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24/07/2015 | FRANCE | N°14NT02437

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 24 juillet 2015, 14NT02437


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés le 18 septembre 2014 et le 16 octobre 2014, présentés pour M. B...A..., demeurant..., par Me Diallo, avocat ; M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1204599 en date du 17 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le consul général de France à Bamako a rejeté la demande de délivrance d'un visa de long séjour à Fodé A...ainsi que de la décision implicite de rejet de la commission de recours contre les décisi

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Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés le 18 septembre 2014 et le 16 octobre 2014, présentés pour M. B...A..., demeurant..., par Me Diallo, avocat ; M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1204599 en date du 17 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le consul général de France à Bamako a rejeté la demande de délivrance d'un visa de long séjour à Fodé A...ainsi que de la décision implicite de rejet de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant son recours contre cette décision ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre au ministre de délivrer le visa sollicité dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte d'une somme de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- l'attribution d'un même numéro d'acte d'état civil à deux enfants résulte d'une erreur commise par le centre d'état civil de Magnabougou au regard du droit malien, comme en a attesté l'officier d'état civil compétent aux termes d'un courrier officiel ;

- il justifie participer pleinement à l'entretien et à l'éducation de son fils par la production de quittances de virements d'argent mensuels et par l'ouverture d'un livret A au bénéfice de son fils dès l'année 2010 ;

- le refus de visa qui a été opposé à son fils en raison de la seule attribution d'un même numéro à deux actes d'état civil différents, qui n'est imputable qu'aux services d'état civil, méconnait les articles 3-1, 8, 9 et 10-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, l'article 6 de la convention européenne sur l'exercice des droits de l'enfant, l'article 24-2 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 112-4 du code de l'action sociale et des familles et l'article 375-1 du code civil ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2015, présenté par le ministre de l'intérieur qui conclut au rejet de la requête ;

il fait valoir que :

- la fraude à l'état civil est établie, dès lors que la vérification conduite auprès du centre d'état-civil de Magnambougou prouve que l'acte de naissance de l'intéressé porte le même numéro que celui d'une tierce personne, en méconnaissance de l'article 27 du code civil malien ; le fait que le même numéro ait été attribué à deux enfants nés à une semaine d'intervalle rend peu plausible l'éventualité d'une simple erreur matérielle ;

- la possession d'état n'est pas établie ; les virements d'argent au bénéfice de l'enfant Fodé, au demeurant non signés, sont tous postérieurs à la demande de visa ; les derniers virements sont largement antérieurs à l'enregistrement de la requête et ne mentionnent le nom d'aucun destinataire ; la seule preuve de l'ouverture d'un livret d'épargne au nom de Fodé A...n'est pas de nature à établir le lien de filiation ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 1er avril 2015, présenté pour M.A..., qui persiste dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens ;

il communique à la cour le jugement en date du 24 mars 2015 aux termes duquel le TGI de la commune de Bamako VI a reconnu que le même numéro avait été attribué par erreur à l'enfant Fodé Souleymane A...né le 30 septembre 1998 et à un autre enfant né le 6 octobre 1998 ; et ordonné en conséquence la rectification de l'acte de naissance sur les registres d'état-civil ;

Vu, enregistré le 7 avril 2015, le nouveau mémoire en défense présenté pour le ministre de l'intérieur, qui persiste dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens ;

il soutient que :

- le requérant n'a pas produit l'ace rectifié qui aurait été établi sur le fondement de ce jugement ;

- le jugement de rectification ne mentionne aucune des autres incohérences entachant les actes initialement produits, relevées par le jugement attaqué, relatives à la situation du requérant et à l'identité du déclarant ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 16 avril 2015, présenté pour M.A..., qui persiste dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu la convention européenne relative à l'exercice des droits de l'enfant du 25 janvier 1996 ;

Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juillet 2015 :

- le rapport de M. Francfort, président assesseur ;

- et les observations de Me Diallo, pour M.A... ;

1. Considérant que M. B...A..., ressortissant malien auquel le bénéfice de la qualité de réfugié a été reconnu en 2009, a demandé à faire venir auprès de lui l'enfant FodéA..., dont il dit être le père, en tant que membre de famille d'un réfugié statutaire ; que le refus de visa que lui a opposé le 23 février 2011 le consulat général de France à Bamako a été implicitement confirmé le 26 mars 2012 par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ; que M. A...relève appel du jugement du 14 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, qu'en application des dispositions des articles D. 211-5 à D. 211-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France se substitue à la décision de refus de visa prise par les autorités diplomatiques ou consulaires ; que, par suite, la décision par laquelle cette commission a implicitement rejeté le recours de M. A...dirigé contre la décision du consul général de France à Bamako du 23 février 2011 s'est substituée à la décision consulaire ; que la requête de M. A...doit, dès lors, être regardée comme exclusivement dirigée contre la décision implicite de la commission de recours ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance qu'une demande de visa de long séjour ait pour objet le rapprochement familial de membres de la famille d'une personne admise à la qualité de réfugié ne fait pas obstacle à ce que l'autorité administrative refuse la délivrance du visa sollicité en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur un motif d'ordre public ; que figurent au nombre de ces motifs le défaut de valeur probante des documents destinés à établir le lien de filiation entre le demandeur du visa et le membre de la famille qu'il projette de rejoindre sur le territoire français ainsi que le caractère frauduleux des actes d'état civil produits ; qu'en outre, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le document produit aurait un caractère frauduleux ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) " ; qu'aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. " ; que cet article pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère ; qu'il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question ;

5. Considérant que, pour rejeter la demande de visa présentée pour l'enfant FodéA..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur l'absence de caractère probant du document d'état civil produit, lequel n'établit pas le lien de filiation de l'enfant avec M.A... ;

6. Considérant que, par mémoire enregistré le 16 avril 2015, M. A...a produit un nouvel acte de naissance, faisant apparaître le requérant comme le père de l'enfant Fodé Souleymane, établi au vu d'un jugement de rectification rendu le 25 février 2015 par le tribunal de grande instance de la commune de Bamako VI ; qu'en l'absence de contestation du ministre de l'intérieur relativement à cet acte d'état civil, ce dernier doit être regardé, compte tenu de la présomption de validité dont il bénéficie sur le fondement des dispositions de l'article 47 du Code civil, comme établissant le lien de filiation allégué entre l'enfant Fodé Souleymane et le requérant ; que par suite la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pu rejeter le recours dont l'avait saisi M. A...sans entacher sa décision d'erreur d'appréciation ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

8. Considérant que la satisfaction donnée aux conclusions à fins d'annulation de la requête implique seulement que le ministre de l'intérieur statue à nouveau sur la demande de M. A...dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Sont annulés, d'une part, le jugement du 17 juillet 2014 du tribunal administratif de Nantes et, d'autre part, la décision du 26 mars 2012 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours de M. A...contre la décision par laquelle le consulat général de France à Bamako a rejeté la demande de délivrance de visa de long séjour à FodéA....

Article 2 : Il est fait injonction au ministre de l'intérieur de statuer à nouveau sur la demande de M. A...dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. A...la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Rimeu, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 24 juillet 2015.

Le rapporteur,

J. FRANCFORTLe président,

H. LENOIR

Le greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT02437


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT02437
Date de la décision : 24/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Jérôme FRANCFORT
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : DIALLO

Origine de la décision
Date de l'import : 06/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-07-24;14nt02437 ?
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