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02/06/2015 | FRANCE | N°14NT03096

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 02 juin 2015, 14NT03096


Vu la requête, enregistrée le 5 décembre 2014, présentée pour Mme B...A..., demeurant..., par MeC... ; Mme A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1402621 du 6 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet d'Indre-et-Loire du 11 mars 2014 portant refus de délivrance d'un certificat de résidence, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivre

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Vu la requête, enregistrée le 5 décembre 2014, présentée pour Mme B...A..., demeurant..., par MeC... ; Mme A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1402621 du 6 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet d'Indre-et-Loire du 11 mars 2014 portant refus de délivrance d'un certificat de résidence, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C...de la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

elle soutient que :

- l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance de la chose jugée dès lors qu'il reprend les mêmes motifs que ceux de l'arrêté du 22 janvier 2013 annulé par jugement du 13 février 2014 du tribunal administratif d'Orléans ;

- le caractère sérieux de ses études est avéré ; elle a été dans l'impossibilité de produire une attestation au mois de février 2014 mais a pu s'inscrire au lycée Henri Becquerel de Tours pour une formation d'agent de restauration pour l'année scolaire 2014/2015 ;

- elle n'est pas dépourvue de moyens d'existence dans la mesure où son oncle et sa tante la prennent financièrement en charge ; sa tante ne fait d'ailleurs pas l'objet d'une mesure d'expulsion de son logement ;

- l'arrêté en litige méconnait les stipulations du titre III du protocole annexé à l'accord franco-algérien du 27 décembre 2008 ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 2008 dès lors que ces centres d'intérêts sont désormais en France où elle vit depuis neuf années ; son oncle et sa tante bénéficiaient à son égard d'un acte de kafala ; elle justifie d'une bonne intégration ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire, de même que celles fixant le pays de destination méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 6-5° l'accord franco-algérien du 27 décembre 2008 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 février 2015, présenté par le préfet d'Indre-et-Loire, qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- la requête d'appel de Mme A...est irrecevable dès lors qu'elle se borne à reprendre les mêmes moyens qu'en première instance ;

- il n'a pas méconnu l'autorité de chose jugée ; le jugement du 13 février 2014 du tribunal administratif d'Orléans lui enjoignait seulement de procéder à un réexamen de la situation de MmeA... ;

- l'inscription dont se prévaut la requérante est postérieure à l'arrêté contesté ;

- Mme A...ne remplit pas les conditions posées par le titre III du protocole annexé à l'accord franco-algérien du 27 décembre 2008 dès lors qu'elle ne justifie d'aucune inscription ou préinscription dans un établissement d'enseignement ni de moyens d'existence suffisants ;

- les ressources financières de l'oncle et la tante de l'intéressée sont inférieures au SMIC mensuel ;

- son arrêté n'est pas contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni à celles de l'article 6-5 l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

Vu la décision du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes du 18 février 2015 admettant Mme A...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 2015 :

- le rapport de M. Auger, premier conseiller ;

- les observations de Me C...pour MmeA... ;

1. Considérant que MmeA..., ressortissante algérienne née le 1er décembre 1992, est entrée en France en août 2005 ; qu'elle a sollicité le 2 novembre 2010 la délivrance d'un certificat de résidence mention " étudiant " auprès du préfet d'Indre-et-Loire, lequel lui a délivré une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'au 15 juillet 2011 ; que, par arrêté du 22 janvier 2013 annulé par un jugement du 13 février 2014 du tribunal administratif d'Orléans, le préfet d'Indre-et-Loire lui a refusé l'admission au séjour avec obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination ; que, par la requête susvisée, elle relève appel du jugement du 6 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet d'Indre-et-Loire du 11 mars 2014 refusant de lui délivrer un certificat de résidence mention " étudiant " et l'obligeant à quitter le territoire français en fixant l'Algérie comme pays de destination ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet d'Indre-et-Loire :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. " ;

3. Considérant que Mme A...a présenté, dans le délai de recours, devant la cour, un mémoire d'appel qui ne constituait pas la seule reproduction littérale de son mémoire de première instance et énonçait à nouveau, de manière précise, les critiques adressées tant à la décision dont elle a demandé l'annulation au tribunal administratif qu'au jugement attaqué ; qu'une telle motivation répond aux conditions posées par les dispositions précitées de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée par le préfet d'Indre-et-Loire tirée du défaut de motivation de la requête de Mme A...doit être écartée ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " I. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / (...) " ; qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A...est entrée en France à l'âge de douze ans et huit mois ; qu'elle a été prise en charge par sa tante, titulaire d'une carte de résident valable dix ans, en vertu d'un acte de kafala du 20 août 2005 dont l'exequatur a été prononcée par jugement du 26 mars 2010 du tribunal de grande instance de Tours ; qu'elle a suivi une scolarité régulière dans deux collèges entre 2005 et 2009 et intégré un lycée professionnel de 2009 à 2011 en vue de l'obtention d'un CAP d'agent de restauration ; qu'il ressort d'une attestation d'une conseillère en insertion de la mission locale de Touraine qu'elle a bénéficié d'un accompagnement régulier à compter du 31 janvier 2013 en termes de recherche d'emploi et projet professionnel concrétisé par une réinscription dans le même lycée pour obtenir un diplôme qualifiant dans le secteur de la restauration ; que, compte tenu de son jeune âge lors de son entrée en France, de l'ancienneté et de la stabilité des liens personnels ainsi tissés, ses principales attaches familiales se trouvent désormais en France où elle vécu près de la moitié de son existence, alors que les liens avec son pays d'origine se sont nécessairement distendus ; qu'en outre, l'intéressée justifie d'un projet professionnel cohérent démontrant ainsi ses efforts d'intégration ; que, dans les circonstances de l'espèce, Mme A...est fondée à soutenir que le refus de délivrance d'un certificat de résidence a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis et a méconnu les stipulations précitées ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

7. Considérant qu'eu égard aux motifs de l'annulation prononcée, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet délivre à la requérante un certificat de résidence d'un an au titre de la vie privée et familiale ; qu'il y a lieu d'ordonner une telle mesure dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin de prononcer d'astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante en la présente instance, le versement au conseil de Mme A...de la somme de 1 500 euros demandée au titre de ces dispositions, sous réserve de la renonciation de ce dernier à percevoir le montant de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 6 novembre 2014 et l'arrêté du préfet d'Indre-et-Loire du 11 mars 2014 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet d'Indre-et-Loire de délivrer à Mme A... un certificat de résidence au titre de la vue privée et familiale dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à l'avocat de Mme A..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation de ce dernier à percevoir le montant de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet d'Indre-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- M. Auger, premier conseiller,

Lu en audience publique le 2 juin 2015.

Le rapporteur,

P. AUGERLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

N. CORRAZE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT03096


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT03096
Date de la décision : 02/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Paul AUGER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : ROUILLE-MIRZA

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-06-02;14nt03096 ?
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