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12/06/2015 | FRANCE | N°14NT00575

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 12 juin 2015, 14NT00575


Vu la requête, enregistrée le 6 mars 2014, présentée pour M. et Mme B...D...F..., demeurant..., par Me Bon-Julien, avocat ; M. et Mme D...F...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 1104141-1202375 en date du 10 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 31 août 2011 par lequel le préfet du Morbihan a déclaré d'utilité publique le projet d'extension de la voie de desserte " rue de la Justice " sur le territoire de la commune de Plouay et, d'autre part, de l'arrêté de

cessibilité du 25 janvier 2012 en tant que le préfet du Morbihan a déc...

Vu la requête, enregistrée le 6 mars 2014, présentée pour M. et Mme B...D...F..., demeurant..., par Me Bon-Julien, avocat ; M. et Mme D...F...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 1104141-1202375 en date du 10 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 31 août 2011 par lequel le préfet du Morbihan a déclaré d'utilité publique le projet d'extension de la voie de desserte " rue de la Justice " sur le territoire de la commune de Plouay et, d'autre part, de l'arrêté de cessibilité du 25 janvier 2012 en tant que le préfet du Morbihan a déclaré cessible au profit de la commune de Plouay la parcelle cadastrée section AD n° 364 leur appartenant ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

ils soutiennent que :

- en ce qui concerne l'acte déclaratif d'utilité publique :

. la notice explicative qui figurait au dossier d'enquête en application de l'article R. 11-3-II du code de l'expropriation est insuffisante, notamment au regard du parti retenu, dans la mesure où d'autres solutions existent pour régler le conflit de voisinage dont s'agit ; aucune tentative de conciliation n'a été envisagée, non plus que la solution consistant en la création d'une servitude de passage ;

. l'opération ne vise en réalité qu'au confort de deux propriétaires résidant aux 5 et 5 bis de la rue de la Justice, et qui bénéficient déjà d'un accès ; elle ne répond pas à une finalité d'intérêt général ;

. il existait des solutions alternatives moins pénalisantes, offrant des garanties équivalentes ; en effet la constitution d'une servitude, solution de droit privé pérenne et équivalente, qu'il n'incombait pas aux requérants de proposer, aurait pu être recherchée ; de fait cette servitude existe puisque M. et Mme D...F...ont retiré les plots qu'ils avaient implantés ;

. il y a atteinte excessive à la propriété privée des requérants dans la mesure où Mme D...F...est handicapée, ce qui impose que les requérants puissent se garer à proximité immédiate de leur maison, tout en conservant la possibilité d'y entrer par l'accès principal sur la rue de la Justice ;

. la décision contestée est entachée de détournement de pouvoir dès lors que la déclaration d'utilité publique vise en réalité au désenclavement de deux terrains classés en zone urbanisable, l'un appartenant à M. et Mme D...F...qui ne sont pas vendeurs, et l'autre au maire ;

- en ce qui concerne l'arrêté de cessibilité :

. cet arrêté est illégal en raison de l'irrégularité qui entache la déclaration d'utilité publique avec laquelle il forme une opération complexe ;

. s'agissant d'une expropriation seulement partielle de la parcelle cadastrée AD 308, un document d'arpentage aurait dû être joint à l'arrêté de cessibilité pour une information complète des expropriés, ainsi que l'exige l'article R. 11-28 du code de l'expropriation ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 août 2014, présenté pour la commune de Plouay par le cabinet d'avocat Coudray, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme D...F...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Vu le décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mai 2015 :

- le rapport de M. Francfort, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public,

- les observations de Me Bon-Julien, pour M. et Mme D...F..., et celles de MeA..., pour la commune de Plouay ;

Connaissance prise de la note en délibéré, enregistrée le 27 mai 2015, présentée pour la commune de Plouay ;

1. Considérant que M. et Mme D...F...sont propriétaires dans le centre bourg de la commune de Plouay (Morbihan) d'une parcelle, cadastrée section AD n° 308, située 7 rue de la Justice ; que cette propriété inclut une partie de la venelle, de 10 mètres de longueur et de 5,10 mètres de largeur, qui relie à la rue de la Justice deux autres propriétés situées au fond de cette impasse, le surplus relevant de la voirie communale ; qu'à la suite de la pose par M. D...F...de trois potelets délimitant la partie de sa propriété incluse dans cette venelle, la commune de Plouay a estimé qu'il convenait de résoudre les difficultés d'accès à la rue de la Justice de ces deux propriétés, ainsi que de l'arrière de la parcelle de M. et Mme D...F..., classée en zone constructible par le plan d'occupation des sols, le maire de Plouay proposant à M. et Mme D...F...de céder à la commune la partie de l'impasse leur appartenant, afin de la faire entrer dans la voirie communale ; que devant le refus de M. et Mme D...F...de céder à l'amiable la bande de terrain nécessaire à la maîtrise par la commune de la totalité de l'accès, le maire de la commune de Plouay a sollicité du préfet du Morbihan l'organisation des enquêtes d'utilité publique et parcellaire nécessaires à l'acquisition, au besoin par voie d'expropriation, de cette partie de la propriété de M. D...F..., d'une superficie de 28 m², ainsi que d'une parcelle attenante, d'une superficie de 25 m², à prélever sur la propriété de M. et Mme C...domiciliés au 5 bis rue de la Justice ; qu'après une enquête publique qui s'est déroulée du 24 mai au 10 juin 2011, le préfet du Morbihan a déclaré d'utilité publique le projet d'extension de la venelle par un arrêté en date du 31 août 2011 ; que par un autre arrêté du 25 janvier 2012 le préfet du Morbihan a déclaré cessibles au profit de la commune de Plouay les parcelles nécessaires à la réalisation de ce projet d'extension ; que M. et Mme D...F...relèvent appel du jugement du 10 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation, d'une part, de la déclaration d'utilité publique du 31 août 2011 et, d'autre part, en tant qu'il porte sur la parcelle AD 364 détachée de leur propriété, de l'arrêté de cessibilité du 25 janvier 2012 ;

Sur les conclusions à fins d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté portant déclaration d'utilité publique :

2. Considérant qu'il appartient au juge administratif, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'impasse desservant les deux propriétés situées aux 5 et 5 bis rue de la Justice présente une largeur limitée à 2, 80 m dans sa partie relevant de la voirie communale, le surplus appartenant à M. et Mme D...F... ; que la commune a sollicité et obtenu du préfet du Morbihan la déclaration d'utilité publique en litige aux motifs, d'une part, que cet état de fait entraînait des risques pour la sécurité routière de cette desserte, notamment au débouché de cette impasse avec la rue de la Justice, et d'autre part, que cette opération permettrait de désenclaver le fond de la propriété de M. D...F..., laquelle était classée en zone constructible par le plan d'occupation des sols de la commune ;

4. Considérant, d'une part, que la longueur de l'impasse en cause est limitée à une dizaine de mètres, le prolongement de la voie d'accès à l'habitation située au 5 bis rue de la Justice s'effectuant en réalité sur le fond de cette dernière propriété ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la largeur actuelle de l'impasse dans sa partie publique, soit 2,80 mètres, serait un obstacle à une intervention efficace des services de secours, à défaut notamment d'attestation en ce sens émanant du service départemental d'incendie et de secours ; qu'il ressort des photographies versées au dossier par les requérants en première instance que les camionnettes utilisées par les artisans ne sont pas privées d'accès aux deux propriétés dont s'agit ; qu'enfin ni la lettre au maire de M. E...et des époux D...C..., en date du 20 août 2008, ni les quelques observations formulées par écrit auprès du commissaire-enquêteur durant l'enquête publique, n'attestent que les difficultés d'accès, y compris au débouché de l'impasse sur la rue de la Justice, laquelle est en sens unique, excéderaient les inconvénients auxquels peuvent être exposés en milieu urbain les occupants d'une habitation en fond d'impasse ;

5. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que la propriété de M. et Mme D...F..., qui longe la rue de la Justice ainsi que l'impasse du même nom, n'est pas enclavée ; que la circonstance que la possibilité de lotir la partie de leur propriété située à l'arrière de leur habitation serait conditionnée à une amélioration des conditions d'accès de cette partie de la propriété relève de considérations d'ordre privé, insusceptibles d'établir l'intérêt général de l'opération projetée ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les motifs allégués par la commune ne sont pas de nature à justifier de l'intérêt général attaché à l'élargissement projeté ; que l'arrêté en date du 31 août 2011 par lequel le préfet du Morbihan a déclaré d'utilité publique cette opération ne peut en conséquence qu'être annulé ;

En ce qui concerne l'arrêté de cessibilité :

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'arrêté de cessibilité pris le 25 janvier 2012 par le préfet du Morbihan en vue de permettre la cession, au besoin par voie d'expropriation, des parcelles nécessaires à la réalisation de l'opération visée par l'arrêté portant déclaration d'utilité publique du 31 août 2011 est dépourvu de base légale ; qu'il ne peut en conséquence qu'être annulé ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme D...F...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et Mme D...F..., qui n'ont pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme que demande la commune de Plouay au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Plouay le versement à M. et Mme D...F...d'une somme de 2 000 euros au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : Sont annulés, d'une part, l'arrêté en date du 31 août 2011 par lequel le préfet du Morbihan a déclaré d'utilité publique le projet d'extension de la voie de desserte " rue de la Justice " sur le territoire de la commune de Plouay et, d'autre part, l'arrêté du 25 janvier 2012 par lequel le préfet du Morbihan a déclaré cessible au profit de la commune de Plouay la parcelle cadastrée section AD n° 364 appartenant à M. et Mme D...F....

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 10 janvier 2014 est annulé.

Article 3 : La commune de Plouay versera à M. et Mme D...F...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...D...F..., au ministre de l'intérieur et à la commune de Plouay.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juin 2015.

Le rapporteur,

J. FRANCFORTLe président,

H. LENOIR

Le greffier,

F. PERSEHAYE

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N° 14NT00575


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT00575
Date de la décision : 12/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Jérôme FRANCFORT
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : CABINET COUDRAY CONSEIL et CONTENTIEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-06-12;14nt00575 ?
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