ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. C...fait également l'objet d'une décision d'éloignement et qu'ainsi la décision contestée n'a pas pour effet de séparer la cellule familiale, et que les enfants, compte tenu de leur âge, seront à même de poursuivre leur scolarité ailleurs que sur le territoire national ; que, dans ces conditions, la décision contestée n'a pas porté une atteinte excessive au droit de Mme E...au respect de sa vie privée et familiale, et n'a dès lors pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; que s'il est constant que le fils de Mme E...n'a jamais vécu en Arménie, il ressort des pièces du dossier qu'il est arrivé très récemment en France, où il a été scolarisé depuis moins de deux ans, et que la décision du préfet n'a pas pour effet de séparer l'enfant de ses deux parents ; que dans ces conditions, la décision contestée du préfet d'Indre-et-Loire n'est pas intervenue en méconnaissance des stipulations précitées de la convention internationale des droits de l'enfant ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

6. Considérant que pour les motifs exposés respectivement aux points 4 et 5, la décision contestée du préfet d'Indre-et-Loire n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

7. Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a sursis à statuer sur la demande de Mme E...en tant qu'elle est dirigée contre la décision fixant l'Arménie comme pays de destination, dans l'attente qu'il soit statué par le tribunal de grande instance de Paris sur la question de nationalité dont il a été saisi par M. C...le 11 février 2013 ; qu'il ressort des termes de l'assignation formée par son conseil devant la juridiction judiciaire que l'intéressé a en réalité entendu former une déclaration d'apatridie et qu'il a d'ailleurs saisi l'OFPRA à cette fin le 23 avril 2013 ; que par une décision du 21 avril 2015 l'OFPRA a rejeté la demande de M. C...et estimé que l'intéressé pouvait prétendre à la nationalité russe ou se voir reconnaître de plein droit la nationalité arménienne en tant que citoyen de la République soviétique d'Arménie qui vit en dehors de ce pays et n'a pas acquis la nationalité d'un autre pays ; que dans ces conditions, Mme E...ne peut se prévaloir de ce que la nationalité de son mari fait obstacle à ce que les époux soient éloignés vers le même pays de destination et que la décision contestée aurait pour effet de les séparer ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que si MmeE..., dont la demande d'admission au statut de réfugié a été rejetée par une décision de l'OFPRA confirmée par la Cour nationale du droit d'asile, soutient qu'elle encourt, en cas de retour en Arménie, des risques pour sa vie ou sa liberté, elle n'apporte aucun élément probant de nature à établir la réalité de ses allégations ; que, dans ces conditions, en fixant l'Arménie comme pays de destination, le préfet d'Indre-et-Loire n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant qu'il résulte de ce tout ce qui précède, d'une part, que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande dirigée contre le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ; que, d'autre part, c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans a sursis à statuer sur la demande d'annulation de la décision fixant le pays de destination, dès lors que la question de la nationalité de M. C...ne posait pas de difficulté sérieuse, et que l'article 2 du jugement n°1303640 du 17 avril 2014 doit ainsi être annulé ; qu'enfin, la demande tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi présentée par Mme E...devant le tribunal administratif d'Orléans doit être rejetée ;

8. Considérant que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme E...ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n°1303640 du 17 avril 2014 du tribunal administratif d'Orléans est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de Mme E...devant la cour et sa demande d'annulation de la décision du 13 février 2013 fixant le pays de destination présentée devant le tribunal administratif d'Orléans sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D..., épouse C...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet d'Indre-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président assesseur,

- M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2015.

Le rapporteur,

C. LOIRATLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. GUERIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01307
Date de la décision : 29/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Cécile LOIRAT
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : ROUILLE-MIRZA

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-09-29;14nt01307 ?
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