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24/09/2015 | FRANCE | N°14NT00376

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 24 septembre 2015, 14NT00376


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2008 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1300454 du 17 décembre 2013, le tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 février 2014, MmeA..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annu

ler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 17 décembre 2013 ;

2°) de prononcer la décharge de l'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2008 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1300454 du 17 décembre 2013, le tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 février 2014, MmeA..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 17 décembre 2013 ;

2°) de prononcer la décharge de l'imposition et des pénalités contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que la durée de l'examen de situation fiscale personnelle dont elle a fait l'objet a été prorogé au-delà du délai légal prévu par les dispositions de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales ;

- elle entend se prévaloir sur ce point du bulletin officiel des impôts publié sous le numéro 13 L-6-88, repris par la documentation de base 13 L-1314 n° 29 et 30 en vigueur au 1er juillet 2002 puis par la documentation BOI-CF-PGR-20-30 n° 350 ;

- eu égard à sa profession de journaliste, les frais professionnels de restaurant, d'achat d'un matériel photographique, d'hôtel et de transport, et liés à ses véhicules professionnels sont déductibles de ses traitements et salaires en application des dispositions des articles 13 et 83 du code général des impôts ;

- le déficit agricole de 18 839 euros constaté au titre de l'année 2008 doit donc être imputé sur son revenu global.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 novembre 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A...ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 18 juin 2015, prise en application des dispositions des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée au 18 juin 2015.

Un mémoire présenté pour Mme A...a été enregistré le 22 juin 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Allio-Rousseau,

- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public.

1. Considérant que Mme B...A...exerce la profession de journaliste photographe ; qu'elle exerce également l'activité agricole d'éleveur équin à Ceton (Orne), commune dans laquelle elle réside ; qu'à la suite de 1'examen de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2007 et 2008, l'administration a, par proposition de rectification du 29 septembre 2011, limité à la somme de 29 411 euros le montant des frais réels que la requérante avait imputés, à hauteur de 78 542 euros, sur ses traitements et salaires déclarés au titre de l'année 2008 au motif que les justificatifs présentés en cours de contrôle n'apportaient pas la preuve du caractère professionnel des dépenses non retenues ; que Mme A...relève appel du jugement en date du 17 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2008 et des pénalités correspondantes ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales : " Sous peine de nullité de l'imposition, un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ne peut s'étendre sur une période supérieure à un an à compter de la réception de l'avis de vérification " ; qu'aux termes du sixième alinéa de cet article, cette période est prorogée : " des trente jours prévus à l'article L. 16 A et des délais nécessaires à l'administration pour obtenir les relevés de compte lorsque le contribuable n'a pas usé de sa faculté de les produire dans un délai de soixante jours à compter de la demande de l'administration (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 47 du même livre : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. (...) / L'avis envoyé ou remis au contribuable avant l'engagement d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle peut comporter une demande des relevés de compte. " ; qu'il résulte de ces dispositions que lorsque le contribuable n'a pas usé de la faculté de produire ses relevés de compte dans un délai de soixante jours à compter de la demande de l'administration, ce délai peut être prorogé des délais nécessaires à l'administration pour obtenir les relevés de compte, courant dès le 61ème jour suivant la demande faite au contribuable par l'administration, sauf lorsque le contribuable a produit avant cette date les coordonnées exactes de l'intégralité de ses comptes, auquel cas le point de départ des délais ne court qu'à compter de la date à laquelle l'administration demande aux établissements teneurs de ces comptes que ces relevés lui soient remis ; que ce délai de prorogation s'achève lorsque l'administration reçoit le dernier relevé dont elle avait demandé communication ;

3. Considérant qu'il est constant que Mme A...n'a pas produit les coordonnées exactes de l'intégralité de ses comptes bancaires, au nombre de quinze, dans le délai de soixante jours qui lui était imparti par l'avis de l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle du 29 mars 2010 qu'elle a reçu le 2 avril suivant ; qu'ainsi, l'administration était en droit de bénéficier d'une prorogation du délai de contrôle calculée à compter du 61ème jour suivant la notification de l'avis, soit le 2 juin 2010 et jusqu'à la réception des derniers relevés de comptes qu'elle a demandés auprès des établissements bancaires et qui lui ont été fournis le 2 décembre 2010 ; que la circonstance que ces relevés correspondent à l'un des six comptes dont Mme A...avait produit les coordonnées exactes avant l'expiration du délai de 60 jours est sans incidence sur le calcul du délai de la prorogation de période d'examen de sa situation fiscale personnelle ; que le délai d'un an prévu par l'article L. 12 du livre des procédures fiscales a ainsi été prorogé d'un délai supplémentaire de 184 jours, la date d'achèvement de l'examen de sa situation fiscale personnelle étant fixée en conséquence au 2 octobre 2011 ; qu'ainsi, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que la durée de la procédure de contrôle qui s'est achevée à la date de l'envoi d'une proposition de rectification, soit le 29 septembre 2011, méconnaît les dispositions de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales ;

4. Considérant, en second lieu, que Mme A...ne peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des termes de l'instruction référencée 13 L-6-88 du 15 avril 1988 repris par la documentation de base 13 L-1314 n° 29 et 30 en vigueur au 1er juillet 2002 puis par la documentation BOI-CF-PGR-20-30 n°350, dès lors que ces dispositions ont trait à la procédure d'imposition ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

S'agissant des frais réels :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 83 du code général des impôts : " Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés : (. . .) 3° les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales. La déduction à effectuer du chef des frais professionnels est calculée forfaitairement en fonction du revenu brut ; elle est fixée à 10 % du montant de ce revenu. (...) Les bénéficiaires de traitements et salaires sont également admis à justifier du montant de leurs frais réels, soit dans la déclaration visée à l'article 170, soit sous forme de réclamation adressée au service des impôts (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions, que, pour être admis à déduire des frais réels, le contribuable est tenu de fournir des éléments justificatifs suffisamment précis pour permettre d'apprécier le montant des frais effectivement exposés par lui à l'occasion de l'exercice de sa profession et qu'il ne peut, dès lors, ni se borner à présenter un calcul théorique de ces frais ni faire état de dépenses réelles sans établir qu'elles constituent une charge inhérente à son activité professionnelle ;

6. Considérant, d'une part, que Mme A...a procédé à la déduction d'une facture d'achat de boîtier photographique et objectifs établie le 31 décembre 2008 pour un montant de 8 287 euros ; que pour justifier de la déduction de cette dépense, Mme A...a produit une facture établie au nom de son concubin, qui exerce également la profession de photographe ; que l'administration a retenu la moitié de la somme facturée pour tenir compte du fait que la requérante a besoin de matériels photographiques pour l'exercice de sa profession ; que Mme A...n'établit pas, par de simples allégations, que cette dépense a été engagée pour les besoins de sa seule activité professionnelle ;

7. Considérant, d'autre part, que Mme A...a intégré dans ses frais réels une somme de 4 119 euros qui correspond à des frais de transport et d'hôtel en Egypte ; que Mme A...soutient qu'elle a engagé ces frais dans le cadre de son activité professionnelle lors d'un reportage sur le Nil ; que toutefois, comme l'ont déjà souligné les premiers juges, la facture du 19 octobre 2008 concernant le circuit de quatre jours intitulé " reportage photos sur le Nil d'Edfou à Assouan " ne permet pas d'établir à elle seule que cette dépense a été engagée pour les besoins de son activité professionnelle ;

8. Considérant, par ailleurs, que la liste des personnalités que Mme A...aurait invitées à déjeuner pour les besoins de son activité ne permet d'établir ni le caractère professionnel de ces rencontres ni leur lien avec les notes de restaurant produites devant le service qui, en conséquence, était fondé à refuser la déduction de ces frais à hauteur de 9 647 euros ;

9. Considérant, enfin, que MmeA..., qui utilise pour l'exercice de son activité professionnelle les véhicules de marque Chevrolet et Alfa Romeo lui appartenant, a retenu un kilométrage professionnel de 90 000 kms et a évalué ses frais de transport à un montant de 41 400 euros, calculé sur la base du barème forfaitaire de prix de revient kilométrique publié chaque année par l'administration ; qu'au cours des opérations de contrôle, Mme A...n'a présenté aucun état de suivi de ses déplacements de sorte que leur réalité et leur importance n'ont pu être justifiés ; que si les factures d'entretien qu'elle a fournies permettent de déterminer le kilométrage d'ensemble pour chaque véhicule, elles ne permettent pas à elles seules de connaître le kilométrage afférent à son activité de journaliste d'autant que son compagnon a déclaré avoir utilisé les mêmes véhicules au cours de la même période ; que le vérificateur a dès lors recalculé le montant de ces frais et, compte tenu de l'activité professionnelle de la requérante, a retenu deux déplacements hebdomadaires entre son lieu d'habitation et son appartement à Paris, ainsi qu'une distance de cinquante kilomètres par semaine pour ses déplacements chez ses employeurs en Ile-de-France ; que le total des kilomètres admis s'élève à 30 550 kilomètres donnant lieu à un montant de frais réels de 12 709 euros ; que Mme A...n'apporte aucun élément justificatif suffisamment précis pour permettre d'apprécier le montant des frais de véhicule effectivement exposés par elle à l'occasion de l'exercice de sa profession et de nature à remettre en cause l'évaluation effectuée au cours de l'examen de sa situation fiscale personnelle ;

S'agissant de l'imputation du déficit agricole de l'année 2008 :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 156 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal désignés aux 1 et 3 de l'article 6, aux professions qu'ils exercent, aux traitements, salaires, pensions et rentes viagères dont ils jouissent ainsi qu'aux bénéfices de toutes opérations lucratives auxquelles ils se livrent, sous déduction : 1. du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus ; (...) Toutefois, n'est pas autorisée l'imputation : 1° des déficits provenant d'exploitations agricoles lorsque le total des revenus nets d'autres sources excède 101 300 euros (...) " ;

11. Considérant qu'en conséquence des rehaussements opérés par 1'administration, le total du revenu net annuel dont dispose Mme A...excédait au titre de l'année 2008 le plafond de 101 300 euros ; que, par suite, elle ne peut procéder au titre de l'année 2008 à l'imputation du déficit agricole de 18 839 euros sur son revenu global ;

En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale :

12. Considérant que pour obtenir la déduction des dépenses engagées pour son voyage en Egypte, Mme A...se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations du paragraphe 10 de l'instruction 5 F-1-99, relative à la simplification et à la clarification du régime des frais réels, aux termes desquelles : " L'obligation de justifier ne doit pas être interprétée par le service dans un sens littéral. Il n'y a donc pas lieu de refuser systématiquement, au seul motif que la demande du contribuable ne serait pas appuyée de documents détaillés, la déduction de frais dont le caractère professionnel n'est pas contestable, lorsqu'il est notoire que la justification précise de ces frais est pratiquement impossible. " ; que, d'une part, en ce qu'elle énonce une recommandation, cette instruction ne comporte pas d'interprétation différente de la loi fiscale de celle dont il a été fait application ; que, d'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que Mme A...était dans l'impossibilité de fournir des justifications précises des frais visés au point 7 ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme sollicitée par Mme A...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A...et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Aubert, président assesseur,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 septembre 2015.

Le rapporteur,

M-P. Allio-Rousseau Le président,

F. Bataille

Le greffier,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT00376


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 14NT00376
Date de la décision : 24/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : BELOUIS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-09-24;14nt00376 ?
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