Vu la requête, enregistrée le 2 juin 2014, présentée pour M. B... A..., demeurant..., Me Grojean Vigouroux, avocat ; M. A...demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1200572 du 21 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 24 octobre 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a rejeté sa demande de naturalisation ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir cette décision ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient que :
- la décision contestée est entachée d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il a établi durablement sa résidence en France, qu'il y a fixé le centre de ses intérêts matériels, qu'il dispose de revenus suffisants et stables, qu'il parle français, que ses attaches familiales et personnelles sont en France où il vit avec son épouse et leur enfant, qu'il est parfaitement intégré, que la décision contestée était fondée sur la résidence à l'étranger de son épouse et non sur sa situation irrégulière sur le territoire français, qu'à la date de cette décision, son épouse résidait en France depuis février 2011, qu'elle avait disposé d'un visa " affaire " pour entrer en France et s'y est maintenue pour lui porter assistance après un accident, qu'à la date de dépôt de sa demande de naturalisation, en 2010, il n'était pas marié, que l'adresse mentionnée sur le passeport de son épouse n'était pas celle de sa résidence, que son épouse est entrée en France sous couvert d'un visa Schengen, que, bénéficiant d'autorisations provisoires de séjour renouvelées, elle est en situation régulière et est en droit de bénéficier d'une admission définitive au séjour, et qu'elle souhaite vivre en France ;
- le ministre aurait dû ajourner et non rejeter sa demande ;
Vu le jugement attaqué et la décision contestée ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2014, présenté par le ministre de l'intérieur qui conclut au rejet de la requête et demande que soit mis à la charge de M. A...une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il fait valoir que :
- la décision contestée n'est entachée ni d'erreur de fait ni d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que le requérant a indiqué lui-même dans son recours gracieux que son épouse résidait à l'étranger, que les autorisations provisoires de séjour dont l'épouse du requérant bénéficie mentionnent qu'elle est entrée en France le 6 juin 2012, et que le requérant admet ne pas avoir sollicité de visa pour famille rejoignante en raison de sa durée d'obtention ;
- la décision contestée peut également être motivée, par voie de substitution, par le défaut de moralité du requérant qui a fait de fausses déclarations et a aidé au séjour irrégulier de son épouse en méconnaissance de la législation relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France ;
Vu le mémoire, enregistré le 28 avril 2015, présenté pour M. A...qui maintient ses conclusions par les mêmes moyens ;
il soutient en outre que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le tribunal administratif, en retenant le fait que son épouse était en situation irrégulière sur le sol français, motif qui ne fondait pas la décision contestée, a procédé d'office à une substitution de motifs non demandée par le ministre ;
- l'administration connaissait la présence en France de son épouse dès lors que, si sa première déclaration de changement de situation n'est jamais parvenue à la préfecture, il a fait une nouvelle déclaration le 14 mai 2011 ;
- la demande de substitution de motif doit être rejetée dès lors que la circulaire du 21 juin 2013 relative à la procédure d'accès à la nationalité française prévoit qu'en application de l'article L. 622-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les situations dans lesquelles a pu être constatée de la part du postulant une aide au séjour irrégulier entrant dans les cas d'exonération définis à cet article ne doivent plus être sanctionnées par une décision défavorable ;
- la décision contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que Mme A...est entrée régulièrement en France le 15 février 2011, qu'elle y est restée afin de lui porter assistance, qu'elle bénéficie d'autorisations provisoires de séjour renouvelées et est en droit de se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, eu égard à leur communauté de vie, à la naissance de leur enfant et aux efforts d'intégration de son épouse, diplômée de l'enseignement supérieur et qui a appris le français, qu'il n'a jamais eu l'intention de se conduire de façon déloyale, et qu'il a effectué les démarches nécessaires suite à l'arrivée en France de son épouse dont la présence ne s'est pas faite dans la clandestinité ;
- le ministre aurait dû prendre une décision d'ajournement et non de rejet ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2015, présenté par le ministre de l'intérieur qui conclut au rejet de la requête ;
il fait valoir en outre que :
- les autorisations provisoires de séjour produites par le requérant sont postérieures à la décision contestée ;
- le requérant ne peut pas sérieusement soutenir qu'il a omis, sur les conseils d'un agent de la préfecture, de préciser que son épouse résidant en France avec lui dans sa déclaration rectificative du 14 mai 2011 ;
- les circulaires du 16 octobre 2012 et du 21 juin 2013 sont postérieures à la décision contestée et dépourvues de valeur réglementaire ;
Vu la décision du 4 août 2014 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes a accordé à M. A...le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 mai 2015 :
- le rapport de Mme Piltant, premier conseiller ;
1. Considérant que M.A..., ressortissant azerbaïdjanais né en 1967, a obtenu le statut de réfugié en octobre 2004 ; qu'il relève appel du jugement du 21 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 24 octobre 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a rejeté sa demande de naturalisation ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que dans sa requête devant la cour, M. A...s'est borné à contester le bien-fondé du jugement attaqué ; que c'est seulement dans un mémoire enregistré le 28 avril 2015, présenté après l'expiration de délai d'appel, qu'il a soulevé le moyen selon lequel le tribunal administratif de Nantes avait procédé d'office à une substitution de motifs qui n'avait pas été demandée par le ministre de l'intérieur ; que ce moyen, qui relève d'une cause juridique distincte de celle qui servait de fondement à la requête initiale, est, dès lors, irrecevable et doit être rejeté ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 49 du décret susvisé du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ;
4. Considérant que, pour rejeter, par la décision contestée du 24 octobre 2011, la demande d'acquisition de la nationalité française présentée par M.A..., le ministre chargé des naturalisations s'est fondé, sur le fait que l'épouse du requérant résidait à l'étranger ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes du recours préalable obligatoire formé par M. A...à l'encontre de la décision préfectorale initiale ainsi que des autorisations provisoires de séjour dont a bénéficié l'épouse du requérant, qu'à la date de la décision contestée, celle-ci ne vivait pas en France ; que, toutefois, pour combattre cette décision, M. A...soutient désormais devant le tribunal administratif et la cour, que son épouse ne résidait pas à l'étranger mais vivait en France avec lui depuis mars 2011 ;
6. Considérant que l'administration peut faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que, dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;
7. Considérant qu'ainsi qu'il est en droit de le faire devant la juridiction d'appel et dans les conditions rappelées au point 6 du présent arrêt, le ministre demande qu'au motif erroné de la décision contestée soit substitué un autre motif, dont il soutient qu'il est propre à justifier légalement le rejet de la demande de naturalisation présentée par M. A...;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si l'épouse de M. A...réside en France depuis mars 2011, cette présence résulte d'un maintien volontaire de l'intéressée en situation irrégulière sur le territoire en dehors de la procédure de famille rejoignante d'un réfugié statutaire, et de l'aide qu'a apportée M. A...au séjour irrégulier de son épouse, en méconnaissance de la législation relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, les autorisations provisoires de séjour dont a bénéficié l'épouse du requérant mentionnant une entrée en France le 6 juin 2012 ; que si M. A...soutient qu'il aurait informé l'administration du changement de sa situation personnelle, il ressort de la déclaration du 14 mai 2011 que M. A...a déclaré que son épouse vivait à l'étranger ; que, par suite, le ministre est fondé à soutenir que M. A...a fait de fausses déclarations lors de sa demande de naturalisation et de son recours auprès du ministre ; qu'il y a lieu, dès lors, de procéder à la substitution de motif demandée en appel par le ministre, qui n'a pas pour effet de priver M. A...d'une garantie de procédure ; que, par suite, le ministre a pu, sans commettre d'erreur de fait ou d'erreur manifeste d'appréciation, se fonder sur ces circonstances pour rejeter la demande de M.A... ;
9. Considérant que M. A...ne saurait se prévaloir utilement des circulaires des 16 octobre 2012 et 21 juin 2013 relatives aux procédures d'accès à la nationalité française qui sont postérieures à la décision contestée et dépourvues de valeur réglementaire ;
10. Considérant que la circonstance que M. A...est bien intégré dans la société française est sans incidence sur la légalité de la décision contestée eu égard au motif sur lequel elle se fonde ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. A...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstance de l'espèce, de mettre à la charge de M. A...le versement de la somme de 500 euros demandée par le ministre de l'intérieur au même titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le ministre de l'intérieur au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 11 mai 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- Mme Piltant, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er juin 2015.
Le rapporteur,
Ch. PILTANTLe président,
H. LENOIR
Le greffier,
Ch. GOY
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N°14NT01452 2
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