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12/06/2015 | FRANCE | N°14NT01282

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 12 juin 2015, 14NT01282


Vu la requête, enregistrée le 14 mai 2014, présentée pour Mme A...B..., demeurant..., par Me Allard, avocat, qui demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 4 du jugement n° 1107371 du 4 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 mai 2011 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision implicite par laquelle le consul général de France à Bamako a refusé de délivrer un visa de long séjour à MlleD... ;


2°) d'annuler la décision du 19 mai 2011 par laquelle la commission de recou...

Vu la requête, enregistrée le 14 mai 2014, présentée pour Mme A...B..., demeurant..., par Me Allard, avocat, qui demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 4 du jugement n° 1107371 du 4 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 mai 2011 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision implicite par laquelle le consul général de France à Bamako a refusé de délivrer un visa de long séjour à MlleD... ;

2°) d'annuler la décision du 19 mai 2011 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision implicite par laquelle le consul général de France à Bamako a refusé de délivrer un visa de long séjour à MlleD... ;

3°) d'ordonner au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour à Mlle D...ou de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la lecture de l'arrêt à rendre et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la décision contestée n'est pas suffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision contestée méconnaît l'article 3, § 1, de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- elle dispose des moyens d'accueillir l'enfant en France et les parents de l'enfant sont défaillants et sans ressources suffisantes pour subvenir à ses besoins ;

- l'enfant est exposée au Mali à un risque de mariage forcé ainsi que de violences de la part de son oncle et de son futur mari ;

- la décision contestée méconnaît le principe de l'unité de famille applicable aux réfugiés ;

Vu le jugement attaqué et l'ordonnance de rectification d'erreur matérielle du 5 mars 2014 ;

Vu la décision du 4 août 2014 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes a admis Mme B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 août 2014, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête :

il fait valoir que :

- il s'en remet à ses observations de première instance ;

- la décision contestée est régulièrement motivée ;

- le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 421-1 et R. 421-20 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant ;

- l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inapplicable au cas de C...Coulibaly ;

- le jugement malien de 2009 n'a pas été exéquaturé en France et n'est pas accompagné d'un accord explicite des parents de l'enfant consentant à son départ vers la France ;

- la requérante n'a probablement jamais participé à l'entretien et à l'éducation de sa nièce, qui vit chez ses parents ;

- les menaces alléguées pour l'enfant ne sont pas établies ;

- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas méconnu ;

- l'article 3, § 1, de la convention relative aux droits de l'enfant, n'est pas davantage méconnu ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention relative aux droits de l'enfant ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mai 2015 :

- le rapport de M. Durup de Baleine, premier conseiller ;

- et les observations de Me Allard, avocat de MmeB... ;

1. Considérant que MmeB..., ressortissante malienne née en 1978, a été admise au bénéfice du statut de réfugié par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 10 octobre 2008 ; que, par un jugement du 7 septembre 2009, le tribunal de première instance de la commune I du district de Bamako a autorisé Mme B...à exercer l'autorité parentale sur la jeuneD..., sa nièce, née en 1995 et de nationalité malienne ; que le consul général de France à Bamako a opposé une décision implicite de rejet à la demande de visa de long séjour présentée le 8 mars 2010 par la jeuneD... ; que, par une décision du 19 mai 2011, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé le 24 décembre 2010 contre cette décision implicite de rejet par MmeB... ; que cette dernière relève appel de l'article 4 du jugement du 4 mars 2014, rectifié par ordonnance du 5 mars 2014, par lequel le tribunal administratif a rejeté les conclusions de sa demande de première instance dirigée contre cette décision du 19 mai 2011 concernant la jeuneD... ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que, dans sa demande enregistrée le 28 juillet 2011 au greffe du tribunal administratif de Nantes, Mme B...soutenait que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, en rejetant son recours contre le refus de délivrer un visa à la jeuneD..., a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le jugement attaqué a omis de répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant et était distinct de celui, soulevé dans le mémoire enregistré le 7 juin 2012, tiré de la méconnaissance du principe d'unité de la famille applicable aux réfugiés statutaires ; que, dès lors, la requérante est fondée à soutenir que l'article 4 du jugement attaqué est irrégulier et à en demander, pour ce motif, l'annulation ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande de Mme B...dirigée contre la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 19 mai 2011 rejetant son recours contre la décision du consul général de France à Bamako refusant de délivrer un visa de long séjour à la jeuneD... ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Considérant que l'intérêt d'un enfant étant en principe de vivre auprès de la personne qui, en vertu d'une décision de justice qui produit des effets juridiques en France, est titulaire à son égard de l'autorité parentale, l'enfant confié dans de telles conditions à un étranger s'étant vu reconnaître la qualité de réfugié a droit, lorsqu'il a moins de dix-huit ans, sauf à ce que ses conditions d'accueil en France soient contraires à son intérêt, et sous réserve de motifs d'ordre public, à un visa d'entrée et de long séjour en France en vue de venir rejoindre le titulaire de l'autorité parentale réfugié en France ;

5. Considérant que, pour rejeter le recours de MmeB..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a estimé que la jeuneD..., nièce de la requérante " n'appartient pas à la catégorie des personnes pouvant bénéficier d'un regroupement familial (articles L 313 et L 314 du CESEDA) " ;

6. Considérant que, comme il a été dit et par un jugement du 7 septembre 2009, le tribunal de première instance de la commune I de Bamako a confié à Mme B...l'exercice de l'autorité parentale à l'égard de la jeuneD... ; que ce jugement, alors même qu'il n'a pas été rendu exécutoire par un jugement d'une juridiction française, a eu pour effet, et d'ailleurs pour objet même, de déléguer à Mme B...l'exercice de l'autorité parentale sur MlleD... ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, une telle délégation de l'autorité parentale ouvre droit à la procédure de rapprochement familial, alors même qu'elle n'a pas établi de lien de filiation entre cette enfant et MmeB... ; que, par suite, en estimant que la jeune C...n'appartient pas à la catégorie des personnes pouvant bénéficier d'un " regroupement familial ", la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, qui, eu égard à la qualité de réfugiée de la requérante, a en réalité entendu se référer à la procédure dite de rapprochement familial de réfugié statutaire, a, ainsi que le soutient la requérante, commis une erreur de droit ;

7. Considérant que si, pour fonder légalement la décision contestée, le ministre de l'intérieur invoque dans ses écritures un autre motif, tirées de ce que les conditions d'accueil en France de la jeuneD... seraient contraires à son intérêt, il ne demande pas expressément à la cour, à laquelle il n'appartient pas d'y procéder d'office, de substituer ce motif à celui, erroné, initialement indiqué par la décision du 19 mai 2011 ;

8. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de sa demande, Mme B...est fondée à demander l'annulation de la décision du 16 mai 2011 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision implicite par laquelle le consul général de France à Bamako a refusé de délivrer un visa de long séjour à la jeuneD... ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Considérant qu'eu égard aux motifs du présent arrêt, l'annulation de la décision contestée n'implique pas nécessairement la délivrance d'un visa de long séjour présentée par MlleD... ; qu'il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer cette demande de visa, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a en revanche pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

10. Considérant que la requérante a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle et peut, par suite, se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1990 ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me Allard, sous réserve de la renonciation de cette dernière à percevoir la part contributive de l'Etat ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 4 du jugement du tribunal administratif de Nantes du 4 mars 2014 est annulé.

Article 2 : La décision du 19 mai 2011 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours de Mme B...contre le refus du consul général de France de délivrer un visa d'entrée et de long séjour en France à MlleD... est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer la demande de visa d'entrée et de long séjour en France présentée par MlleD..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Me Allard au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation de Me Allard à percevoir la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par Mme B...est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Durup de Baleine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juin 2015.

Le rapporteur,

A. DURUP de BALEINELe président,

H. LENOIR

Le greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01282
Date de la décision : 12/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Antoine DURUP de BALEINE
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : ALLARD

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-06-12;14nt01282 ?
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