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01/06/2015 | FRANCE | N°14NT00246

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 01 juin 2015, 14NT00246


Vu la requête, enregistrée le 3 février 2014, présentée pour la société Enertrag AG Etablissement France, dont le siège est bâtiment B, 4-6 rue des Chauffours à Cergy Pontoise (95015), par Me Duval, avocat ; la société Enertrag demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202724 en date du 3 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 7 février 2012 par lequel le préfet de la région Centre a refusé lui délivrer un permis de construire en vue de l'édification de cinq éolien

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Vu la requête, enregistrée le 3 février 2014, présentée pour la société Enertrag AG Etablissement France, dont le siège est bâtiment B, 4-6 rue des Chauffours à Cergy Pontoise (95015), par Me Duval, avocat ; la société Enertrag demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202724 en date du 3 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 7 février 2012 par lequel le préfet de la région Centre a refusé lui délivrer un permis de construire en vue de l'édification de cinq éoliennes sur le territoire des communes d'Aunay sous Auneau et de La Chapelle d'Aunainville ainsi qu'à l'annulation du rejet implicite opposé le 10 juin 2012 à son recours gracieux ;

2°) d'annuler ces décisions de rejet ;

3°) d'enjoindre au préfet de la région Centre de réexaminer les cinq demandes de permis de construire dans le délai d'un mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- sur la régularité du jugement attaqué :

. le tribunal administratif a effectué une substitution de motifs irrégulière dès lors qu'il n'a pas au préalable invité la société à présenter ses observations ;

. le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs dès lors que les premiers juges ont admis que l'existence d'une zone dangereuse ne faisait pas obstacle par principe à l'implantation d'éolienne, tout en considérant sans réserve que leur projet était de nature à porter atteinte à la sécurité des aéronefs ;

. le jugement n'est pas suffisamment motivé au regard du moyen tiré de l'incompétence du préfet de la région Centre, signataire du refus attaqué, dès lors que l'exposé du moyen comportait une branche tenant à la circonstance que l'arrêté d'évocation de compétence avait été pris par le prédécesseur du préfet de région signataire ;

- sur le bien-fondé du jugement attaqué :

. le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence en se croyant lié par la décision négative prise par le ministre de la défense le 8 mars 2011, qui est entachée d'erreur de droit ;

. la décision contestée est entachée d'erreur de droit dès lors que l'arrêté du 9 février 2009 qui crée la zone LF D 226 ne comporte pas d'interdiction d'implanter des installations de grande hauteur dans cette zone, contrairement à ce qui figurent dans les motifs du refus ;

. l'administration n'apporte pas la charge de la preuve, qui lui incombe, que le projet entraîne par lui-même une atteinte à la sécurité publique ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

- Vu l'ordonnance en date du 5 septembre 2014 fixant la clôture d'instruction au 7 octobre 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2014, présenté pour le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient :

- que le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité ;

- qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- Vu l'ordonnance du 6 octobre 2014 reportant la clôture d'instruction au 30 octobre 2014 à 12 heures, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 23 octobre 2014, présenté par la société Enertrag AG Etablissement France, qui persiste dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens ;

Vu, enregistré le 4 février 2015, le nouveau mémoire présenté par la société Enertrag AG Etablissement France ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 mai 2015 :

- le rapport de M. Francfort, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public,

- et les observations de Me Duval, avocat de la société Enertrag ;

Après avoir pris connaissance de la note en délibéré, enregistrée le 19 mai 2015, présentée pour la société Enertrag AG Etablissement France par Me Duval, avocat ;

1. Considérant que la société Enertrag AG Etablissement France (ci-après " la société Enertrag " ) a présenté les 17 et 23 décembre 2010 des demandes de permis de construire relatives à cinq éoliennes sur le territoire des communes d'Aunay sous Auneau et de La Chapelle d'Aunainville (Eure-et-Loir) ; que, par un unique arrêté du 7 février 2012, le préfet de la région Centre a refusé de délivrer les permis de construire sollicités ; que la société Enertrag relève appel du jugement du 3 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande qu'elle avait formée contre ces refus de permis ainsi que contre le rejet implicite du recours gracieux qu'elle avait exercé à leur encontre ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, que le préfet de la région Centre ayant refusé le projet au motif de sécurité publique, tiré de l'application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, tenant à ce que " le projet portait atteinte aux capacités de défense dans l'exécution des missions qui lui sont confiées ", les premiers juges n'ont procédé à aucune substitution de motifs en écartant la critique faite par la société requérante à ce motif par une appréciation en réalité similaire à celle de l'autorité signataire de la décision critiquée, à savoir que le projet " était de nature à porter atteinte à la sécurité des aéronefs du groupement interarmées d'hélicoptères (GIH) évoluant à l'intérieur de la zone dangereuse LF-D 226 " ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'en indiquant que le projet en litige, qui prévoit l'implantation, au sein de la zone LF-D 226, de cinq éoliennes d'une hauteur de 139 mètres, était de nature à porter atteinte à la sécurité des aéronefs du GIH effectuant, à l'intérieur de cette zone, des vols à une altitude inférieure à 150 mètres, le tribunal administratif a répondu, sans entacher son jugement d'une insuffisance de motivation ni d'ailleurs d'une contradiction de motifs, au moyen invoqué par la société selon lequel l'existence de la zone en question ne faisait pas obstacle aux projets de parcs éoliens ;

4. Considérant, enfin, qu'alors que la société Enertrag se prévalait de l'incompétence du préfet de région pour décider du refus en litige en lieu et place du préfet de département au motif que l'arrêté d'évocation de compétence avait été pris par le prédécesseur du signataire et non par ce dernier, le tribunal administratif a entièrement répondu au moyen [0]qui lui était soumis en indiquant que cet arrêté d'évocation du 22 octobre 2010 emportait transfert de compétence au préfet de région jusqu'à l'entrée en vigueur du schéma régional éolien du Centre, et au plus tard le 30 septembre 2012, soit au-delà de la date à laquelle les refus de permis en litige ont été décidés ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Enertrag n'est pas fondée à invoquer l'irrégularité du jugement attaqué ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

6. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions combinées de l'article R. 425-9 du code de l'urbanisme, d'une part, et de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile et de l'arrêté ministériel d'application du 25 juillet 1990, d'autre part, que l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire doit, lorsqu'une construction envisagée en dehors d'une agglomération est de nature à porter atteinte à la sécurité aérienne à raison de sa hauteur qui dépasse 50 mètres, saisir de la demande le ministre chargé de l'aviation civile et le ministre de la défense ; que le projet litigieux entrant dans le champ de ces dispositions le tribunal administratif a jugé, par une appréciation non contestée en cause d'appel, que l'avis émis sur leur fondement le 8 mars 2011 par le ministre de la défense était entaché d'irrégularité pour avoir été rendu sans avoir été précédé d'un examen particulier des demandes de permis de construire présentées par la société requérante ; que, toutefois, contrairement à ce que soutient la société Enertrag devant la cour, cette irrégularité ne faisait pas obstacle à ce que le préfet de la région Centre opposât, sur le fondement des dispositions d'application générale de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, le risque que ferait peser sur la sécurité publique l'installation du parc éolien de la société Enertrag ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que si le refus critiqué indique que " la zone LF-D 226 fait l'objet d'une interdiction d'implantation d'obstacle de grande hauteur " alors que l'arrêté du 9 février 2009 créant cette zone ne comporte pas par lui-même une telle interdiction, la société Enertrag n'est pas fondée à se prévaloir de l'erreur de droit dont serait de ce fait entaché le refus attaqué, dès lors que le préfet de la région Centre ne s'est pas borné à relever la situation du parc éolien à l'intérieur de cette zone, mais a aussi pris en compte, pour apprécier les conséquences concrètes du projet sur l'exécution des activités d'entrainement opérationnel du groupement interarmées hélicoptères, la situation, la nature et la hauteur des aérogénérateurs composant le parc ;

8. Considérant, enfin, qu'il est constant que la zone dangereuse dans laquelle se trouve le projet a été définie, sur le fondement de l'article D. 131-1-3 du code de l'aviation civile, pour les besoins spécifiques de la défense, dans le but d'assurer l'entraînement opérationnel du groupement interarmées d'hélicoptères, unité participant à la lutte anti-terroriste, stationnée sur la base aérienne de Villacoublay ; que cet entrainement s'effectue, de jour comme de nuit, à proximité immédiate du sol, soit à une altitude maximale de 150 mètres correspondant sensiblement à celle des éoliennes projetées ; que dans ces conditions le préfet de la région Centre a pu, alors même que le parc éolien se situerait à la bordure de cette zone et n'entrainerait qu'une réduction limitée de la surface exploitable, estimer, sans commettre d'erreur d'appréciation, que le projet litigieux pourrait constituer un risque pour l'évolution des aéronefs et était par suite de nature à porter atteinte à la sécurité publique ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Enertrag n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la société Enertrag, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions de cette société tendant à ce que la cour enjoigne, sous astreinte, au préfet de la région Centre de statuer à nouveau sur sa demande ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme que demande la société Enertrag au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par la société Enertrag AG Etablissement France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Enertrag AG Etablissement France et au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.

Délibéré après l'audience du 11 mai 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er juin 2015.

Le rapporteur,

J. FRANCFORTLe président,

H. LENOIR

Le greffier,

C. GOY

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N° 14NT00246


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT00246
Date de la décision : 01/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Jérôme FRANCFORT
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : CABINET KALLIOPE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-06-01;14nt00246 ?
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