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02/06/2015 | FRANCE | N°14NT00253

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 02 juin 2015, 14NT00253


Vu la requête, enregistrée le 30 janvier 2014, pour le centre hospitalier de Saint-Amand-Montrond, représenté par son directeur en exercice, dont le siège est sis BP 180 à Saint-Amand-Montrond (18206), par MeD... ; le centre hospitalier de Saint-Amand-Montrond demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301573 du 26 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision du 7 mai 2013 du directeur prononçant à l'encontre de M. A... la sanction d'exclusion temporaire des fonctions d'une durée de trois mois ;

2°) de rejeter la demande

présentée par M. A... devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre ...

Vu la requête, enregistrée le 30 janvier 2014, pour le centre hospitalier de Saint-Amand-Montrond, représenté par son directeur en exercice, dont le siège est sis BP 180 à Saint-Amand-Montrond (18206), par MeD... ; le centre hospitalier de Saint-Amand-Montrond demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301573 du 26 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision du 7 mai 2013 du directeur prononçant à l'encontre de M. A... la sanction d'exclusion temporaire des fonctions d'une durée de trois mois ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de ce dernier le paiement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- le tribunal a dénaturé les faits portés à sa connaissance ;

- le caractère avéré du défaut de respect d'une prescription médicale ressort des pièces du dossier ; ce manquement, y compris, en présence d'un médecin, constitue une faute professionnelle même si celui-ci n'a pas rédigé ultérieurement une fiche d'incident ; la circonstance que la prescription médicale ait été orale n'est pas de nature à exonérer M. A...de tout comportement fautif ; le jugement attaqué est entaché de contradiction de motifs dès lors que le tribunal a estimé que la matérialité de cet incident n'est pas établie s'agissant du non-respect d'une prescription hors du contrôle du médecin ;

- la sanction d'exclusion temporaire de fonctions de trois mois est proportionnée au vu de l'ensemble des agissements de M.A... ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que M. A...n'avait pas méconnu le 1er mars 2012 les règles d'usage en termes de position d'un véhicule type SMUR par rapport à celui des pompiers ; la lettre du directeur de l'offre sanitaire de l'agence régionale de santé du Centre du 9 octobre 2012 indique que les bonnes pratiques incitent à ce que le véhicule type SMUR soit en arrière ; ce dispositif est en usage au centre hospitalier de Bourges ; M. A...avait connaissance de cette consigne donnée à l'ensemble des infirmiers-anesthésistes du centre hospitalier ; M. A...ne peut se prévaloir des pratiques existant aux centres hospitaliers de Gien et Blois ;

- M. A...a commis une faute professionnelle en prenant son service au SMUR le 19 mai 2012 avec 17 minutes de retard dès lors que ce départ en intervention était prioritaire par rapport aux autres tâches y compris sa présence en salle de déchoquage ; l'activité du centre hospitalier nécessite un exercice en temps partagé de M. A...entre deux services ; le retard de 17 minutes est établi par les pièces du dossier ; les premiers juges ont insuffisamment motivé leur jugement dans la mesure où il n'est pas possible de déterminer si le tribunal a estimé que les faits n'étaient pas matériellement établis où s'ils n'étaient pas de nature à justifier une sanction disciplinaire ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré que le fait d'avoir roulé avec le véhicule SMUR le 19 juin 2012 devant une ambulance sans rester à vue n'était pas de nature à justifier une sanction disciplinaire ; ces faits sont établis par les pièces du dossier ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 juillet 2014, présenté pour M. A..., qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- le conseil de discipline a manqué d'impartialité dès lors que la directrice des soins y a participé ;

- la vice-présidente du conseil de discipline ne pouvait régulièrement le présider, les dispositions de l'article R. 6143-6 du code de la santé publique ne lui permettant de le faire qu'en cas de vacance des fonctions du président ;

- la présence continue du directeur a entaché d'illégalité l'avis du conseil de discipline ;

- les pièces du dossier ne permettent pas d'établir la matérialité de l'incident du 8 septembre 2011 concernant l'absence de respect d'une prescription médicale ; le médecin prescripteur n'a pas rédigé de fiche d'événement indésirable ; sa seule attestation tardive est insuffisante pour établir la réalité de l'incident ;

- s'agissant de l'incident du 1er mars 2012, il conteste avoir reçu une quelconque consigne en ce qui concerne la place du véhicule SMUR par rapport à celui des pompiers ; aucun protocole n'avait été mis en place en ce sens au centre hospitalier si ce n'est une note de service du 25 octobre 2012 postérieure aux faits reprochés ; aucune disposition n'impose un tel dispositif ; les pratiques divergent selon les établissements ;

- sur le départ du 19 mai 2012, le centre hospitalier ne produit pas la fiche d'appel permettant de déterminer le manque de célérité à répondre à l'intervention en SMUR ; le temps écoulé entre l'enregistrement de l'appel à 13 heures et l'arrivée sur les lieux à 13 heures et vingt-neuf minutes ne permet pas de démontrer le retard qui lui est reproché ; le médecin du SMUR n'a signalé aucun retard et n'a pas rempli de fiche d'événements indésirables de même que le médecin généraliste à l'origine de la demande d'intervention ; le délai de latence de deux à trois minutes désormais imposé par note du 25 octobre 2012 n'était pas applicable au moment des faits ;

- l'heure de départ annoncée par appel radio sur laquelle s'appuie le centre hospitalier pour établir le retard invoqué ne correspond pas à celle du départ réel ; le temps de trajet de 23 minutes retenu par M. A...n'est pas aberrant ; l'attestation selon laquelle, il aurait mis 10 à 15 minutes pour perfuser une patiente avant de se rendre au SMUR n'est pas probante et il était tenu de terminer un soin commencé ;

- la matérialité de l'incident du 19 juin 2012 n'est pas démontrée ; l'appel téléphonique passée entre une ambulance et le véhicule SMUR est insuffisamment probant ; aucune règle n'a été édictée par le centre hospitalier en ce qui concerne la nécessité de rester à vue ;

Vu le courrier en date du 13 février 2015 adressé aux parties en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative ;

Vu l'ordonnance en date du 16 mars 2015 portant clôture immédiate de l'instruction en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée ;

Vu le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires de la fonction publique hospitalière ;

Vu l'arrêté du 17 janvier 2002 relatif à la formation conduisant au diplôme d'Etat d'infirmier anesthésiste ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 2015 :

- le rapport de M. Auger, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

- les observations de Me B...pour le centre hospitalier de Saint-Amand-Montrond ;

- et les observations de Me F...pour M.A... ;

1. Considérant que le centre hospitalier de Saint-Amand-Montrond relève appel du jugement du 26 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision du 7 mai 2013 du directeur prononçant à l'encontre de M. A..., infirmier anesthésiste diplômé d'Etat (IADE), la sanction d'exclusion temporaire des fonctions pour une durée de trois mois aux motifs du non respect d'une prescription médicale le 8 septembre 2011, d'un retard pour une intervention SMUR le 19 mai 2012 et d'avoir méconnu les règles internes de conduite de véhicules de type SMUR les 1er mars et 19 juin 2012 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que, s'agissant du retard allégué pour l'intervention SMUR du 19 mai 2012, le tribunal qui a estimé que ces faits ne sont pas de nature à être regardés comme fautifs a suffisamment motivé son jugement ; qu'en ce qui concerne le non respect d'une prescription médicale, il a pu estimer que l'ensemble des éléments n'était pas de nature à établir sa matérialité en dehors de tout contrôle médical sans pour autant entacher le jugement attaqué d'une contradiction de motifs ;

Sur la légalité de la décision du 7 mai 2013 :

3. Considérant que le moyen tiré de la dénaturation des faits et des moyens ne relève pas de l'office du juge d'appel mais du contrôle de cassation, et ne peut dès lors qu'être écarté ; qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ;

4. Considérant que le centre hospitalier a reproché à M. A...de ne pas avoir respecté les consignes internes en ce qui concerne l'obligation de rouler à vue et constamment en arrière d'un autre véhicule sanitaire lors de sorties SMUR ; qu'il se borne toutefois à se prévaloir d'un courrier de l'agence régionale de santé du Centre qui confirme l'absence de réglementation précise sur ce point en se référant simplement aux seules bonnes pratiques et à l'usage, lesquels, au vu des pièces du dossier, divergent selon les établissements de santé ; qu'il ne peut davantage se prévaloir de la note de service du 25 octobre 2012 postérieure aux faits ; que, dans ces conditions, le comportement de M. A...ne peut être regardé comme fautif dès lors que le centre hospitalier n'apporte pas la preuve qui lui incombe que l'intéressé aurait méconnu les procédures et règles effectivement en vigueur au moment des faits ;

5. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 4312-30 du code de la santé publique : " Dès qu'il a accepté d'effectuer des soins, l'infirmier ou l'infirmière est tenu d'en assurer la continuité, sous réserve des dispositions de l'article R. 4312-41. " ; qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de l'attestation du 5 septembre 2012 d'un infirmier du service des urgences, que celui-ci a appelé M. A...pour la prise en charge d'une patiente difficile à perfuser et que ce dernier a repris ce soin ; que M. A...a continué à essayer de réaliser la perfusion, ce qu'il n'a pu réussir qu'au bout d'un temps assez long, alors que son geste infirmier avait commencé au moment de l'appel pour intervention et qu'il l'a continué lorsque le médecin urgentiste est venu le chercher dans le service ; qu'ainsi, au vu des dispositions précitées et nonobstant la circonstance que la fiche de poste des IADE au centre hospitalier de Saint-Amand-Montrond mentionne que " l'activité SMUR ne subit aucune dérogation ", le retard allégué pour une intervention d'urgence, à le supposer établi, ne revêt pas un caractère fautif ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article R. 4311-7 du code de la santé publique : " L'infirmier ou l'infirmière est habilité à pratiquer les actes suivants soit en application d'une prescription médicale qui, sauf urgence, est écrite, qualitative et quantitative, datée et signée, soit en application d'un protocole écrit, qualitatif et quantitatif, préalablement établi, daté et signé par un médecin : 1° Scarifications, injections et perfusions (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 4312-29 du même code : " L'infirmier ou l'infirmière applique et respecte la prescription médicale écrite, datée et signée par le médecin prescripteur, ainsi que les protocoles thérapeutiques et de soins d'urgence que celui-ci a déterminés (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'attestation du 10 septembre 2012 du DrC..., médecin urgentiste, que M.A..., le 8 septembre 2011, a dépassé sa prescription de 5 microgrammes par heure de Sufenta, un dérivé morphinique, tout en restant dans les doses thérapeutiques ; que la méconnaissance des dispositions précitées doit être regardée comme établie s'agissant d'une intervention SMUR en urgence ne nécessitant pas de prescription écrite ; qu'il est toutefois constant que cet incident n'a été porté à connaissance de la direction qu'un an après les faits alors qu'il n'avait fait l'objet d'aucun signalement antérieur ; que, dans son attestation, le médecin se borne à indiquer, sans aucune autre précision, que " le patient n'a pas supporté la dose de produit " en ne précisant pas en quoi ce dépassement pouvait être dangereux ni ses conséquences pour le patient alors surtout que l'injection restait dans les limites thérapeutiques ; qu'enfin le médecin y précise qu'il a procédé à une mise au point avec l'intéressé en ce qui concerne cet incident, lequel est resté isolé ; que dans les circonstances de l'espèce, au regard de ce seul fait fautif établi, le directeur du centre hospitalier a donc pris une sanction disproportionnée en prononçant une exclusion temporaire de fonctions d'une durée de trois mois ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier de Saint-Amand-Montrond n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision du directeur du 7 mai 2013 prononçant la sanction susmentionnée ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée par l'hôpital de Saint-Amand-Montrond au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du centre hospitalier de Saint-Amand-Montrond la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du centre hospitalier de Saint-Amand-Montrond est rejetée.

Article 2 : Le centre hospitalier de Saint-Amand-Montrond versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Saint-Amand-Montrond et à M. E... A....

Délibéré après l'audience du 12 mai 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- M. Auger, premier conseiller,

Lu en audience publique le 3 juin 2015.

Le rapporteur,

P. AUGERLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

N. CORRAZE

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT00253


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT00253
Date de la décision : 02/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Paul AUGER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SCP SOREL et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-06-02;14nt00253 ?
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