Vu la requête, enregistrée le 28 avril 2014, présentée pour la société à responsabilité limitée CEPE du Cotentin, dont le siège est 2 rue du Char d'Argent à Epinal (88000), représentée par son gérant, par Me Cassin avocat au barreau de Paris ;
la société CEPE du Cotentin demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1301643 du 25 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 juillet 2013 du préfet de la Manche lui refusant la délivrance de cinq permis de construire en vue de l'édification d'un parc de cinq éoliennes sur le territoire de la commune de la Haye d'Ectot ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Manche de lui délivrer les permis sollicités ; subsidiairement d'enjoindre au préfet de réexaminer ses demandes dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 € par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 € au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
- l'existence de neuf zones naturelles d'intérêt écologique faunistique et floristique et d'une zone Natura 2000 dans un rayon de 10 kilomètres autour du site d'implantation des éoliennes est sans incidence sur l'intérêt paysager ou esthétique de l'environnement du site au sens de l'article R.111-21 du code de l'urbanisme ;
- le paysage bocager environnant ne présente pas d'intérêt particulier ; le site retenu est considéré comme favorable au développement éolien par le schéma éolien régional approuvé par arrêté du préfet de région du 28 septembre 2012 ;
- l'implantation projetée à proximité d'un autre parc éolien est conforme à la logique de concentration préconisée par le schéma et évite l'effet de saturation ;
- l'impact visuel dans un paysage ouvert est négligeable tant depuis les monts de Besneville et de Doville que depuis les havres de Portbail, Surville et Barneville-Carteret ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 mai 2015, présenté par le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de l'énergie qui conclut au rejet de la requête ;
- il soutient que les moyens de la société requérante ne sont pas fondés ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 5 juin 2015, présentée pour la société CEPE du Cotentin ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juin 2015 :
- le rapport de M. François, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public ;
- et les observations de MeA..., substituant Me Cassin, avocat de la société CEPE du Cotentin ;
1. Considérant que la société CEPE du Cotentin relève appel du jugement du 25 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 juillet 2013 du préfet de la Manche lui refusant la délivrance de cinq permis de construire en vue de l'édification d'un parc de cinq éoliennes sur le territoire de la commune de la Haye d'Ectot ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains, ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ; que, pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, que le parc éolien projeté porte sur la construction de cinq éoliennes d'une hauteur de 85 mètres au moyeu pour quatre d'entre elles et de 100 mètres au moyeu pour la cinquième, et de 135 mètres en bout de pale, implantées en ligne d'est en ouest, à environ 500 mètres de la ligne de crête des escarpements du pays de Beaumont ; que la perception du paysage bocager, de caractère ouvert, caractéristique de la Manche centrale, composé de haies et de prairies et parsemé de hameaux, de corps de ferme et de bâtiments agricoles typiques dans lequel le parc éolien doit être aménagé, sera altérée par la hauteur des aérogénérateurs ; que le projet aura également un impact visuel prononcé sur les espaces maritimes de qualité, demeurés en grande partie naturels, situés à environ 6 kilomètres à l'ouest et notamment sur les havres de Barneville et de Portbail ; que, par ailleurs, il ressort des documents produits, notamment de photomontages corroborés par le document photographique dit " simulations éoliennes à l'aide d'un ballon " présenté par la pétitionnaire, que les éoliennes litigieuses seront nettement visibles depuis le Mont de Besneville et surtout depuis le Mont de Doville, sur lequel sont situés la chapelle Saint-Martin et un corps de garde inscrit au titre des monuments historiques et où est aménagée une table d'orientation permettant de découvrir, avec un panorama à 360 degrés, le paysage terrestre et le littoral ; que, de plus, il n'est pas sérieusement contesté que les aérogénérateurs seront visibles de la cour du prieuré à valeur patrimoniale de la Taille, situé à moins de 500 mètres du projet ; qu'en outre la présence, à environ 1,8 kilomètre au nord-est du site d'implantation, des cinq machines du parc éolien de Sortosville-en-Beaumont hautes de 110 mètres, et l'existence à 7,5 kilomètres dans la même direction des cinq éoliennes du parc de Saint-Jacques-de-Néhou, hautes de 120 mètres, est susceptible d'entraîner un phénomène de saturation visuelle, perceptible notamment depuis les hauteurs de Carteret, le site littoral de Portbail et le havre de Surville ; qu'il n'est pas contesté que les habitants des hameaux du Haut-des-Landes et des Chasses Mauger connaîtront un " enfermement visuel " résultant de la présence simultanée des parcs éoliens de La Haye d'Ectot et de Sortosville-en-Beaumont ; que, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la commission départementale de la nature, des paysages et des sites a émis un avis défavorable au projet dans ses séances des 17 octobre 2007 et 25 février 2010 ; que le directeur régional de l'environnement s'est également prononcé défavorablement le 5 mars 2009, de même que l'autorité environnementale le 7 juillet 2010 et le commissaire enquêteur dans son avis émis le 2 avril 2011 à l'issue de l'enquête publique ; que, dans ces conditions, et alors même que la commune de la Haye d'Ectot est répertoriée comme " présentant des caractéristiques favorables au développement de l'éolien " par le schéma régional éolien de Basse-Normandie approuvé par le préfet de la région Basse-Normandie le 28 septembre 2012, le projet de la société CEPE est de nature à porter atteinte au caractère et à l'intérêt des paysages avoisinants ainsi qu'à la conservation des perspectives existantes ; que, dès lors, le préfet de la Manche n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en refusant la délivrance des permis de construire litigieux sur le fondement des dispositions précitées de l'article R 111-21 du code de l'urbanisme ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société CEPE du Cotentin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par la requérante ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société CEPE du Cotentin est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société CEPE du Cotentin et au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de l'énergie.
Délibéré après l'audience du 2 juin 2015, où siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. François, premier conseiller
- M. Pouget, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 juin 2015.
Le rapporteur,
E. FRANÇOISLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
S. BOYERE
La République mande et ordonne au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT01122