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09/04/2015 | FRANCE | N°14NT00354

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 09 avril 2015, 14NT00354


Vu la requête, enregistrée le 13 février 2014, présentée pour M. A... B...demeurant..., par Me Chanut, avocat au barreau de Caen ; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 13-628 en date du 18 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la condamnation du syndicat mixte du littoral normand à l'indemniser des préjudices subis du fait du licenciement dont il a fait l'objet par une décision du 6 juin 2012 ;

2°) de condamner le syndicat mixte du littoral normand à lui verser la somme de 6 912 euros représe

ntant la rémunération dont il a été illégalement privé du 25 juin 2012 au 18...

Vu la requête, enregistrée le 13 février 2014, présentée pour M. A... B...demeurant..., par Me Chanut, avocat au barreau de Caen ; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 13-628 en date du 18 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la condamnation du syndicat mixte du littoral normand à l'indemniser des préjudices subis du fait du licenciement dont il a fait l'objet par une décision du 6 juin 2012 ;

2°) de condamner le syndicat mixte du littoral normand à lui verser la somme de 6 912 euros représentant la rémunération dont il a été illégalement privé du 25 juin 2012 au 18 octobre 2012, date de fin de son contrat à durée déterminée, majorée des intérêts de droit à compter de sa réclamation préalable, ainsi que les sommes de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts et de 5 000 euros au titre de son dommage professionnel ;

3°) de mettre à la charge du syndicat mixte du littoral normand la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- la procédure de licenciement est irrégulière, en l'absence de mention, dans la lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement du 16 mai 2012, de son droit à se faire communiquer son dossier personnel, ce qui ne lui pas permis de connaître les reproches formulés afin de préparer sa défense, en méconnaissance des dispositions de l'article 4 du décret du 18 septembre 1989 ;

- la lettre de licenciement n'est pas motivée ;

- ces irrégularités engagent la responsabilité du syndicat mixte du littoral ;

- le licenciement pour insuffisance professionnelle est injustifié car il a rempli consciencieusement sa mission portant notamment sur la production d'un rapport sur le littoral d'hier et d'aujourd'hui, largement repris sur le site internet du syndicat mixte ; il a suivi une formation afin d'approfondir ses connaissances et a respecté le plan de travail dans les délais fixés ; le manque de compétence technique en matière de traitement graphique de l'information n'est pas établi ; enfin, le grief tiré de l'insuffisance de son niveau d'anglais n'est pas fondé car ce niveau pouvait être vérifié lors du recrutement et des traducteurs étaient à la disposition des équipes lors des réunions transfrontalières ;

- il a subi un préjudice résultant de l'irrégularité de la procédure de licenciement dès lors qu'il n'a pas pu prendre connaissance de son dossier personnel, n'a pas été informé des motifs de la décision envisagée et n'a pas été en mesure de préparer sa défense avant son entretien ; malgré son investissement dans son travail, il n'a pas pu finaliser le projet et est désormais sans emploi et en situation précaire ; il est fondé à demander l'indemnisation du traitement dont il a été privé entre le 25 juin et le 18 octobre 2012, soit la somme de 6 912 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 juin 2012, ainsi qu'une indemnité de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts et la réparation de son préjudice professionnel évalué à 5 000 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2014, présenté pour le syndicat mixte du littoral normand par Me Vève, avocat au barreau de Caen ; le syndicat mixte du littoral normand conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il fait valoir que :

- la procédure de licenciement est régulière car M. B...a été informé au cours de l'entretien préalable au licenciement du 23 mai 2012 de son droit à demander la communication de son dossier et a exercé ce droit le 26 juillet 2012 ; c'est donc à tort que le tribunal a retenu que le moyen tiré du défaut de communication de son dossier à M. B...entachait d'illégalité la décision de licenciement du 6 juin 2012 ;

- par ailleurs, la lettre de licenciement est suffisamment motivée ;

- l'insuffisance professionnelle de M. B...est établie par les pièces du dossier ; l'intéressé ne disposait pas des capacités professionnelles requises par son poste ; contrairement à ce que soutient l'intéressé, le rapport d'avancement produit n'a pas été rédigé exclusivement par lui mais est le résultat d'une réécriture presque complète ; le bilan de son action en huit mois est très insuffisant ;

- le requérant n'est pas fondé, en l'absence de service fait, à demander le paiement des rémunérations dont il a été privé ; par ailleurs l'intéressé ne démontre pas l'existence d'un préjudice direct et certain, seul indemnisable, résultant de la décision de licenciement, laquelle est justifiée par ses carences professionnelles ; enfin, le montant des préjudices allégués n'est pas justifié ;

Vu la décision du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 1er juillet 2014, admettant M. A... B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de cette instance et désignant Me Chanut pour le représenter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905, notamment son article 65 ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

Vu le décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mars 2015 :

- le rapport de Mme Specht, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public ;

1. Considérant que M. B...a été recruté par le syndicat mixte du littoral normand, pour une durée d'un an du 18 octobre 2011 au 18 octobre 2012, pour occuper l'emploi de technicien des systèmes d'information géographique, ou géomaticien ; que, par une décision du 6 juin 2012, le directeur du syndicat mixte du littoral normand a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle à effet du 25 juin 2012 ; que M. B...relève appel du jugement du 18 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la condamnation du syndicat mixte du littoral normand à l'indemniser des préjudices subis du fait de l'illégalité de cette décision ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 40 du décret du 15 février 1988 portant dispositions générales applicables aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale, figurant au titre X du texte intitulé " Renouvellement de l'engagement, démission et licenciement " : " L'agent non titulaire engagé pour une durée déterminée ne peut être licencié par l'autorité territoriale avant le terme de son engagement qu'après un préavis qui lui est notifié dans les délais prévus à l'article 39. Toutefois, aucun préavis n'est nécessaire en cas de licenciement prononcé soit en matière disciplinaire, soit pour inaptitude physique, soit à la suite d'un congé sans traitement d'une durée égale ou supérieure à un mois, soit au cours ou à l'expiration d'une période d'essai. /(...). " ; qu'aux termes de l'article 42 du même texte : " (...) La décision de licenciement est notifiée aux intéressés (...) Cette lettre précise le ou les motifs du licenciement et la date à laquelle celui-ci doit intervenir compte tenu des droits à congés annuels restant à courir et de la durée du préavis " ;

3. Considérant, par ailleurs, qu'aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 : " Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardé dans leur avancement à l'ancienneté " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un agent public non titulaire dont le licenciement pour insuffisance professionnelle, qui constitue une mesure prise en considération de sa personne, est envisagé par l'autorité compétente doit être mis à même de demander, s'il la juge utile, la communication de l'intégralité de toute pièce figurant dans son dossier, dans un délai garantissant le respect des droits de la défense, avant que la décision de licenciement ne soit prise ;

4. Considérant, d'une part, que si M. B...a pris connaissance de son dossier personnel le 26 juillet 2012, postérieurement à la décision de licenciement du 6 juin 2012, il ne résulte pas de l'instruction, contrairement à ce que fait valoir le syndicat mixte du littoral normand, qu'il ait effectivement été mis à même, avant l'intervention de cette décision, de demander la communication de ce dossier ; que, par suite, le licenciement de M. B...pour insuffisance professionnelle est intervenu au terme d'une procédure irrégulière ;

5. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que la lettre du 6 juin 2012 du directeur du syndicat mixte du littoral normand se borne à indiquer, sans autre précision, que le licenciement de M. B... résulte de son insuffisance professionnelle ; qu'en l'absence de précision sur les griefs constitutifs de cette insuffisance professionnelle retenus à l'encontre de M.B..., la décision contestée est, ainsi que l'ont à juste titre estimé les premiers juges, insuffisamment motivée ;

6. Considérant que les illégalités formelles ainsi retenues à l'encontre de la décision du 6 juin 2012 du directeur du syndicat mixte du littoral normand sont constitutives d'une faute de cet établissement public de nature à engager sa responsabilité ; que, toutefois, elles n'ouvrent droit à réparation que pour autant qu'elles ont été à l'origine d'un préjudice direct et certain ;

7. Considérant que si M. B...soutient avoir rempli la mission pour laquelle il avait été recruté au sein de l'équipe chargée du projet franco-britannique " Licco " (" Living with a changing coast ", Littoraux et changements côtiers), il résulte toutefois de l'instruction que les carences relevées dans ses compétences techniques, son manque d'organisation et l'absence de respect de orientations de travail données par la responsable du projet lui ont été signalés dès le mois de novembre 2011 ; que M.B..., qui a bénéficié d'un accompagnement particulier à partir de décembre 2011 afin de pallier ses difficultés, n'a pas amélioré la qualité de son travail ni modifié ses modes d'organisation ; que s'il soutient avoir réalisé et adressé en mars 2012 aux partenaires britanniques du projet un document finalisé sur l'évolution du littoral, il résulte de l'instruction que le projet, remis au dernier moment sans respecter les consignes réitérées de produire des versions intermédiaires afin de faire valider l'avancement du document, a nécessité, en urgence, un lourd travail de reprise effectué par la responsable du projet et un membre de l'équipe ; que, lors d'une réunion qui s'est tenue le 24 avril 2012 en présence de l'agent, de la responsable du projet, de membres de l'équipe et de la responsable des ressources humaines, au cours de laquelle M. B...a pu présenter ses observations, les carences de l'intéressé dans ses méthodes de travail, son organisation et ses analyses lui ont été rappelées et des objectifs précis lui ont été assignés pour le début du mois de mai 2012 ; que, toutefois, le travail réalisé à l'issue de cette période, et en particulier les présentations graphiques, est demeuré très insuffisant ; que, dans ces conditions, eu égard à la persistance du manque de maîtrise par M. B... des compétences professionnelles que le syndicat mixte du littoral normand pouvait légitimement attendre de lui, ainsi qu'au non-respect récurrent, par l'intéressé des méthodes d'organisation et de travail de l'équipe dans laquelle il était intégré, en dépit du soutien et des alertes de sa hiérarchie, le licenciement de M. B... pour insuffisance professionnelle était justifié ; qu'il suit de là que, malgré les irrégularités formelles dont est entachée la décision litigieuse, qui n'ont causé à M. B...aucun préjudice spécifique, ce dernier ne peut se prévaloir d'aucun droit à réparation ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du syndicat mixte du littoral normand, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par le syndicat mixte du littoral normand ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le syndicat mixte du littoral normand tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au syndicat mixte du littoral normand.

Délibéré après l'audience du 19 mars 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Specht, premier conseiller,

- Mme Gélard, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 9 avril 2015.

Le rapporteur,

F. SPECHTLe président,

I. PERROT

Le greffier,

A. MAUGENDRE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT00354
Date de la décision : 09/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Frédérique SPECHT
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : CABINET CHANUT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-04-09;14nt00354 ?
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