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04/06/2015 | FRANCE | N°14NT00931

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 04 juin 2015, 14NT00931


Vu la requête, enregistrée le 9 avril 2014, présentée par le préfet d'Ille-et-Vilaine ; le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1304531 du 12 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 12 juin 2013 refusant de délivrer un titre de séjour à M. D...B...et l'obligeant à quitter le territoire français à destination de la République démocratique du Congo, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours et

a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil ;

2°...

Vu la requête, enregistrée le 9 avril 2014, présentée par le préfet d'Ille-et-Vilaine ; le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1304531 du 12 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 12 juin 2013 refusant de délivrer un titre de séjour à M. D...B...et l'obligeant à quitter le territoire français à destination de la République démocratique du Congo, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Rennes ;

il soutient que :

- le jugement attaqué a été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire dans la mesure où il n'a pas été destinataire de la note en délibéré du 20 février 2014 produite par le conseil de M.B... ;

- les premiers juges, qui ne pouvaient tenir compte d'un certificat médical postérieur à l'arrêté contesté, ont entaché leur jugement d'une erreur de fait ;

- un traitement équivalent à celui prescrit à M. B...est disponible dans son pays d'origine ;

- le lien de causalité entre les troubles psychologiques dont souffre M. B...et son pays d'origine ne présente aucun caractère certain dès lors que le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ont estimé que l'intéressé n'établissait pas la réalité des craintes et persécutions qu'il invoquait ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 mai 2015, présenté pour M. B..., par Me Le Strat, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 800 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- il s'en remet à la sagesse de la cour quant à la communication de la note en délibéré qu'il a produite le 21 février 2014 mais souligne qu'une nouvelle audience s'est tenue le 5 mars 2014 et qu'aucun écrit n'a été produit par le préfet jusqu'à cette date ;

- si l'aggravation de son état de santé est postérieure à l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, la modification de son traitement était antérieure à l'arrêté contesté ;

- l'autorité préfectorale n'établit pas qu'il existerait un traitement approprié à son état de santé ou équivalent à celui qui lui est prescrit en République démocratique du Congo ;

- à titre subsidiaire, l'arrêté contesté est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- cet arrêté est contraire aux dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où il réside en France depuis 2011 et a été rejoint par deux de ses enfants qui sont scolarisés, est parfaitement intégré à la société française et dispose d'une promesse d'embauche ;

- l'arrêté contesté est contraire aux dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant son pays de renvoi révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle et est contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où il a été témoin d'un meurtre dont on l'a accusé dans son pays ;

Vu la décision du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 25 août 2014 admettant M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de cette instance et désignant Me Le Strat pour le représenter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mai 2015 :

- le rapport de Mme Gélard, premier conseiller,

- et les observations de MeA..., substituant Me Le Strat, avocat de M.B... ;

1. Considérant que le préfet d'Ille-et-Vilaine relève appel du jugement du 12 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 12 juin 2013 refusant de délivrer un titre de séjour à M. B...et l'obligeant à quitter le territoire français à destination de la République démocratique du Congo ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ;

2. Considérant que, dans son dernier avis émis le 10 mai 2012, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de M. B...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il pouvait néanmoins bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que si M. B... produit plusieurs certificats médicaux établis par le docteur Audic, médecin psychiatre qui le suit depuis le 3 avril 2012, ces documents présentent un caractère stéréotypé qui ne permet pas de les regarder comme suffisants pour contredire l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé ; qu'en particulier les indications portées dans le certificat médical du 20 février 2014, qui est postérieur à l'arrêté litigieux, ne permettent de regarder pour établies ni la dégradation ni l'absence de stabilisation de l'état de santé de M.B..., ni surtout que les médicaments qui semblent prescrits à l'intéressé, ou des molécules équivalentes permettant la même interactivité, ne seraient pas disponibles en République démocratique du Congo, alors que les documents produits par le préfet démontrent le contraire ; que, par suite, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé l'arrêté litigieux au motif qu'il était contraire aux dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B...devant le tribunal administratif de Rennes et devant la cour ;

4. Considérant que, contrairement à ce que soutient M.B..., l'arrêté contesté, qui comporte les considérations de droit et fait sur lesquelles le préfet d'Ille-et-Vilaine s'est fondé, est suffisamment motivé ;

5. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet d'Ille-et-Vilaine n'aurait pas procédé à examen suffisant de la situation personnelle de l'intéressé, notamment au regard des risques invoqués en cas de retour dans son pays d'origine ;

6. Considérant que M. B...est entré irrégulièrement sur le territoire français au cours du mois d'avril 2011 ; que si l'intéressé soutient qu'il a été rejoint par deux de ses enfants qui sont scolarisés en France, il n'est pas contesté que ces derniers sont entrés en France sans visa " mineurs scolarisés ", que M. B...n'a effectué aucune démarche à leur profit au titre du regroupement familial et qu'il est le père d'un autre enfant mineur resté en République démocratique du Congo ; que la seule promesse d'embauche produite par M.B..., au demeurant valable jusqu'au 31 décembre 2012, ne suffit pas à justifier de son intégration à la société française ; que dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, en refusant de délivrer un titre de séjour à M.B..., et en assortissant cette décision d'une obligation de quitter le territoire français, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'a méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'enfin, eu égard à ce qui a été dit ci-dessus, il n'a pas non plus méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle de l'intéressé ;

7. Considérant qu'eu égard à ce qui vient d'être dit, et en l'absence de tout élément probant de nature à établir une circonstance humanitaire ou un motif exceptionnel au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. B...n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté serait contraire à ces dispositions ;

8. Considérant que la demande d'asile présentée le 2 août 2011 par M. B...a été rejetée par le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 30 mars 2012 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 27 septembre 2012 ; que l'intéressé n'apporte aucun autre justificatif de nature à établir la réalité des risques qu'il invoque en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet, qui ne s'est pas estimé en situation de compétence liée, aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet d'Ille-et-Vilaine est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 12 juin 2013 refusant de délivrer un titre de séjour à M. B...et l'obligeant à quitter le territoire français à destination de la République démocratique du Congo et lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1304531 du tribunal administratif de Rennes du 12 mars 2014 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée devant le tribunal administratif de Rennes par M. B...ainsi que les conclusions présentées par lui en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D... B....

Une copie sera adressée au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 13 mai 2015, où siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Specht, premier conseiller,

- Mme Gélard, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 4 juin 2015.

Le rapporteur,

V. GÉLARDLe président,

I. PERROT

Le greffier,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT00931


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT00931
Date de la décision : 04/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : LE STRAT

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-06-04;14nt00931 ?
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