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30/06/2015 | FRANCE | N°14NT01491

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 30 juin 2015, 14NT01491


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) Les Bonneaux a demandé au tribunal administratif d'Orléans de mettre à la charge de l'Etat une somme de 11 049,54 euros en réparation du préjudice subi en raison de la modification unilatérale intervenue le 3 avril 2006 du contrat d'agriculture durable qu'il a souscrit le 21 avril 2005.

Par une ordonnance n° 06-3239 du 4 décembre 2008 le vice-président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Par une ordonnance du 26 fé

vrier 2009 le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué le j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) Les Bonneaux a demandé au tribunal administratif d'Orléans de mettre à la charge de l'Etat une somme de 11 049,54 euros en réparation du préjudice subi en raison de la modification unilatérale intervenue le 3 avril 2006 du contrat d'agriculture durable qu'il a souscrit le 21 avril 2005.

Par une ordonnance n° 06-3239 du 4 décembre 2008 le vice-président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Par une ordonnance du 26 février 2009 le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué le jugement de la requête du GAEC Les Bonneaux relevant appel de cette ordonnance à la cour administrative d'appel de Nantes.

Par un arrêt n°09NT00618 du 22 décembre 2011 la cour, après avoir annulé l'ordonnance du vice-président du tribunal administratif d'Orléans, a rejeté la demande présentée par le GAEC Les Bonneaux devant le tribunal.

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 février 2012 et 23 mai 2012, le GAEC Les Bonneaux a formé un recours en cassation à l'encontre de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes.

Par une décision n°357050 du 7 mai 2014 le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 22 décembre 2011 et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Nantes, où elle a été enregistrée au greffe de la cour le 2 juin 2014 sous le n° 14NT01491.

Procédure devant la cour :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 mars et 14 avril 2009, et de nouveaux mémoires enregistrés les 13 octobre 2009 et 7 novembre 2011, le GAEC les Bonneaux, représenté par la SCP Hélène Didier et François Pinet, avocat au Conseil d'Etat, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 06-3239 du 4 décembre 2008 par laquelle le vice-président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 11 049,54 euros en réparation du préjudice qu'il a subi à raison de la modification unilatérale intervenue le 3 avril 2006 du contrat d'agriculture durable qu'il a souscrit le 21 avril 2005 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 11 049,54 euros en réparation de son préjudice, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que:

- l'ordonnance attaquée est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière et au mépris du principe du contradictoire dès lors que le mémoire en défense du préfet ne lui a pas été communiqué ;

- s'ils sont régis par un cadre réglementaire, les actes litigieux conservent leur caractère contractuel ;

- en tout état de cause, le juge de première instance se devait de requalifier ses conclusions et d'estimer que sa demande était présentée sur le fondement de la responsabilité extra contractuelle dès lors que son erreur résultait d'une difficulté d'appréciation de la nature de l'acte et non d'un choix erroné de fondement juridique ;

- la décision contestée du 3 avril 2006 est contraire au principe fondamental de protection de la confiance légitime ;

- cette décision méconnaît tant les dispositions de l'article 40 du règlement CE n° 1782/2003 du Conseil qui impose une période de référence devant servir de base de calcul du montant du paiement unique dérogatoire que celles de l'article 16 du règlement CE n° 795/2004 de la Commission du 21 avril 2004 portant modalités d'application du régime de paiement unique prévu par le règlement CE n° 1782/2003 qui prévoit soit une réduction ponctuelle du montant de référence devant servir à la détermination du montant du paiement unique, soit une modification avec l'accord de l'agriculteur du montant des versements dus au titre de l'engagement agro-environnemental ;

- il s'est engagé à reconvertir des terres arables en prairies temporaires et la modification de son contrat entraîne un manque à gagner de 11 049,54 euros.

Par un mémoire, enregistré le 10 novembre 2011, le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le vice-président du tribunal administratif d'Orléans a fait usage des pouvoirs qu'il tient du 6° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative et l'absence de communication du mémoire du préfet du Loiret du 28 mars 2007 n'a pas eu pour effet de porter atteinte au principe du contradictoire, ni de préjudicier aux droits du GAEC ;

- l'article 16 du règlement n° 795-2004 de la commission du 21 avril 2004 exclut le double paiement des aides communautaires et le préfet se trouvait en situation de compétence liée ;

- le requérant ne peut donc utilement invoquer la méconnaissance du principe de confiance légitime ;

- dès lors que sa période de référence n'a pas été affectée par l'engagement agro-environnemental de reconversion des terres agricoles le GAEC ne peut se prévaloir du dispositif dérogatoire de l'article 40 du règlement n°1782/2003 du 29 septembre 2003 et de son calcul de DPU sur la base de la période allant de 1997 à 1999 ;

- la diminution du montant des aides du contrat d'agriculture durable a été compensée lors de la mise en place du régime de paiement unique.

Par un nouveau mémoire, enregistré le 12 décembre 2014, le ministre de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la forêt persiste à conclure au rejet de la requête.

Il soutient en outre que :

- l'Etat n'a pas commis de faute en modifiant unilatéralement le contrat d'agriculture durable par la décision du préfet du Loiret du 3 avril 2006 dès lors que le principe d'exclusion des doubles paiements est un principe de portée générale en matière d'aides agricoles européennes ;

- en vertu des dispositions des articles 37, 38 et 39 du règlement CE n°1257/1999 les Etats membres sont garants de la bonne exécution et de la cohérence des politiques communautaires de soutien aux agriculteurs et notamment en matière de développement rural, et il leur revient en particulier d'adapter le régime des aides agro-alimentaires aux évolutions, dans le respect des objectifs fixés par ce règlement (CJCE 4 juin 2009 aff. C. 241/07 JK Otsa Talu Oü/ point 40) ;

- en vertu des articles 22 à 24 du règlement CE n°1257/1999 le calcul des aides accordées en contrepartie d'un engagement agro-environnemental tient compte de la perte des aides directes couplées à la production, et notamment des aides aux grandes cultures qu'implique la reconversion des terres arables ;

- les aides aux grandes cultures directement couplées avec la production ont été intégrées à 75% dans le régime du droit à paiement unique (DPU) entré en vigueur au cours de l'année 2006 ;

- il en résulte que la perte des aides couplées aux grandes cultures a pu être prise en compte à la fois dans le cadre d'un engagement agro-environnemental et dans le régime du DPU, en méconnaissance des dispositions des articles 37 à 39 du règlement CE n°1257/1999, ainsi qu'il ressort des conclusions du rapporteur public sous l'arrêt n°357050 ;

- en l'espèce, le GAEC Les Bonneaux a bénéficié, dans le cadre de son contrat d'agriculture durable, d'un soutien en contrepartie de la mise en place, sur 15 Ha 24 a, d'une action de reconversion des terres arables en prairies temporaires ; le montant de cette aide a été établi en 2005 en tenant compte de la perte de revenus liée à la perte des aides directes couplées aux grandes cultures pour cette superficie, sur la base des références moyennes nationales en vue d'assurer l'égalité de traitement entre les régions et entre les agriculteurs ;

- à compter de 2006, les aides aux grandes cultures ont été découplées à 75% et intégrées dans le droit de paiement unique (DPU) de l'exploitation agricole ;

- le soutien à la reconversion des terres arables ne devait dès lors plus compenser, au titre de la perte des revenus, que 25% des aides aux grandes cultures restant couplées à la production, selon les mêmes bases de calcul ;

- sans l'intervention de la décision contestée du préfet du Loiret, le GAEC Les Bonneaux aurait bénéficié d'une surcompensation en continuant à percevoir une aide de valeur globale supérieure à 75% ;

- dans la mise en oeuvre de la jurisprudence " EARL le Patis Maillet " ( CE n° 324523), il y a lieu de considérer que la mise en oeuvre du découplage des aides directes par le règlement (CE) 1782/2003 fait obstacle au maintien de la totalité de l'aide attribuée en contrepartie d'un engagement agro-environnemental, qui aurait conduit à une surcompensation des aides à la reconversion ; le préfet du Loiret était dès lors fondé à modifier pour l'avenir le contrat d'agriculture durable du GAEC Les Bonneaux dès lors qu'il maintenait la part de l'engagement visant à compenser le manque à gagner réellement subi par l'exploitant.

Par une ordonnance du 15 octobre 2014 la clôture immédiate de l'instruction a été prononcée en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) n° 1257/1999 du Conseil du 17 mai 1999 ;

- le règlement (CE) n° 1782/2003 du Conseil du 29 septembre 2003 ;

- le règlement (CE) n° 795/2004 de la Commission du 21 avril 2004 ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 9 juin 2015:

- le rapport de Mme Loirat, président-assesseur,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

1. Considérant que, le 21 avril 2005, le GAEC Les Bonneaux, dont le siège est situé à Lorris (Loiret), a conclu avec le préfet du Loiret un contrat d'agriculture durable pour la période du 1er mai 2005 au 30 avril 2010 aux termes duquel, en contrepartie d'une aide financière de 26 803,35 euros sur cinq ans, il s'est engagé à procéder à la reconversion de terres arables en prairies temporaires et à des actions d'amélioration du gel faunistique ; que, par une décision du 3 avril 2006, le préfet du Loiret a réduit de 11 042,29 euros le montant de l'aide financière dont devait bénéficier le GAEC, au motif que le découplage partiel des aides aux céréales, oléagineux et protéagineux à compter du 1er janvier 2006 avait pour conséquence que le montant des aides versées en application du régime de paiement unique était supérieur au montant des paiements directs précédemment perçu ; que, le 25 août 2006, le GAEC a saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant à ce qu'en réparation du préjudice causé par la modification unilatérale de son contrat d'agriculture durable, l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité d'un montant correspondant à la réduction de l'aide financière ; que, par une ordonnance du 4 décembre 2008 prise sur le fondement du 6° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le vice-président du tribunal administratif a rejeté sa demande ; que par un arrêt du 22 décembre 2011 la cour administrative d'appel de Nantes, après avoir annulé l'ordonnance du vice-président du tribunal administratif d'Orléans, a rejeté la demande du GAEC ; que par une décision du 7 mai 2014, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi en cassation par le GAEC Les Bonneaux, a annulé cet arrêt au motif qu'en estimant que le préfet du Loiret avait pu se fonder sur les dispositions de l'article 16 du règlement n° 795/2004 pour réduire le montant de l'aide versée au titre de son contrat d'agriculture durable sans porter atteinte au principe de confiance légitime, la cour administrative d'appel de Nantes a commis une erreur de droit ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 22 du règlement (CE) n° 1257/1999 du Conseil du 17 mai 1999 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole et modifiant et abrogeant certains règlements : " Un soutien est accordé aux méthodes de production agricoles conçues pour protéger l'environnement, préserver l'espace naturel (agroenvironnement) ou améliorer le bien-être des animaux, afin de contribuer à la réalisation des objectifs communautaires en matière d'agriculture, d'environnement et de bien-être des animaux d'élevage. / Ce soutien est destiné à encourager : / a) des formes d'exploitation des terres agricoles compatibles avec la protection et l'amélioration de l'environnement, du paysage et de ses caractéristiques, des ressources naturelles, des sols et de la diversité génétique, / b) une extensification des modes d'exploitation agricoles favorable à l'environnement et la gestion des systèmes de pâturage à faible intensité, / c) la conservation d'espaces cultivés à haute valeur naturelle menacés, / d) l'entretien du paysage et des caractéristiques traditionnelles des terres agricoles, / e) la prise en compte de la planification environnementale dans la pratique agricole, / f) l'amélioration du bien-être des animaux " ; qu'aux termes de l'article R. 311-1 du code rural, dans sa rédaction applicable au litige : " Toute personne exerçant une activité agricole (...) peut conclure avec l'Etat un contrat d'agriculture durable. / (...) Le contrat porte sur la contribution de l'activité de l'exploitation à la préservation des ressources naturelles, à l'occupation rationnelle et à l'aménagement de l'espace rural en vue notamment de lutter contre l'érosion, de préserver la fertilité des sols, la ressource en eau, la diversité biologique, la nature et les paysages. (...) / Dès lors qu'il entre dans le champ d'application du règlement (CE) n° 1257/1999 du Conseil du 17 mai 1999 (...), le contrat comprend au moins une action prévue à l'article 22 de ce règlement (...). / Il définit les engagements de l'exploitant ainsi que la nature et les modalités des aides publiques accordées en contrepartie " ;

3. Considérant que, s'il est loisible à l'exploitant titulaire d'un contrat d'agriculture durable de contester par la voie du recours pour excès de pouvoir les dispositions réglementaires qui régissent son contrat ainsi que les mesures prises par l'administration dans le cadre de son exécution et s'il peut rechercher la responsabilité quasi-délictuelle de l'Etat en cas de faute, il ne peut, en revanche, poursuivre la responsabilité contractuelle de l'Etat en cas de modification des dispositions qui régissent son contrat ou en cas de mise en conformité de ce dernier avec ces dispositions ; que par suite, c'est à juste titre que le vice-président du tribunal administratif d'Orléans a estimé que le titulaire d'un contrat d'agriculture durable ne pouvait rechercher la responsabilité contractuelle de l'Etat en cas de mise en conformité du montant des aides prévues par ce contrat avec les dispositions communautaires et réglementaires qui le régissent ;

4. Considérant, toutefois, qu'en ne regardant pas, dans les circonstances de l'espèce et compte tenu des termes de la demande, les conclusions indemnitaires dont il était saisi par le GAEC Les Bonneaux comme tendant à l'engagement de la responsabilité extracontractuelle de l'Etat pour avoir commis une faute en ne respectant pas son droit au maintien de certaines aides, le vice-président du tribunal administratif d'Orléans s'est mépris sur le sens et la portée du litige qui lui était soumis ; que, par suite, le GAEC Les Bonneaux est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

5. Considérant qu'il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions de la demande présentée par le GAEC Les Bonneaux devant le tribunal administratif d'Orléans ;

6. Considérant que le titulaire d'un contrat d'agriculture durable ne peut prétendre au maintien des dispositions réglementaires qui régissent son contrat ; que, toutefois, en ce qui concerne le montant et le taux des aides, fixés par les dispositions réglementaires prises par le ministre chargé de l'agriculture et le ministre chargé du budget et par le préfet, l'exploitant titulaire d'un contrat d'agriculture durable a droit, eu égard à l'objet de ces aides et à la nature des engagements souscrits, au maintien, dans la seule mesure où aucun principe ni aucune disposition communautaires n'y font obstacle, de la part de l'aide relative aux investissements non productifs nécessaires au respect des engagements pris et de celle qui a pour objet de prendre en compte les manques à gagner et surcoûts qu'entraîne l'exécution du contrat ;

7. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 24 du règlement (CE) n° 1257/1999 du Conseil du 17 mai 1999, l'aide attribuée en contrepartie d'un engagement agro-environnemental tient compte des pertes de revenus encourues du fait de cet engagement, et notamment de la perte des aides directes couplées à la production au rang desquelles figurent les aides aux grandes cultures qu'implique la reconversion des terres arables ; que le règlement (CE) n°1782/2003 du Conseil du 29 septembre 2003 établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune, a mis en place un nouveau dispositif de soutien direct aux revenus des agriculteurs découplé de la production ; qu'à compter de sa mise en oeuvre au cours de l'année 2006, le droit à paiement unique de l'exploitation est calculé en fonction de la moyenne des paiements directs mentionnés à l'annexe VI au règlement 1782/2003 effectués au cours de la période de référence courant de l'année 2000 à l'année 2002 ; qu'aux termes du III de l'article D. 615-62 du code rural et de la pêche maritime : " Pour l'application des articles 65 à 70 ainsi que de l'annexe VII du règlement du 29 septembre 2003 susmentionné, la composante des plafonds nationaux visés à l'article 41 de ce règlement comprend les montants suivants : / - 75 % des montants des paiements pour les grandes cultures... " ;

8. Considérant que le contrat d'agriculture durable conclu le 21 avril 2005 par le GAEC Les Bonneaux prévoyait l'engagement de l'exploitant à reconvertir 15,24 hectares de terres arables en prairies temporaires et l'attribution en contrepartie d'une aide annuelle de 320,14 euros par hectare reconverti, pour compenser la perte de revenus ainsi engendrée et en particulier la perte des aides directes couplées à la production de grandes cultures ; que toutefois, à compter de l'année 2006, les aides couplées à la production ont été découplées et intégrées à hauteur de 75% dans le droit à paiement unique de l'exploitation issu des dispositions du règlement (CE) n°1782/2003 du Conseil du 29 septembre 2003 ; que la décision contestée du préfet du Loiret du 3 avril 2006 a eu pour objet de réduire à 139 euros le montant de l'aide annuelle par hectare reconverti pour ramener la compensation directe des pertes de revenus liée à la réduction des terres arables à 25% des aides restant couplées à la production ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article 37 du règlement (CE) n° 1257/1999 du Conseil du 17 mai 1999 : " 1. Le soutien en faveur du développement rural n'est accordé qu'aux mesures conformes au droit communautaire. 2. Lesdites mesures doivent être cohérentes avec les autres politiques communautaires et avec les mesures prises en vertu de celles-ci(...) 3. La cohérence doit également être assurée entre les mesures mises en oeuvre au titre d'autres instruments de la politique agricole commune, notamment, entre les mesures de soutien en faveur du développement rural, d'une part, et les mesures relevant des organisations communes de marché et celles relatives à la qualité agricole et à la santé, d'autre part, ainsi qu'entre les différentes mesures de soutien en faveur du développement rural. Il s'ensuit qu'aucun soutien au titre du présent règlement ne peut être accordé aux: - mesures relevant du champ d'application des régimes de soutien institués dans le cadre des organisations communes de marché, sous réserve des exceptions, justifiées par des critères objectifs, qui pourraient être définies en application de l'article 50, - mesures visant à soutenir des projets de recherche, à promouvoir des produits agricoles ou à éradiquer des maladies animales. 4. Les États membres peuvent établir des conditions supplémentaires ou plus restrictives en matière d'octroi du soutien communautaire au titre du développement rural, sous réserve qu'elles soient cohérentes avec les objectifs et les exigences fixés dans le présent règlement. " ; que l'article 38 de ce même règlement prévoit en outre que : " 1. La même mesure ne peut faire l'objet de paiements au titre du présent règlement et au titre d'un autre régime de soutien communautaire. 2. La combinaison de plusieurs mesures de soutien au titre du présent règlement ne peut être envisagée qu'à la condition que celles-ci soient cohérentes et compatibles entre elles. Si nécessaire, le niveau de soutien peut être ajusté ", et qu'aux termes de l'article 39 : " 1. Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour assurer la compatibilité et la cohérence des mesures de soutien en faveur du développement rural conformément aux dispositions du présent chapitre. 2. Les plans en faveur du développement rural soumis par les États membres incluent une évaluation de la compatibilité et de la cohérence de mesures de soutien envisagées et l'indication des dispositions prises pour assurer lesdites compatibilité et cohérence. 3. Le cas échéant, les mesures de soutien peuvent être révisées ultérieurement en vue d'assurer la compatibilité et la cohérence " ; qu'en vertu de ces dispositions, les Etats membres sont les garants de la bonne exécution et de la cohérence des politiques communautaires de soutien à l'agriculture et sont tenus notamment d'éviter ou remédier aux doubles paiements ;

10. Considérant qu'ainsi que le soutient le ministre de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la forêt, ces dispositions peuvent être substituées à celles de l'article 16 du règlement (CE) n°795/2004 de la Commission du 21 avril 2004 pour justifier la décision précitée du préfet du Loiret du 3 avril 2006 destinée à éviter la surcompensation des aides accordées en contrepartie de la réduction des terres arables opérée par le GAEC Les Bonneaux, dès lors que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver le groupement intéressé d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces dispositions ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et alors que le GAEC Les Bonneaux n'établit ni même n'allègue que le montant de 11 049,54 euros de réduction de l'aide accordée en contrepartie de son engagement de reconversion de 15,24 hectares de ses terres arables, excéderait la stricte compensation des 75% des aides aux grandes cultures découplées de la production, que le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en réduisant dans cette mesure le montant de l'aide prévue au contrat d'agriculture durable sur le fondement des dispositions citées au point 9, le préfet aurait porté atteinte au principe de confiance légitime applicable en matière de droit communautaire ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, que la demande du GAEC Les Bonneaux doit être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme que le GAEC Les Bonneaux demande au titre des frais engagés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 06-3239 du vice-président du tribunal administratif d'Orléans du 4 décembre 2008 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par le GAEC Les Bonneaux devant le tribunal administratif d'Orléans et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au GAEC Les Bonneaux et au ministre de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la forêt.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- M.B..., faisant fonction de, premier conseiller.

Lu en audience publique, le .30 juin 2015

Le rapporteur,

C. LOIRATLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la forêt en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT01491


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01491
Date de la décision : 30/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Cécile LOIRAT
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SCP HÉLÈNE DIDIER ET FRANÇOIS PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-06-30;14nt01491 ?
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