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25/09/2015 | FRANCE | N°15NT01168

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 25 septembre 2015, 15NT01168


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...et Mme E...C...épouse B...ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les décisions du 2 janvier 2012 par lesquelles le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a rejeté leur demande respective de naturalisation, ainsi que les décisions du 14 mars 2012 rejetant leur recours gracieux respectif ;

Par un jugement commun n° 1205495 et n° 1205500 du 12 février 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.<

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Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 avril 2015, Mme ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...et Mme E...C...épouse B...ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les décisions du 2 janvier 2012 par lesquelles le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a rejeté leur demande respective de naturalisation, ainsi que les décisions du 14 mars 2012 rejetant leur recours gracieux respectif ;

Par un jugement commun n° 1205495 et n° 1205500 du 12 février 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 avril 2015, Mme et M.B..., représentés par Me David, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 février 2015 ;

2°) d'annuler les décisions du ministre de l'intérieur des 2 janvier 2012 et 14 mars 2012 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de leur accorder la nationalité française, ou à titre subsidiaire, de réexaminer leur demande, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2900 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué méconnaît l'article R. 711-3 du code de justice administrative et la circulaire du vice-président du Conseil d'Etat du 9 janvier 2009 puisque le sens des conclusions du rapporteur public mis en ligne la veille de l'audience indiquait seulement " rejet au fond " ;

- le jugement attaqué est irrégulier car il mentionne que le rapporteur public était dispensé de conclusions, alors que le sens de celles-ci figurait dans sagace ;

- ce jugement est également irrégulier car il n'est pas signé du président ;

- ce jugement est entaché d'un défaut de motivation car il n'a pas été répondu au moyen tiré de ce que le ministre n'aurait pas procéder à un examen particulier de leur situation et car il ne mentionne pas comme motif du refus de naturalisation qui leur a été opposé, le détournement de procédure, mais le défaut de loyalisme et qu'il n'explicite aucune de ces deux notions ;

- ni les décisions du 2 janvier 2012, ni les décisions de rejet des recours gracieux ne sont suffisamment motivées ;

- le ministre n'a pas procédé à un examen particulier de leurs demandes d'acquisition de la nationalité française ;

- ils remplissent la condition de bonne moralité fixée par l'article L. 21-23 du code civil et interprétée par la circulaire du 27 juillet 2010 ;

- le motif tiré du détournement de procédure est entaché d'erreur de droit et d'erreur de fait et le motif tiré du défaut de loyalisme est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- ils remplissent les conditions fixées par la circulaire du 27 juillet 2010 pour obtenir la nationalité française.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2015, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les décisions du 2 janvier 2012 sont suffisamment motivées en fait et en droit et les décisions rejetant les recours gracieux décision n'avaient pas à être motivées dés lors que les décisions initiales l'étaient ;

- la circulaire du 27 juillet 2010 ne présente aucun caractère réglementaire et ne comporte pas de lignes directrices ;

- il ressort des décisions attaquées qu'il a bien examiné la situation particulière des requérants ;

- la circonstance que les requérants satisfont aux conditions de recevabilité est inopérante pour contester une décision de rejet au fond, prise en application de l'article 48 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le fait de solliciter la délégation de l'autorité parentale pour leurs enfants alors qu'ils ont été très vite en mesure d'exercer à nouveau celle-ci puis de profiter de cette délégation de l'autorité parentale pour que leurs enfants obtiennent la nationalité française pour s'en prévaloir ensuite pour obtenir un titre de séjour, après avoir fait cesser la délégation d'autorité parentale, témoigne d'un défaut de loyalisme patent ;

- la circonstance que le procureur de la République n'ait pas donné suite à la transmission faite par le préfet pour un possible détournement de procédure ne l'empêchait pas de retenir le défaut de loyalisme ;

- par ailleurs, le comportement fiscal des requérants est sujet à critique et à supposer que le défaut de loyalisme ne soit pas retenu, il demande qu'une substitution de motif soit opérée ;

- à titre subsidiaire, il s'en rapporte à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lenoir,

- et les observations de Me David, représentant M. et MmeB....

1. Considérant que M. et MmeB..., de nationalité roumaine, relèvent appel du jugement commun du 12 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du 2 janvier 2012 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration rejetant leur demande respective d'acquisition de la nationalité française, ainsi que des décisions du 14 mars 2012 rejetant leur recours gracieux respectif ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne. / Lorsque l'affaire est susceptible d'être dispensée de conclusions du rapporteur public, en application de l'article R. 732-1-1, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, si le rapporteur public prononcera ou non des conclusions et, dans le cas où il n'en est pas dispensé, le sens de ces conclusions. " ;

3. Considérant qu'il ressort des mentions du jugement attaqué, qui font foi jusqu'à preuve contraire, que le rapporteur public était dispensé de prononcer des conclusions ; que toutefois, M. et Mme B...établissent, par les copies d'écran de l'application " Sagace " qu'ils produisent, que le 14 janvier 2015, la mise en ligne du sens des conclusions du rapporteur public sur leurs affaires mentionnait un " rejet au fond " ; qu'il ne ressort pas du dossier de première instance que ces affaires auraient fait l'objet d'une rectification ultérieure ; qu'ainsi M. et Mme B...n'ont pas été en mesure de savoir, avant l'audience, que le rapporteur public ne prononcerait pas de conclusions sur leurs affaires ; qu'il suit de là qu'ils sont fondé à soutenir que le jugement du 12 février 2015 a été rendu au terme d'une procédure irrégulière au regard des dispositions précitées de l'article R. 711-3 du code de justice administrative et doit, dés lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés pour contester la régularité du jugement, être annulé ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. et Mme B...devant le tribunal administratif de Nantes ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 27 du code civil : " Toute décision déclarant irrecevable, ajournant ou rejetant une demande d'acquisition, de naturalisation ou de réintégration par décret ainsi qu'une autorisation de perdre la nationalité française doit être motivée. " ; qu'aux termes de l'article 3 de la loi visée ci-dessus du 11 juillet 1979 : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ;

6. Considérant, d'une part, que les décisions attaquées du 2 janvier 2012 rejetant les demandes de naturalisation présentées par M. et Mme B...visent l'article 48 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 et précisent les faits qui ont conduit le ministre de l'intérieur à retenir un défaut de loyalisme ; qu'ainsi, les décisions attaquées comportent, avec suffisamment de précision, l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation des décisions du 2 janvier 2012 manque en fait ;

7. Considérant, d'autre part, que dès lors qu'est demandée l'annulation d'une décision initiale et de la décision rejetant le recours gracieux formé contre cette décision, les moyens critiquant les vices propres dont serait entachée la décision rejetant le recours gracieux ne peuvent être utilement invoqués, au soutien des conclusions dirigées contre cette décision ; que par suite, le moyen tiré du défaut de motivation des décisions du 14 mars 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté les recours gracieux formés par M. et Mme B...contre les décisions du 2 janvier 2012, doit être écarté comme inopérant ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit, les décisions attaquées énoncent avec précision les considérations de fait retenues par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration pour caractériser le défaut de loyalisme des intéressés envers les institutions françaises ; qu'il s'ensuit que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions attaquées n'auraient pas été précédées d'un examen particulier de leur situation personnelle ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'en vertu de l'article 27 du même code, l'administration a le pouvoir de rejeter ou d'ajourner une demande de naturalisation ; qu'en outre, aux termes de l'article 48 du décret susvisé du 30 décembre 1993 : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande. " ; qu'il appartient ainsi au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'en octobre 2002, M. et MmeB..., face à de graves difficultés financières suite à la perte de leur emploi, ont envoyé leurs deux enfants Smaranda née en 1993 et Sebastian né en 1998 en France chez M. et MmeA..., soeur et beau-frère de MmeB..., tous deux de nationalité française ; qu'à la demande des épouxB..., le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Lyon a prononcé la délégation de l'autorité parentale au profit des époux A...par un jugement du 20 juin 2003 ; qu'il est constant que le 11 septembre 2003, Smaranda et Sebastian B...ont obtenu la nationalité française par déclaration en leur qualité de mineurs recueillis en France et élevés par un français en application de l'article 21-12 du code civil ; qu'il ressort également des pièces du dossier qu'à partir du 1er septembre 2003, les épouxB..., entrés régulièrement en France sous couvert de titres de séjour portant la mention " étudiant ", ont été hébergés par les époux A...jusqu'en juin 2006 ; que M. B...a obtenu une maîtrise en mécanique en juin 2004, puis un master en sciences, technologies, santé à finalité professionnelle mention mécanique, énergétique, génie civil, acoustique en juin 2006 ; que Mme B...a obtenu une maîtrise en sciences de l'environnement en octobre 2004, puis un master en management socio-économique en février 2006 ; que, par un jugement du 10 juin 2005, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Lyon, a prononcé, à la demande des épouxB..., la restitution de l'autorité parentale aux intéressés ; qu'en juillet 2005, les requérants ont sollicité et obtenu la délivrance de titres de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en qualité de parents d'enfants français ; qu'il ressort ainsi des pièces du dossier et de la chronologie des évènements ci-dessus relatés que les époux B...ont attendu plus de deux ans avant de demander la restitution de l'autorité parentale alors même qu'ils reconnaissent avoir vécu dans le même foyer que leurs enfants et les dépositaires de l'autorité parentale, dès le 1er septembre 2003, soit avant même les déclarations de nationalité française effectuées pour les deux enfants le 11 septembre 2003 ; que la circonstance qu'aucune poursuite pénale n'ait été engagée à leur encontre pour détournement de la procédure de délégation d'autorité parentale n'interdisait pas au ministre de tenir compte de ces faits ; que, dans ces conditions, le ministre, qui dispose d'un large pouvoir d'apprécier l'opportunité d'accorder la nationalité française, a pu rejeter les demandes de naturalisation présentées par les époux B...en retenant un défaut de loyalisme envers les institutions françaises, sans entacher ses décisions d'erreur de droit ou d'erreur manifeste d'appréciation ;

11. Considérant, en quatrième lieu, que les décisions attaquées, qui statuent sur le bien fondé de la demande de naturalisation, sont prises en application des dispositions précitées de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 ; que par suite les requérants ne peuvent utilement invoquer les dispositions l'article 21-23 du code civil, qui définissent des conditions de recevabilité des demandes de naturalisation ;

12. Considérant enfin, que les requérants ne peuvent utilement se prévaloir ni des orientations générales énoncées par le ministre chargé des naturalisations dans sa circulaire du 27 juillet 2010 relative à la déconcentration de la procédure d'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique, ni de leur bonne intégration dans la société française ou encore de leurs situations professionnelles leur procurant des revenus suffisants pour subvenir aux besoins de leur famille ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à demander l'annulation des décisions des 2 janvier et 14 mars 2012 par lesquelles le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a rejeté leurs demandes de naturalisation ; que, par suite, leurs demandes présentées devant le tribunal administratif de Nantes doivent être rejetées ;

14. Considérant que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par M. et Mme B...;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1205495 et n° 1205500 du tribunal administratif de Nantes du 12 février 2015 est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par M. et Mme B...devant le tribunal administratif de Nantes ainsi que leurs conclusions à fin d'injonction présentées en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...B..., à Mme E...C..., épouse B...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 4 septembre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Piltant, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 septembre 2015.

Le président-assesseur,

J. FRANCFORT

Le président,

H. LENOIR

Le greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15NT01168


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT01168
Date de la décision : 25/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Hubert LENOIR
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : DAVID

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-09-25;15nt01168 ?
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