Vu la requête, enregistrée le 11 février 2014, présentée pour la société Holcim (France) dont le siège social est situé 49 avenue Georges Pompidou à Levallois-Perret (92300), venant aux droits de la société Atlantique Négoce, représentée par Me A... ; la société Holcim (France) demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement nos 1205075 - 1305064 du 12 décembre 2013 en tant que le tribunal administratif de Nantes, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à concurrence de la somme de 229 660 euros, a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés, de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés et de contributions sociales auxquels la société Atlantique Négoce a été assujettie, en droits et pénalités, au titre des années 2007 à 2009 ;
2°) de prononcer la décharge de ces suppléments d'imposition ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, elle a justifié de l'existence de contreparties au taux de remise pratiqué en faisant état de la nature particulière de ses relations commerciales avec la société Béton de l'Atlantique et des difficultés économiques rencontrées par cette dernière ;
- en s'abstenant de se prononcer sur la valeur de ces contreparties le tribunal a insuffisamment motivé son jugement ; il a renversé la charge de la preuve ;
- il a estimé à tort que la conclusion d'un contrat d'approvisionnement exclusif ne justifie pas à lui seul l'importance des remises consenties et que la pratique d'un taux de remise de 8 % au seul profit de la société Béton de l'Atlantique caractérise l'existence d'un acte anormal de gestion ;
- en constituant un stock tampon, en acceptant des ciments de qualité variable et en se portant acquéreur en fin de mois, cette société, qui est son principal client, contracte à des conditions justifiant un taux de remise de 8 % ;
- au cours des trois années vérifiées, elle a été l'un des quatre principaux clients de la société Atlantique Négoce et la baisse de la part du chiffre d'affaires qu'elle représente pour cette société s'inscrit dans le cadre d'une baisse plus générale du chiffre d'affaires ; l'ancienneté de la relation commerciale doit également être prise en compte ;
- en relevant que la pratique de prix préférentiels ne relève d'une gestion commerciale normale que s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages l'entreprise a agi dans son intérêt tout en refusant de se prononcer sur l'étroitesse et l'importance des liens commerciaux invoqués, le tribunal a entaché son jugement d'une contrariété de motifs ;
- le taux de remise pratiqué est justifié par les difficultés économiques rencontrées par la société Béton de l'Atlantique, caractérisées par un résultat déficitaire en 2009 et invoquées sur le terrain de la doctrine 4 A-2162 du 9 mars 2001 n° 11 et suivants ;
- la politique de remises contestée a été maintenue après le changement d'actionnaire intervenu en 2010 ; l'administration a arbitrairement admis en cours d'instance que le taux normal de remise peut aller jusqu'à 4 % ;
- le taux de remise appliqué n'étant pas anormal, les conditions d'application de la majoration pour manquement délibéré ne sont pas remplies ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 septembre 2014, présenté par le ministre des finances et des comptes publics qui conclut au rejet de la requête ;
il soutient que :
- la comparaison du taux de remise accordé à la société Béton de l'Atlantique par rapport à son chiffre d'affaires avec les taux de remise appliqués aux autres clients de la société requérante comparés à leurs chiffres d'affaires ne permet pas de le regarder comme justifié ; le chiffre d'affaires réalisé avec la société Béton de l'Atlantique a baissé de 27 % entre 2007 et 2009 et n'est pas le chiffre d'affaires le plus important réalisé avec un client ;
- le service a tenu compte du prix variable du ciment ; les prix facturés à cette société ne sont pas toujours plus élevés que ceux pratiqués à l'égard d'autres clients ; le contrat d'approvisionnement exclusif ne concerne pas seulement la société Béton de l'Atlantique mais également d'autres sociétés dont le taux de remise est limité à 4 % ou 3 % ; les règles de commande à laquelle la société Béton de l'Atlantique s'astreint ne lui sont pas imposées par le contrat ;
- le maintien du taux de remise de 8 % après la reprise de la société Atlantique Négoce par la société requérante en 2010, qui est postérieur aux années vérifiées, n'est pas utilement invoqué ; au demeurant, il appelle les mêmes critiques ;
- le taux de remise de 8 % ayant été stipulé dès la conclusion de la convention d'approvisionnement exclusif en 2003, son application ne peut être justifiée par l'ancienneté des relations commerciales ;
- la baisse de son chiffre d'affaires constatée en 2009 n'est pas contemporaine de celle du chiffre d'affaires de la société Béton de l'Atlantique, amorcée en 2006 ; il n'est pas établi que les difficultés économiques rencontrées par cette dernière étaient de nature à compromettre sa propre activité ;
- la doctrine 4 A-2162 du 9 mars 2001 ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale ;
- l'application de la pénalité pour manquement délibéré est fondée, la société requérante ne pouvant ignorer que le taux de remise consenti constitue un avantage dont la nature et l'importance ne sont pas justifiées par des contreparties réelles et suffisantes pour son exploitation ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 13 février 2015, présenté pour la société Holcim (France) qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et ajoute que :
- les règles de commande auxquelles s'astreint la société Béton de l'Atlantique justifient un taux de remise de 8 % alors même qu'elles ne lui ont pas été contractuellement imposées ;
- les prix facturés à cette société sont plus élevés que ceux pratiqués avec d'autres clients ;
- le taux de remise accordé à deux des principaux clients n'a pas diminué en dépit d'une baisse de l'ordre de 30 % du chiffre d'affaires qu'ils génèrent ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 mai 2015 :
- le rapport de Mme Aubert, président-assesseur ;
- les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public ;
- et les observations de Me A...pour la société Holcim (France) ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 5 juin 2015, présentée pour la société Holcim (France) ;
1. Considérant que la société Holcim (France), venant aux droits de la société par actions simplifiée (SAS) Atlantique Négoce à la suite d'une opération de fusion-absorption, relève appel du jugement du 12 décembre 2013 en tant que le tribunal administratif de Nantes, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à concurrence de la somme de 229 660 euros, a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur les sociétés, de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés et de contributions sociales auxquels la société Atlantique Négoce a été assujettie au titre des années 2007 à 2009 résultant de la réduction de 8 % à 4 % du taux de remise accordé par cette société à l'un de ses clients dans le cadre de la vente de béton en gros ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
2. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ; que la pratique de prix de vente préférentiels ne relève pas, en règle générale, d'une gestion commerciale anormale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages l'entreprise a agi dans son propre intérêt ; que s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'une pratique de prix de vente préférentiels constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties ;
3. Considérant que, contrairement à ce que soutient la société requérante, la société Béton de l'Atlantique n'a pas été le principal client de la SAS Atlantique Négoce au cours des exercices clos en 2007, 2008 et 2009 ; qu'en outre, d'autres clients avec lesquels cette société a réalisé un chiffre d'affaires comparable à celui réalisé avec la société Béton de l'Atlantique n'ont bénéficié d'aucune remise ou en ont bénéficié aux taux de 4 % ou de 1 % seulement ; que l'importance du taux de remise accordé à la société Béton de l'Atlantique ne peut être justifiée par le contrat d'approvisionnement exclusif que cette société avait conclu en 2003, un tel contrat ayant également été conclu avec d'autres clients qui n'ont pas bénéficié du taux de remise de 8 % mais de taux de remise de 4 % ou de 3 % seulement ; qu'il n'est pas davantage établi, d'une part, qu'il s'agit d'un taux de remise couramment pratiqué sur le marché de la vente de béton en vrac, d'autre part, qu'il aurait eu pour contrepartie des conditions d'achat du béton telles que la constitution d'un stock, l'acceptation de ciments de qualité variable et l'absence d'utilisation du délai de paiement de deux mois, particulièrement favorables au vendeur, que la société Béton de l'Atlantique aurait seule acceptées ni, enfin, que cette dernière achète le béton à un prix plus élevé que les autres clients de la SAS Atlantique Négoce ; qu'enfin, il ne résulte pas de l'instruction que la pratique d'un taux de remise de 8 % depuis 2005 au moins avait pour finalité d'anticiper les difficultés économiques rencontrées par la société Béton de l'Atlantique, dont le résultat a été déficitaire en 2009, ces difficultés s'étant au demeurant manifestées dans un contexte de baisse générale du chiffre d'affaires de la société SAS Atlantique Négoce ; que, l'existence de contreparties justifiant la pratique d'un taux de remise de 8 % n'étant pas établie par la société requérante, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que ce taux de remise, dans la mesure où il représente le double du taux maximum de remise consenti aux autres clients, constitue un acte anormal de gestion ;
4. Considérant que la société Holcim (France) n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations de la documentation administrative 4-A-2162 du 21 mars 2011 n° 11 et suivants, qui ne comporte pas une interprétation différente de la loi fiscale de celle dont il est fait application ;
Sur l'application de la majoration prévue par l'article 1729 du code général des impôts :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) " ;
6. Considérant que, pour appliquer la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts, le vérificateur s'est fondé sur le fait qu'en comptabilisant des remises injustifiées au profit d'un tiers, la SAS Atlantique Négoce ne pouvait ignorer qu'elle commettait un acte anormal de gestion à son détriment et qu'elle agissait ainsi en infraction avec la législation fiscale ; qu'eu égard à leur répétition et à l'importance des minorations de recettes constatées, de tels agissements constituent un manquement délibéré au sens de l'article 1729 du code général des impôts ; que la société requérante n'en conteste pas utilement la nature en se prévalant du maintien du taux de remise pratiqué au profit de la société Béton de l'Atlantique après un changement d'actionnaire intervenu en 2010 ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Holcim (France) n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé et n'est pas entaché de contradiction de motifs, le tribunal administratif de Nantes a rejeté le surplus de sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la société Holcim (France) de la somme qu'elle demande à ce titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Holcim (France) est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Holcim (France) et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 21 mai 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- M. Etienvre, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 juin 2015.
Le rapporteur,
S. AUBERT Le président,
F. BATAILLE
Le greffier,
C. CROIGER
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT00343 2
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