Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du préfet de la Mayenne du 19 juin 2014 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
Par un jugement n° 1405964 du 14 octobre 2014, le tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté en tant qu'il fixe le pays de destination, a enjoint au préfet de la Mayenne de réexaminer la situation de M. A...dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement à Me Gouedo, avocat de M.A..., de la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Gouedo renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 novembre 2014 et 4 juin 2015, le préfet de la Mayenne demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 octobre 2014 en tant qu'il a fait droit à la demande de M.A....
Il soutient que :
- l'Albanie n'étant pas le seul pays à destination duquel la mesure d'éloignement peut être exécutée, les premiers juges ont commis une erreur de droit ;
- en admettant que l'attestation produite par M. A...était dotée d'une force probante suffisante pour être prise en compte, ils ont commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- en l'absence d'éléments de nature à établir que le demandeur ne pourra pas bénéficier de la protection des autorités albanaises, ils ont commis une erreur de fait.
- les moyens invoqués par M. A...dans le cadre de son appel incident ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 21 mai 2015, M. A...demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 octobre 2014 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français du préfet de la Mayenne du 19 juin 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Mayenne de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 41 § 2 de la charte de l'Union européenne des droits fondamentaux est fondé ;
- le 3° de l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers est contraire à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
M. A...a bénéficié du maintien de plein droit de l'aide juridictionnelle totale accordée en première instance par une décision de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date 28 janvier 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Aubert.
1. Considérant que le préfet de la Mayenne relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 octobre 2014 en tant qu'il a annulé sa décision du 19 juin 2014 fixant le pays de destination, lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A...dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement à Me Gouedo, avocat de M.A..., de la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Gouedo renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ; que, par la voie de l'appel incident, M. A...relève appel du jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français également prises à son encontre par le préfet de la Mayenne le 19 juin 2014 ;
Sur l'appel incident :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. Considérant que la demande d'asile de M. A...a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 13 mai 2014 prise dans le cadre de la procédure prioritaire ; que le préfet de la Mayenne était, dès lors, tenu de refuser le titre de séjour demandé sur le fondement des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'autorité administrative qui n'était saisie d'aucune demande à un autre titre, se trouvait ainsi en situation de compétence liée pour refuser de délivrer une carte de séjour ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu n'est pas utilement invoqué à l'appui des conclusions de M. A...tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour ; qu'il doit, dès lors, être écarté ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
3. Considérant qu'il résulte de l'arrêt Mukarubega (C-166/13) du 5 novembre 2014 de la Cour de justice de l'Union européenne que l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui ne s'adresse qu'aux institutions, organes et organismes de l'Union européenne et non pas également à ses États membres, n'est pas utilement invoqué dans une procédure relative au droit au séjour d'un étranger ; que si M. A...peut être regardé comme ayant plus largement invoqué l'atteinte portée au respect des droits de la défense résultant du fait qu'il n'a pas été entendu avant l'édiction de la décision portant obligation de quitter le territoire français prises à son encontre, il ressort des pièces du dossier qu'il a été mis à même, dans le cadre de sa demande de titre de séjour, de porter à la connaissance de l'administration l'ensemble des informations relatives à sa situation personnelle dont il souhaitait se prévaloir ; qu'il n'est pas établi qu'il disposait d'autres informations qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance des services de la préfecture avant que soit prise à son encontre la décision qu'il conteste et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction de cette décision ; que le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit, dès lors, être écarté ;
4. Considérant que, pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la contrariété du 3° de l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est inopérant ; qu'il doit, dès lors et en tout état de cause, être écarté ;
5. Considérant doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative ;
Sur l'appel principal :
6. Considérant que pour établir le risque de vengeance auquel il serait exposé, en cas de retour en Albanie, en application du code coutumier dit Kanun, en raison de la rupture des fiançailles de son épouse avec un autre homme, ce qui lui a permis de se marier avec elle, M. A... a produit en première instance une attestation établie le 18 septembre 2013 par le président du comité de réconciliation nationale de son pays d'origine ; que, compte tenu de sa teneur, cette attestation, qui n'a pas été communiquée à l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides alors qu'elle est antérieure à la décision de rejet de la demande d'asile prise par cette instance le 13 mai 2014, est dépourvue d'une force probante suffisante pour établir les risques encourus par M. A...en cas de retour en Albanie ; qu'au surplus, l'Office a estimé que les déclarations écrites de l'intéressé relatives, notamment, aux violences dont il aurait été victime après la rupture des fiançailles de son épouse, étaient vagues et convenues ; qu'il suit de là que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler la décision fixant le pays de destination ;
7. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés à l'encontre de la décision fixant le pays de destination ; que M. A...n'invoque aucun autre moyen à l'encontre de cette décision ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Mayenne est fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M.A..., sa décision du 19 juin 2014 fixant le pays de destination et, par voie de conséquence, lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A...dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement à Me
Gouedo, avocat de M.A..., de la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Gouedo renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;
DECIDE :
Article 1er : Les articles 1er à 3 du jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 octobre 2014 sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de M. A...présentées devant le tribunal administratif de Nantes tendant à l'annulation de la décision du 19 juin 2014 fixant le pays de destination, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Mayenne de réexaminer son dossier de demande de titre de séjour et à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : L'appel incident de M. A...et ses conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Mayenne.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 septembre 2015.
Le rapporteur,
S. AubertLe président,
F. Bataille
Le greffier,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT02932 2
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