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29/09/2015 | FRANCE | N°13NT01530

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 29 septembre 2015, 13NT01530


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté d'agglomération du pays de Lorient a demandé au tribunal administratif de Rennes, dans le dernier état de ses écritures de première instance : 1° de condamner solidairement la société Bihannic, M. E...et la société Sofresid Ouest à lui verser la somme de 535 408,43 euros TTC en réparation du préjudice né des frais qu'elle a du exposer pour remédier aux désordres affectant l'isolation thermique du bâtiment dénommé " Les défis ", 2° de condamner solidairement, d'une part le cabine

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté d'agglomération du pays de Lorient a demandé au tribunal administratif de Rennes, dans le dernier état de ses écritures de première instance : 1° de condamner solidairement la société Bihannic, M. E...et la société Sofresid Ouest à lui verser la somme de 535 408,43 euros TTC en réparation du préjudice né des frais qu'elle a du exposer pour remédier aux désordres affectant l'isolation thermique du bâtiment dénommé " Les défis ", 2° de condamner solidairement, d'une part le cabinet E...et la société Sofresid Ouest, membres du groupement conjoint de maîtrise d'oeuvre, d'autre part la société Snere, à lui verser la somme de 13 972,80 euros TTC en réparation du préjudice né des frais engagés pour remédier aux désordres concernant les températures insuffisantes dans certains locaux ; 3° de condamner solidairement les sociétés Bihannic et SNERE, le cabinet E...et la société Sofresid Ouest à lui verser la somme de 28 106 euros TTC en réparation du préjudice constitué par le coût du contrat qu'elle a du conclure avec la société Armor Economie pour définir une solution technique propre à mettre un terme aux désordres, 4° d'ordonner une nouvelle expertise à l'effet de préciser l'étendue de son préjudice lié aux dépenses d'électricité excessives et de déclarer les sociétés Bihannic, E...et Sofresid solidairement responsables de ce préjudice, 5° d'indexer l'ensemble de ces sommes sur le dernier indice du coût de la construction publié au jour du dépôt du rapport d'expertise judiciaire, 6° de condamner solidairement les sociétés Bihannic, Snere, E...et Sofresid Ouest à supporter les dépens liquidés et taxés à hauteur de 13 737,51 euros ainsi qu'à lui verser une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 0902375 du 28 mars 2013, le tribunal administratif de Rennes a condamné solidairement l'architecte M. E...et la société Sofresid Ouest à payer à la communauté d'agglomération de Lorient une somme de 3 970,72 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal, a mis à leur charge solidaire les frais d'expertise s'élevant à 13 737,51 euros et les a condamnés à se garantir réciproquement de la moitié des sommes mises à leur charge, et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 mai 2013, la communauté d'agglomération du pays de Lorient, dite Lorient Agglomération, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 28 mars 2013 en tant qu'il a écarté la responsabilité décennale des constructeurs et la responsabilité contractuelle de la maîtrise d'oeuvre en ce qui concerne le contrôle de l'exécution des travaux et son devoir de conseil lors de l'établissement du projet de construction ;

2°) de condamner solidairement les sociétés Bihannic, E...et Sofresid Ouest à lui verser une somme de 535 408,43 euros TTC en réparation des coûts exposés pour remédier aux désordres affectant l'isolation thermique du bâtiment " des Défis " ;

3°) de condamner solidairement les sociétés Snere, E...et Sofresid Ouest à lui verser une somme de 13 972,80 euros TTC en réparation des coûts exposés pour remédier aux désordres affectant les températures insuffisantes dans certains locaux ;

4 ) de condamner solidairement les sociétés Bihannic, Snere, E...et Sofresid Ouest à lui verser une somme de 28 106 euros TTC en indemnisation de l'étude confiée à la société Armor Economie pour remédier aux désordres précités ;

5°) de reconnaître la responsabilité des sociétés Bihannic, E...et Sofresid Ouest s'agissant des consommations excessives d'électricité qu'elle à dû supporter et ordonner une expertise à l'effet de chiffrer ce préjudice ;

6°) d'indexer les condamnations sur le dernier indice du coût de la construction connu lors du dépôt du rapport d'expertise et d'ordonner la capitalisation des intérêts par application des dispositions de l'article 1154 du code civil à compter de la requête introductive d'appel ;

7°) de condamner les sociétés Bihannic, Snere, E...et Sofresid Ouest à supporter les dépens liquidés et taxés à hauteur de 13 737,51 euros ainsi qu'à lui verser une somme de 4 000 euros au titre de l 'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement contesté est insuffisamment motivé s'agissant du rejet de sa demande d'indemnisation des consommations excessives d'électricité et est dans cette mesure irrégulier ;

- la responsabilité contractuelle de la maîtrise d'oeuvre doit être engagée pour défaut de conseil sur la puissance de l'abonnement à souscrire auprès d'EDF, la requérante ayant de ce fait souscrit un tarif vert inadapté ;

- les désordres affectant les panneaux de Danpalon du bardage, invisibles à la réception et généralisés, relèvent de la garantie décennale et sont imputables à la société Bihannic ;

- l'insuffisance des équipements de chauffage et l'erreur de la note de calcul de la société Snere n'étaient pas des vices apparents pour le maître d'ouvrage, non professionnel, et compte tenu de l'ampleur et de la gravité de ces désordres apparus dans le délai d'épreuve, ces désordres relèvent de la garantie décennale ;

- le vice de conception du bardage, résultant du choix du Danpalon, à l'origine des importantes déperditions thermiques, engage la responsabilité décennale de la maîtrise d'oeuvre ;

- la maîtrise d'oeuvre a également manqué à son devoir de surveillance de l'exécution des travaux de bardage ;

- la maîtrise d'oeuvre a également manqué à son devoir de conseil au maître d'ouvrage sur la maîtrise de consommation d'énergie ;

- dès lors qu'il résulte de l'expertise que ni la reprise des bardages ni celle du sous-dimensionnement des appareils de chauffage ne résoudront le défaut d'isolation thermique du bâtiment et la surconsommation d'énergie, Lorient Agglomération a dû contracter avec la société Armor Economie un marché d'assistance à maîtrise d'ouvrage, pour un montant de 28 106 euros TTC, et cette société a défini un programme et des travaux d'isolation thermique dont le coût total s'élève à 535 408,43 euros TTC.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 décembre 2013, 24 janvier et 27 mars 2014, la société Bihannic, représentée par MeC..., conclut :

1°) À titre principal, au rejet de la requête ;

2°) À titre subsidiaire, à la réformation du jugement en admettant son appel en garantie par la société Everlite Concept et sa mise hors de cause ;

3°) À titre encore plus subsidiaire, au rejet de la demande d'expertise, à la condamnation de la société Everlite Concept à la garantir à hauteur de 30% de la somme de 13 883,46 euros TTC correspondant au coût de reprise des bardages, à la condamnation solidaire des sociétés E...et Sofresid à la garantir à hauteur de 100% ou 50% de sa quote-part de 70% de la somme précitée, à la limitation à 1,81% des frais d'expertise susceptibles d'être mis directement ou indirectement à sa charge ;

4°) Au rejet des conclusions d'appel en garantie présentées par M. E...et les sociétés Sofresid Engineering et Everlite Concept ;

5°) A la mise à la charge de Lorient Agglomération d'une somme de 8 000 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'est susceptible de répondre que des défauts ponctuels d'exécution des bardages, à supposer qu'il s'agisse d'un vice de nature décennale ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a écarté son appel en garantie dirigé contre la société Everlite Concept ;

- la somme demandée par l'appelante pour indemniser le coût de reprise totale de l'ouvrage excède manifestement la responsabilité et l'imputabilité à la société Bihannic dans l'exécution du lot bardage dont elle était titulaire et relève d'un nouveau projet.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2013, M.E..., architecte-urbaniste, représenté par MeI..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) Par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement et rejeter les demandes de Lorient Agglomération, et de faire droit à sa demande reconventionnelle tendant à la condamnation de l'appelante à lui verser une somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

3°) de mettre à la charge de Lorient Agglomération une somme de 6 000 euros par application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) Subsidiairement, de limiter sa quote-part de responsabilité à 5% et de condamner solidairement les autres sociétés défenderesses à le garantir de toute condamnation.

Il soutient que :

- le maître d'ouvrage a radicalement modifié la destination de l'ouvrage, initialement destiné à accueillir une équipe de course au large, au sein de l'ancienne base de sous-marins de Lorient, et les désordres dont elle demande réparation sont apparus postérieurement et sont inhérents à l'affectation du bâtiment à une pépinière d'entreprises ;

- l'expert n'a pas retenu de faute de conception et le Danpalon était un matériau adapté à l'usage initial du bâtiment ; c'est à tort que la société Bihannic soutient que la refonte totale du bâtiment confirmerait le défaut de conception reproché à l'architecte ;

- sa réalisation pour le " Défi Français " a été primée en architecture, sa dénaturation sans accord ni même information de l'architecte méconnaît les dispositions des articles L. 111-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2014, la société anonyme Sofresid Engineering SA, venue aux droits de la société Sofresid Ouest, représentée par MeH..., demande à la cour :

1°) A titre principal, de rejeter la requête et d'annuler le jugement en ce qu'il retient sa responsabilité contractuelle pour défaut de conseil lors de la réception des travaux ;

2°) A titre subsidiaire :

- de rejeter la demande de Lorient Agglomération tendant à la mise en oeuvre de sa garantie décennale pour un défaut de surveillance des travaux de bardage, ou subsidiairement de lui accorder la garantie totale par la société Bihannic ;

- de rejeter les conclusions en garantie décennale pour les désordres consistant en des températures insuffisantes dans certains locaux ;

3°) A titre encore plus subsidiaire, si la cour admettait la mais en oeuvre de la garantie décennale : de rejeter les demandes de Lorient Agglomération, étrangères aux coûts de reprise des désordres estimés par l'expert et définies de manière non contradictoire ;

4°) De mettre à la charge de l'appelante une somme de 8 000 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête d'appel ne sont pas fondés et qu'elle a en particulier exercé son devoir de conseil en mentionnant, par courrier du 22 mars 2001, la possibilité de s'équiper d'une centrale thermique, permettant de diminuer la consommation d'énergie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2014, la société par actions simplifiée (SAS) Everlite Concept, représentée par MeF..., demande à la cour :

1°) A titre principal, de confirmer l'incompétence de la juridiction administrative à son encontre ;

2°) A titre subsidiaire, de rejeter la requête de Lorient Agglomération et toutes autres conclusions dirigées contre elle-même ;

3°) A titre encore plus subsidiaire, de condamner M. E...et les sociétés Sofresid Engineering et Bihannic à la garantir de toute condamnation ;

4°) De mettre à la charge de la société Bihannic ou de toute autre partie perdante une somme de 4 000 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'elle n'a aucun lien contractuel avec le maître de l'ouvrage et que les moyens de l'appel principal de Lorient Agglomération comme ceux de l'appel incident de la société Bihannic ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mai 2014, la SARL Snere, représentée par MeG..., demande à la cour :

1°) A titre principal, de rejeter la requête de Lorient Agglomération ;

2°) Subsidiairement, à ce qu'elle soit garantie de toute condamnation ;

3°) de mettre à la charge de Lorient Agglomération le versement d'une somme de 2 000 euros par application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête d'appel ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 17 avril 2014, la clôture d'instruction a été fixée au 20 mai 2014, puis par ordonnance du 19 mai 2014 elle a été reportée au 17 juin suivant.

Un mémoire présenté pour la communauté d'agglomération du pays de Lorient a été enregistré le 29 septembre 2014, postérieurement à la clôture d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Loirat,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

-les observations de MeB..., représentant la communauté d'agglomération du pays de Lorient,

- les observations de MeI..., représentant le cabinet d'architecture Jean-FrançoisE...,

- les observations de MeA..., représentant la société Everlite Concept.

1. Considérant que la communauté d'agglomération du pays de Lorient, désormais dénommée Lorient Agglomération, a fait construire en 2001 sur le site de l'ancienne base sous-marine de Lorient, au lieu-dit Keroman, dans le cadre de l'aménagement d'un pôle de course au large, un bâtiment de 2 793 m2 dénommé " le Défi Français ", destiné à héberger l'équipe de voile du même nom en vue de sa préparation aux épreuves de l'America's Cup, comprenant sur quatre niveaux notamment un hangar à bateaux, une voilerie, des ateliers, une salle de gymnastique et des locaux administratifs ; que la maîtrise d'oeuvre a été confiée à un groupement conjoint composé du cabinet d'architecture E...et du bureau d'études techniques Sofresid Ouest ; que le lot bardage a été confié à la société Bihannic, dont le fournisseur des plaques de bardage était la société Everlite Concept, et le lot électricité-chauffage-ventilation à la société Snere ; que ces deux lots ont fait l'objet d'une réception avec réserves, lesquelles ont été levées le 30 janvier 2002 ; que la communauté d'agglomération du pays de Lorient, en se prévalant de défauts d'isolation thermique du bardage du bâtiment, de températures insuffisantes dans certains locaux et d'une surconsommation d'électricité pour le chauffage, a recherché la responsabilité de ces constructeurs, à titre principal, sur le fondement de la garantie décennale et, à titre subsidiaire, sur le fondement de leur responsabilité contractuelle ; que par la présente requête, Lorient Agglomération relève appel du jugement du tribunal administratif de Rennes du 28 mars 2013 en ce qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la mise en oeuvre de la garantie décennale des constructeurs, ses conclusions tendant à l'engagement de la responsabilité contractuelle des sociétés Bihannic et Snere, ainsi que ses conclusions tendant à l'engagement de la responsabilité contractuelle de M. E...et du bureau d'études techniques Sofresid Ouest pour manquement dans leur devoir de conseil lors de l'élaboration du projet de construction, du fait de l'insuffisance du niveau de puissance électrique souscrit auprès d'EDF, pour le vice de conception que constituerait le choix du bardage, et pour manquement dans leurs missions de surveillance et de contrôle des travaux ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que Lorient Agglomération soutient que le jugement contesté est insuffisamment motivé s'agissant du rejet de sa demande d'indemnisation du préjudice constitué par les consommations excessives d'électricité ; qu'il résulte toutefois des termes du point 4 de ce jugement que les premiers juges ont estimé, en se fondant sur le rapport d'expertise, que la consommation élevée d'électricité s'explique en premier lieu par la réglementation technique applicable au projet, dite RT 1988, moins soucieuse d'économiser l'énergie que celles qui lui ont succédé, en deuxième lieu par les très grands volumes du bâtiment projeté à vocation de hangar à bateaux et de voilerie, avec salle de gymnastique et locaux administratifs associés, rendant nécessaire de prévoir une surpuissance de chauffage de 20 %, aux termes de l'article 2.6.1 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP), et en troisième et dernier lieu, parce que là où il n'y avait à l'origine et jusqu'en 2004 qu'un locataire unique, le bâtiment a ensuite abrité des locataires multiples non responsabilisés dans leur consommation d'électricité ; que le jugement est ainsi suffisamment motivé et n'est dès lors entaché d'aucune irrégularité ;

Sur les conclusions d'appel principal :

En ce qui concerne la responsabilité décennale des constructeurs :

3. Considérant qu'il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans ;

4. Considérant, en premier lieu, que Lorient Agglomération soutient, d'une part, que les désordres affectant la mise en place des panneaux de Danpalon, panneaux de polyester translucides, étaient invisibles à la réception et que dès lors qu'ils revêtent un caractère généralisé, ils relèvent de la garantie décennale à la charge de la société Bihannic, titulaire du lot bardage, et que d'autre part ces désordres engagent également la responsabilité décennale du maître d'oeuvre en raison de son manquement à son obligation de surveillance des travaux de réalisation du bardage : qu'il résulte toutefois de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise ordonnée en référé, que l'expert a constaté des températures conformes aux stipulations du CCTP à l'intérieur du bâtiment et que ces températures pouvaient être maintenues par une programmation adaptée des équipements de chauffage, et que les consommations importantes d'électricité s'expliquaient par la réglementation technique de 1988 applicable au projet, par les très grands volumes du bâtiment dont l'objet était essentiellement d'abriter hangar à bateaux, voilerie et atelier, et par la multiplicité depuis 2004 de locataires dépourvus de responsabilité propre en matière de consommation d'électricité et de chauffage ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les infiltrations d'air tenant aux défauts de pose des plaques du bardage présentaient le caractère généralisé allégué ; qu'ainsi, en l'absence d'impropriété de l'immeuble à sa destination, les désordres invoqués ne sont pas susceptibles d'engager la responsabilité décennale de la société Bihannic et des maîtres d'oeuvre ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que Lorient Agglomération soutient que l'insuffisance des éléments de chauffage et l'erreur de calcul affectant la note thermique établie par la société Snere, titulaire du lot chauffage-électricité-ventilation, n'étaient pas des vices apparents pour le maître d'ouvrage, non professionnel, et que compte tenu de l'ampleur et de la gravité de leurs conséquences, ils relèvent de la garantie décennale ; qu'en raison des motifs énoncés au point précédent, l'immeuble n'est pas rendu impropre à sa destination ; que par suite, l'insuffisance des moyens de chauffage, constatée dans seulement trois des vingt-neuf locaux du bâtiment " Défi Français ", inhérente à l'erreur commise par la société Snere dans sa note thermique, n'est pas susceptible d'engager la responsabilité décennale des constructeurs ;

6. Considérant, en troisième lieu, que Lorient Agglomération soutient que le choix du Danpalon comme matériau de bardage est la cause essentielle des déperditions thermiques du bâtiment et constitue un vice de conception engageant la responsabilité décennale de la maîtrise d'oeuvre ; que toutefois, en l'absence d'impropriété de l'immeuble à sa destination, le vice de conception allégué n'est pas susceptible d'engager la garantie décennale des constructeurs ; qu'en tout état de cause, l'existence d'un vice de conception ne peut être appréciée qu'au regard des exigences initiales du maître de l'ouvrage et de la destination initiale de l'ouvrage dont il a confié la conception et la réalisation aux constructeurs par actes d'engagement ; que dès lors, s'il résulte de l'expertise que le bardage en Danpalon 16, matériau en polyester présentant un coefficient de transmission K de 1,53W/m2 °C, est à l'origine d'une importante déperdition thermique du bâtiment, le choix de ce matériau n'était pas contrindiqué au regard des normes thermiques alors applicables ; qu'en outre, ce matériau, pour lequel M.E..., architecte, avait fourni des références, paraissait approprié, notamment en raison de son caractère translucide et de ses propriétés esthétiques, pour l'aménagement d'un bâtiment édifié au sein de l'ancienne base sous-marine de Lorient, destiné à abriter l'équipe du " Défi Français " dans sa préparation de course au large et constitué pour l'essentiel d'un hangar à bateau, d'une voilerie, d'un atelier et d'une salle de gymnastique ; qu'enfin, il ne résulte pas de l'instruction que les documents contractuels du marché auraient mentionné une possible évolution ultérieure de l'affectation de cet ouvrage ; qu'au surplus le choix de ce matériau avait fait l'objet d'une large concertation, et avait été en particulier soumis à l'approbation des services techniques de Cap L'Orient, devenu Lorient Agglomération, et du Bureau Veritas en charge du contrôle technique ; que dans ces conditions, l'appelante n'établit pas l'existence du vice de conception allégué ;

En ce qui concerne la responsabilité contractuelle :

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la réception des travaux de bardage est intervenue en août 2001, que celle du lot chauffage et électricité a fait l'objet d'un procès-verbal le 14 novembre 2001 et que les quelques réserves qui les ont assorties ont été levées le 30 janvier 2002 ; que si la réception, à l'exception de ses réserves, ne met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les maîtres d'oeuvre qu'en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage et ne fait pas obstacle à ce que la responsabilité contractuelle des maîtres d'oeuvre soit recherchée à raison des manquements à leur obligation de conseil du maître de l'ouvrage au moment de la réception des travaux ou des fautes commises dans le contrôle des situations de travaux servant au calcul des comptes des entreprises, les manquements invoqués en l'espèce par Lorient Agglomération contre les maîtres d'oeuvre concernent, à l'exception du préjudice jugé indemnisable par le tribunal administratif, la conception de l'ouvrage, s'agissant du choix du bardage et de la puissance électrique, ou le suivi des travaux, s'agissant de l'exécution du bardage, et ne sont pas fondés sur des fautes commises par l'architecte ou le bureau d'études techniques lors de la réception des travaux ou le contrôle des situations de travaux ; qu'il suit de là que les manquements invoqués par Lorient Agglomération ne peuvent engager la responsabilité contractuelle de M. E...et de la société Sofresid Ouest, devenue Sofresid Engineering ;

8. Considérant qu'à supposer que Lorient Agglomération ait entendu de nouveau invoquer la responsabilité contractuelle des entreprises, la société Bihannic et la société Snere, elle n'est plus recevable à le faire en raison de l'intervention de la réception des travaux ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la communauté d'agglomération du pays de Lorient n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a limité la condamnation solidaire de M. E...et du bureau d'études techniques Sofresid Ouest, sur le fondement de leur responsabilité contractuelle, au manquement à leur devoir de conseil lors des opérations de réception du lot " chauffage-électricité-ventilation " à hauteur d'une somme de 3 970,72 euros toutes taxes comprises, et qu'il a rejeté le surplus de ses demandes et laissé à sa charge les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 13 737,51 euros ; que, par voie de conséquence, les conclusions de la requête tendant à ce qu'une nouvelle expertise soit ordonnée à l'effet de chiffrer le préjudice résultant des consommations excessives d'électricité, doivent être rejetées ;

En ce qui concerne les autres conclusions de Lorient Agglomération :

10. Considérant que Lorient Agglomération ne conteste pas le motif pour lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande d'indexation de la somme de 3 970,72 euros qui lui a été allouée ; que ses conclusions sur ce point devant la cour ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;

11 Considérant que la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année ; qu'en ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 28 mai 2013 ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 28 mai 2014, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions de M.E... :

12. Considérant que les conclusions à fin d'annulation du jugement et de rejet de toutes les demandes de Lorient Agglomération n'ont un objet qu'en tant qu'elles visent l'article 1er du jugement, qui condamne M. E...solidairement à verser à Cap Lorient la somme de 3 970,72 € TTC, l'article 2, qui met à sa charge solidaire les frais d'expertise, et l'article 6 qui le condamne à garantir la société Sofresid à hauteur de la moitié ; que, toutefois, les écritures de M. E...devant la cour ne critiquent pas utilement les motifs du jugement retenant la responsabilité contractuelle des maîtres d'oeuvre pour manquement à leur devoir de conseil lors de la réception du lot " chauffage - électricité - ventilation " au motif que l'insuffisance de puissance de chauffage de trois appareils installés par la société Snere pouvait être facilement décelée ; que dès lors, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;

13. Considérant qu'en l'absence de condamnation prononcée à l'encontre de M.E..., ses conclusions d'appel en garantie formées à l'encontre des autres sociétés défenderesses, qui en tout état de cause ne désignent pas l'intervenant dont la garantie est recherchée, ne peuvent qu'être rejetées ;

14. Considérant que M. E...demande la condamnation de Lorient Agglomération à lui verser la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral qu'il estime avoir subi par suite de la modification de l'ouvrage, réalisée sans son consentement ; qu'il ne résulte toutefois pas de l'instruction que les stipulations contractuelles interdisaient à la communauté d'agglomération du Pays de Lorient d'utiliser les plans du bâtiment " défi Français " pour procéder à la modification de cet ouvrage sans l'accord du maître d'oeuvre et qu'une telle modification aurait porté atteinte au droit moral de M. E...au respect de son oeuvre ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter ses conclusions tendant à la condamnation de Lorient Agglomération à lui verser une indemnité de 10 000 euros à ce titre ;

En ce qui concerne les conclusions de la société Sofresid :

15. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'erreur dans la note de calcul de l'entreprise Snere d'où résulte l'insuffisance de chauffage dans trois locaux n'a pas été décelée par la maîtrise d'oeuvre alors qu'elle aurait pu l'être dans le cadre des opérations préalables à la réception, dont l'objet est en principe de vérifier les éléments du marché en vue d'une éventuelle réserve ; que, dans ces conditions, la société Sofresid n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a commis aucun manquement à son devoir de conseil à l'occasion des opérations de réception et que sa responsabilité contractuelle ne pouvait être engagée de ce fait ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge solidaire des sociétés Bihannic, Snere, E...et Sofresid, qui n'ont pas la qualité de parties perdantes dans la présente instance, le versement d'une somme de 4 000 euros au titre des frais exposés par la communauté d'agglomération du pays de Lorient et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du pays de Lorient, à ce même titre, le versement d'une somme de 750 euros à chacune des sociétés Bihannic, Snere, E...et Sofresid ;

17. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société Everlite Concept tendant à ce que soit mise " à la charge de la société Bihannic ou de toute autre partie perdante " une somme au titre de ces mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les intérêts sur la somme de 3 970,72 euros que M. E...et la société Sofresid Ouest ont été condamnés solidairement à verser à Cap Lorient, échus à la date du 28 mai 2014 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le surplus de la requête de la communauté d'agglomération du pays de Lorient est rejeté.

Article 3 : La communauté d'agglomération du pays de Lorient versera une somme de 750 euros à la société Bihannic, à la société Snere, à M. E...et à la société Sofresid Engineering en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions d'appel incident présentées par M. E...sont rejetées.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération du pays de Lorient, au cabinet d'architecture Jean-FrancoisE..., à la société Sofresid Engineering, à la société Bihannic, à la société Snere et à la société Everlite Concept.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- M.J..., faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2015.

Le rapporteur,

C. LOIRATLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. D...

La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT01530


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT01530
Date de la décision : 29/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Cécile LOIRAT
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : CABINET LQH

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-09-29;13nt01530 ?
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