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25/09/2015 | FRANCE | N°15NT00226

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 25 septembre 2015, 15NT00226


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 27 octobre 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a ajourné à deux ans sa demande de réintégration dans la nationalité française, ainsi que la décision du 10 janvier 2012 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1202831 du 3 décembre 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

:

Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2015, Mme A...B..., représentée par Me Gros...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 27 octobre 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a ajourné à deux ans sa demande de réintégration dans la nationalité française, ainsi que la décision du 10 janvier 2012 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1202831 du 3 décembre 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2015, Mme A...B..., représentée par Me Grosset, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 3 décembre 2014 ;

2°) d'annuler la décision du 27 octobre 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a ajourné à deux ans sa demande de réintégration dans la nationalité française, ainsi que la décision du 10 janvier 2012 rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à un réexamen de sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- les décisions contestées ont été signées par une autorité incompétente ;

- le ministre ne pouvait fonder la décision d'ajournement sur les dispositions de l'article 48 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993, qui dès lors n'est pas motivée en droit ;

- le ministre a commis une erreur d'appréciation de sa situation, au regard des conditions et de la durée de son séjour en France ainsi que de sa situation personnelle et professionnelle ; il ne pouvait retenir le seul élément tiré de ses revenus.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2015, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le moyen tiré de l'insuffisance de motivation sera écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges ; le signataire de la décision contestée a régulièrement reçu délégation de signature ;

- il n'est pas démontré qu'il ait commis une erreur de droit en fondant sa décision sur l'article 48 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 au lieu de l'article 49, à titre subsidiaire il convient de procéder à une substitution ;

- le moyen tiré de ce que les conditions de recevabilité prévues par le code civil sont remplies est inopérant ;

- les autres moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 avril 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le décret n° 2010-725 du 29 juin 2010 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Francfort.

1. Considérant que MmeB..., de nationalité gabonaise, relève appel du jugement du 3 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 27 octobre 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a ajourné à deux ans sa demande de réintégration dans la nationalité française, ainsi que de la décision du 10 janvier 2012 rejetant son recours gracieux ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte, que le requérant renouvelle en appel sans apporter aucune précision supplémentaire, doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que le décret n° 2010-725 du 29 juin 2010, qui a modifié le texte de l'article 49 du décret du 30 décembre 1993, a prévu en son article 9 que les demandes de naturalisation et de réintégration dans la nationalité française qui, au 1er juillet 2010, ont fait l'objet d'une transmission de l'autorité auprès de laquelle le dépôt de la demande a été effectué au ministre en charge des naturalisations, en application des articles 44 et 45 du décret 30 décembre 1993 dans leur rédaction antérieure, restent régies par ces dispositions ; qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle a effectué cette transmission le 3 août 2009 en l'assortissant de son avis motivé ; qu'ainsi, le ministre a mentionné par erreur l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 ; que toutefois, la teneur exacte des termes de l'article 49 dans sa rédaction applicable à la décision contestée a été reprise à l'article 48 du même décret dans sa version modifiée par le décret n° 2010-725 du 29 juin 2010 ; que, par suite, compte tenu du caractère identique des dispositions en cause, l'erreur matérielle commise par le ministre en mentionnant à tort l'article 48, reprenant l'article 49, du décret du 30 décembre 1993 est sans influence sur la légalité de la décision du 27 octobre 2011, non plus que sur celle du 10 janvier 2012 rejetant le recours gracieux de MmeB... ; qu'il suit de là que le moyen tiré du défaut de motivation en droit des décisions contestées ne peut qu'être écarté ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 24-1 du code civil : " La réintégration par décret peut être obtenue à tout âge et sans condition de stage. Elle est soumise, pour le surplus, aux conditions et aux règles de la naturalisation " ; qu'aux termes de l'article 21-15 du même code : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 49 du décret du 30 décembre 1993 dans sa rédaction alors applicable : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient au postulant, s'il le juge opportun, de formuler une nouvelle demande (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la réintégration dans la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte le degré d'insertion professionnelle et d'autonomie matérielle du postulant, ainsi que le niveau et la stabilité de ses ressources ;

5. Considérant, d'une part, que la requérante ne saurait utilement se prévaloir de la circonstance qu'elle satisfait à la condition de résidence fixée par l'article 21-16 du code civil, la décision contestée, qui ne constate pas l'irrecevabilité de sa demande, n'étant pas fondée sur l'application de ce texte, mais sur les dispositions précitées de l'article 49 du décret du 30 décembre 1993 ;

6. Considérant, d'autre part, que si Mme B...se prévaut d'une activité professionnelle en tant qu'auto-entrepreneur depuis le 4 janvier 2010, et fait valoir qu'elle intervient en tant que traducteur interprète en langues grec et fang auprès de diverses juridictions et dans le secteur privé, et qu'elle assure également des formations dans le domaine de l'interculturalité, il ressort des pièces du dossier qu'elle a déclaré à l'administration fiscale la somme de 6 461 euros au titre des revenus perçus pour l'année 2010, que son activité d'auto-entrepreneur n'a généré que 578 euros de recettes au 4ème trimestre 2011 et qu'elle perçoit le revenu de solidarité active depuis le mois d'octobre 2011 ; que si elle invoque le retard mis par l'institution judiciaire pour la régler de ses missions, elle n'établit en tout état de cause pas le montant qui lui serait dû au titre de cette partie de ses activités professionnelles ; que dans ces conditions, le ministre, qui dispose d'un large pouvoir d'appréciation de l'opportunité d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite, a pu estimer sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que Mme B...ne disposait pas de ressources propres suffisantes et stables pour assurer son autonomie financière, et ajourner à deux ans sa demande pour ce motif ; que cette dernière ne peut, en tout état de cause, se prévaloir de la circulaire du 16 octobre 2012 qui est dépourvue de caractère réglementaire ;

7. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution et que, par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer la demande d'acquisition de la nationalité française présentée par Mme B...ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont Mme B...demande le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 4 septembre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Piltant, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 septembre 2015.

Le rapporteur,

J. FRANCFORT

Le président,

H. LENOIR

Le greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15NT00226


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT00226
Date de la décision : 25/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Jérôme FRANCFORT
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : CABINET GUITTON GROSSET BLANDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-09-25;15nt00226 ?
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