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10/07/2015 | FRANCE | N°13NT03010

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 10 juillet 2015, 13NT03010


Vu le mémoire, enregistré le 29 octobre 2014, présenté pour M. et Mme A...B..., demeurant..., par la société d'avocats Coudray, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

M. et Mme B...demandent à la cour, à l'appui de leur requête, enregistrée sous le numéro 13NT03010, tendant à l'annulation du jugement n° 1101374 du 14 août 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 8 octobre 2010 par lequel le maire d'Arradon (Morbihan) leur avait délivré un permis de construire en vue de la réfection d'un abris

de jardin, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité a...

Vu le mémoire, enregistré le 29 octobre 2014, présenté pour M. et Mme A...B..., demeurant..., par la société d'avocats Coudray, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

M. et Mme B...demandent à la cour, à l'appui de leur requête, enregistrée sous le numéro 13NT03010, tendant à l'annulation du jugement n° 1101374 du 14 août 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 8 octobre 2010 par lequel le maire d'Arradon (Morbihan) leur avait délivré un permis de construire en vue de la réfection d'un abris de jardin, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 111-3 alinéa 1er du code de l'urbanisme ;

ils soutiennent que :

- les dispositions de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme sont applicables au litige et n'ont pas déjà été examinées et déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ;

- les dispositions litigieuses portent atteinte au droit de propriété tel que garanti par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dans la mesure où la preuve de la régularité de l'édification d'un bien sinistré, édifié postérieurement à la loi du 15 juin 1943 relative au permis de construire, est difficile à apporter ;

- en effet, les autorisations d'urbanisme relatives à un immeuble ne sont ni annexées ni même mentionnées dans l'acte de propriété ;

- par ailleurs, et avant l'intervention de la loi du 15 juillet 2008 relative aux archives, aucune disposition légale n'imposait aux autorités compétentes en matière d'urbanisme de conserver de manière définitive les documents d'urbanisme ;

- dès lors, en ne prévoyant pas de mesures permettant au pétitionnaire d'accéder aux archives afin d'obtenir la copie de l'autorisation d'urbanisme justifiant de la régularité de la construction qu'il souhaite refaire à l'identique, l'article L.111-3 du code de l'urbanisme n'est pas assorti de garanties suffisantes permettant au propriétaire d'un bien édifié après 1943 de faire valoir le droit à reconstruire à l'identique en cas de sinistre qu'il institue ;

- en conséquence, cette carence de la loi constitue une atteinte grave et manifeste à l'usage du droit de propriété qui n'est pas justifiée par un objectif d'intérêt général ;

Vu le jugement attaqué dans l'instance n° 13NT03010 susvisée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2014, présenté pour l'association Les amis des chemins de ronde du Morbihan, par Me Busson, avocat au barreau de Paris, qui conclut qu'il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée ;

elle fait valoir que :

- la question prioritaire de constitutionnalité soulevée est dépourvue de caractère sérieux dès lors que l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme assouplit les règles d'urbanisme au profit des propriétaires alors que, avant l'entrée de vigueur de ces dispositions, une reconstruction à l'identique était soumise à l'obtention d'un permis de construire ;

- la preuve de la régularité de l'ancienne construction peut être rapportée par tout moyen ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2014, présenté pour la commune d'Arradon, par Me Lahalle, avocat, qui s'en remet à la sagesse de la cour s'agissant de la demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité des épouxB... ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 10 avril 2015, présenté pour M. et MmeB..., qui concluent aux mêmes fins que leur mémoire par les mêmes moyens et ajoutent que les dispositions du premier alinéa de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme méconnaissent les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 ;

Vu la loi d'urbanisme n° 324 du 15 juin 1943 relative au permis de construire et l'ordonnance n° 45-2542 du 27 octobre 1945 relative au permis de construire ;

Vu le code de l'urbanisme, notamment son article L. 111-3 alinéa 1er ;

Vu le code de justice administrative ;

1. Considérant que, par arrêté du 8 octobre 2010, le maire de la commune d'Arradon a délivré à M. et Mme B...un permis de reconstruire à l'identique un abri de jardin, détruit à la suite d'un sinistre, sur un terrain situé 1 chemin du Golfe au lieu-dit Le Moustoir ; que, par jugement du 14 août 2013 dont ils ont relevé appel, le tribunal administratif de Rennes a, à la demande de l'association Les amis des chemins de ronde du Morbihan, annulé ce permis de construire ; que, par mémoire distinct, M. et Mme B...demandent à la cour de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 111-3 alinéa 1er du code de l'urbanisme ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen reprise par le Préambule de la Constitution : " La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. " ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ; qu'aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article " ; qu'aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi organique susvisée du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'État (...) le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé d'office " ; qu'aux termes de l'article 23-2 de la même ordonnance : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° / Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3°/La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux " ; qu'aux termes de l'article R. 771-7 du même code : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours ou les magistrats désignés à cet effet par le chef de juridiction peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité " ; qu'enfin, aux termes du premier alinéa de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme issu de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement : " La reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit ou démoli depuis moins de dix ans est autorisée nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale, le plan local d'urbanisme ou le plan de prévention des risques naturels prévisibles en dispose autrement, dès lors qu'il a été régulièrement édifié (...) " ;

3. Considérant, d'une part, qu'il ne peut sérieusement être soutenu que la dispense, instituée par l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme précité, de l'obligation de solliciter un permis de construire avant d'entreprendre des travaux de reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit par un sinistre serait contraire au droit de propriété reconnu par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

4. Considérant, d'autre part, qu'il résulte tant des termes de l'article L. 111-3 que des travaux parlementaires qui ont présidé à son adoption que le législateur a entendu reconnaître au propriétaire d'un bâtiment détruit par un sinistre le droit de procéder à la reconstruction à l'identique de celui-ci dès lors qu'il avait été régulièrement édifié, comme tel est le cas lorsqu'il a été autorisé par un permis de construire ou lorsqu'il a été édifié antérieurement à l'intervention de la loi d'urbanisme n° 324 du 15 juin 1943 imposant l'obligation d'un tel permis ; qu'en subordonnant l'exercice de ce droit à reconstruire à la preuve, par le pétitionnaire, de l'existence de la régularité de la construction originelle, le législateur n'a aucunement porté à l'exercice du droit de propriété des limitations disproportionnées à l'objectif poursuivi ; que, de même, les requérants ne peuvent sérieusement soutenir que les dispositions litigieuses porteraient atteinte à ce même droit de propriété au motif qu'elles ne comporteraient pas de garanties suffisantes permettant de rendre effectif le droit de reconstruction à l'identique qu'elles instituent dès lors qu'elles ne prévoiraient pas de mesures permettant au pétitionnaire de disposer d'un accès utile à des archives d'urbanisme lui permettant d'obtenir une copie de l'autorisation de construire du bâtiment sinistré ; qu'ainsi, la méconnaissance alléguée de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ne présente pas un caractère sérieux ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme ;

ORDONNE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. et MmeB....

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. et Mme A...B..., à l'association Les amis des chemins de ronde du Morbihan, à la commune d'Arradon et au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.

Fait à Nantes, le 27 avril 2015

H. LENOIR

La République mande et ordonne au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT030102

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT03010
Date de la décision : 10/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Antoine DURUP de BALEINE
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : BUSSON

Origine de la décision
Date de l'import : 11/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-07-10;13nt03010 ?
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