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24/07/2015 | FRANCE | N°15NT00249

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 24 juillet 2015, 15NT00249


Vu le recours, enregistré le 27 janvier 2015, présenté par le ministre de l'intérieur tendant à l'annulation partielle, en tant qu'il concerne le refus opposé à la demande de visa présentée pour Mme E...A..., du jugement n° 1200668 en date du 27 novembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a, à la demande de M. C...A..., annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France (CRRV) confirmant le refus opposé par les autorités consulaires françaises à Bamako (Mali) à la délivrance d'un visa de long séjour pou

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Vu le recours, enregistré le 27 janvier 2015, présenté par le ministre de l'intérieur tendant à l'annulation partielle, en tant qu'il concerne le refus opposé à la demande de visa présentée pour Mme E...A..., du jugement n° 1200668 en date du 27 novembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a, à la demande de M. C...A..., annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France (CRRV) confirmant le refus opposé par les autorités consulaires françaises à Bamako (Mali) à la délivrance d'un visa de long séjour pour établissement familial à sa compagne, Mme E...A... ;

le ministre soutient que la délivrance d'un visa à Mlle E...A...aboutirait à la création d'un foyer polygamique en France en méconnaissance des dispositions de l'article L. 411-7 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où M. C... A...vit en France avec Mme F...A..., qu'il a épousé en Côte d'Ivoire en 2011 et qui a ensuite obtenu un visa puis une carte de résident en tant que conjointe d'un réfugié statutaire ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2015, présenté pour M. A...qui conclut à la confirmation du jugement en tant qu'il a fait droit à sa demande de délivrance de visas à ses enfants et au versement d'une somme de 1500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; M. A... ne conteste ni être l'époux de Mme F...A...ni que sa relation avec Mme E...A...a cessé, mais précise qu'il estimait cependant pouvoir solliciter un visa pour cette dernière dès lors qu'elle était la mère de ses enfants et qu'il n'a jamais eu l'intention de vivre en situation de polygamie sur le territoire français ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 27 avril 2015, présenté par le ministre de l'intérieur qui conclut à ce qu'il n'y ait plus lieu de statuer sur les demandes de visas présentées au nom des enfants de M.A..., à ce que soit prononcée l'annulation du jugement en tant que celui-ci annule la décision de refus de délivrance de visas à Mme E...A...et au rejet des conclusions présentées sur le fondement de l'article L .761-1 du code de justice administrative ;

Vu la décision du 3 mars 2015 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes maintenant de plein droit M. A...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juillet 2015 :

- le rapport de M. Lenoir, président-rapporteur ;

- les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

- et les observations de M.B..., représentant le ministre de l'intérieur ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...A...ressortissant guinéen né en 1969, a obtenu la délivrance, le 19 janvier 2006, d'une carte de résident en qualité de réfugié ; qu'il a déposé, le 13 juin 2007 et le 25 mars 2008, auprès du consulat général de France à Bamako (Mali), lieu de résidence des membres de sa famille, des demandes de visa long séjour, dans le cadre du rapprochement familial pour Mme E...A...et ses enfants, Fatimatou, Alpha Oumar, et Haoua Diaou ; que cette demande a été implicitement rejetée par les autorités consulaires de Bamako ; que, saisie d'un recours contre cette décision implicite, la commission de recours contre les décisions de refus de visa l'a elle-même implicitement rejetée ; que, toutefois, par une décision explicite en date du 1er février 2011, le consulat général de France à Bamako a refusé de délivrer les quatre visas demandés au motif de 1'absence de preuve du lien familial des sollicitants avec le requérant ; que saisie à nouveau par M. A...le 28 mars 2011, la commission de recours contre les refus de visa a de nouveau rejeté implicitement ce recours ; que le ministre relève partiellement appel du jugement en date du 27 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes, saisi par M. A...d'une demande d'annulation de cette dernière décision implicite, a annulé celle-ci en tant seulement que, par ce jugement, le tribunal a annulé le refus de visa opposé à Mme E...A...et a enjoint qu'il soit délivré à cette dernière un visa de long séjour dans un délai de deux mois ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

S'agissant de l'annulation de la décision implicite de rejet de la commission de recours contre les refus de visas :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 411-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger polygame réside en France avec un premier conjoint, le bénéfice du regroupement familial ne peut être accordé à un autre conjoint (...) " ; que, d'autre part, les principes généraux du droit applicables aux réfugiés, résultant notamment des stipulations de la convention de Genève, imposent, en vue d'assurer pleinement au réfugié la protection prévue par cette convention, que la même qualité soit reconnue à la personne de même nationalité qui était unie par le mariage à un réfugié ou vivait en état de concubinage avec lui à la date à laquelle celui-ci a demandé son admission au statut et que ces conditions soient toujours remplies le jour où il est statué sur la demande en question ;

3. Considérant que le ministre fait valoir, à l'appui de son recours, le moyen, nouveau en appel tiré de ce que la délivrance à Mme E...A...aboutirait à la reconstitution en France d'un foyer polygamique dès lors que M. C...A...a déjà fait bénéficier d'un visa de long séjour en tant qu'épouse Mlle D...A...; que le ministre produit, à l'appui de ce moyen, une copie de l'acte de mariage célébré le 2 novembre 2011 à Abidjan de M. C...A...avec cette dernière et du visa de long séjour délivré à celle-ci afin qu'elle rejoigne son époux en France ;

4. Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier, et n'est pas contesté par le ministre, que M. C...A...et Mme E...A...avaient une relation maritale stable à la date à laquelle le requérant a sollicité le statut de réfugié ; que le ministre ne démontre pas que cette relation aurait pris fin à la date à laquelle est intervenue la décision implicite de rejet prononcée par la commission de recours contre les refus de visas, soit le 28 mai 2011 ; qu'ainsi, à cette date, Mme E...A...remplissait les conditions mentionnées plus haut lui donnant droit à la reconnaissance de la qualité de conjoint de réfugié et, par suite, à la délivrance d'un visa pour rejoindre M. C...A...sans que ne puisse y faire obstacle la circonstance, postérieure à cette décision implicite, du mariage de ce dernier avec Mlle D...A... ; que, dans ces conditions, le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes, a annulé la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visas d'entrée en France a refusé de délivrer un visa à Mlle E...A...;

S'agissant de l'application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative :

5. Considérant, d'une part, que l'annulation du refus implicite de la commission de recours contre les refus de visa opposé à la demande de M. C...A...impliquait seulement qu'il soit procédé à une nouvelle instruction de celle-ci en ce qui concerne la demande de visa présentée au profit de Mme E...A... ; qu'il y a lieu, dès lors, de réformer l'article 2 du jugement attaqué en tant qu'il enjoint au ministre de délivrer à cette dernière un visa de long séjour ;

6. Considérant, d'autre part, que, s'agissant des enfants Fatimatou, Alpha Oumar et Haoua Diaou, il ressort des pièces du dossier que, comme l'indique le ministre, des visas de long séjour leur ont été délivrés le 23 avril 2015 ; que, par suite, les conclusions de M. A...tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de procéder à cette délivrance sont devenues sans objet ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A...de la somme demandée par ce dernier au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1200668 du 27 novembre 2014 du tribunal administratif de Nantes est réformé en tant qu'il a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa long séjour à Mme E...A....

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de procéder à un réexamen de la demande de délivrance d'un visa de long séjour présentée par M. C...A...au profit de Mme E...A...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions du ministre et les conclusions de M. C...A...tendant à ce qu'il soit délivré un visa aux enfants Fatimatou, Alpha Oumar et Haoua Diaou sont rejetés.

Article 4 : Les conclusions de M. A...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A..., à Mme E...A...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2015, à laquelle siégeaient :

M. Lenoir, président de chambre,

M. Francfort, président-assesseur,

M. Durup de Baleine, premier conseiller.

Lu en audience publique le 24 juillet 2015.

Le président-assesseur,

J. FRANCFORT

Le président-rapporteur,

H. LENOIR Le greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15NT00249


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT00249
Date de la décision : 24/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Hubert LENOIR
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : CABINET POLLONO

Origine de la décision
Date de l'import : 06/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-07-24;15nt00249 ?
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