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07/04/2015 | FRANCE | N°14NT02845

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 07 avril 2015, 14NT02845


Vu la requête, enregistrée le 6 novembre 2014, présentée pour Mme C...E..., demeurant au..., par Me Causserès, avocat ;

Mme E... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1406112 du 8 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juin 2014 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;
>3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer une carte de séjour temporair...

Vu la requête, enregistrée le 6 novembre 2014, présentée pour Mme C...E..., demeurant au..., par Me Causserès, avocat ;

Mme E... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1406112 du 8 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juin 2014 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'erreur de droit ; elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnaît également les dispositions du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences sur sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ; elle est insuffisamment motivée en droit ; elle méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ; elle est en outre entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision impartissant un délai de départ volontaire de 30 jours est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ; elle méconnaît les dispositions du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ; elle est en outre entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ; elle méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ; elle est en outre entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences sur sa situation personnelle ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 4 février 2015 fixant la clôture d'instruction au 2 mars 2015, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale des droits de l'enfant ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 mars 2015 :

- le rapport de Mme Loirat, président-assesseur,

- les observations de Me Langlois, avocat de Mme E...,

1. Considérant que Mme E..., ressortissante camerounaise née le 5 mai 1996, est entrée irrégulièrement sur le territoire français le 11 octobre 2011 selon ses déclarations ; qu'elle a été reconnue mineure étrangère isolée par une ordonnance aux fins de placement provisoire à l'Aide sociale à l'enfance prise par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bobigny le 11 septembre 2012 ; que le placement a été maintenu jusqu'au 5 mai 2014 par un jugement du tribunal pour enfants de Bobigny du 2 octobre 2012 ; que, le 10 avril 2014, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour auprès du préfet de la Loire-Atlantique, qui a pris à son encontre le 13 juin 2014 un arrêté refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ; que, par la présente requête, Mme E... relève appel du jugement du 8 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, que par la décision contestée, le préfet de la Loire-Atlantique a estimé que Mme E...ne remplissait pas les conditions posées par le 2 bis de l'article L. 313-11 et que sa demande devait être examinée au regard de l'article L. 313-15 du même code ; qu'aux termes de ces dispositions : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme E...a été confiée aux services de l'aide sociale à l'enfance du département de Seine-Saint-Denis par un jugement en assistance éducative du tribunal pour enfants de Bobigny du 2 octobre 2012, alors qu'elle était dans sa dix-septième année ; qu'en faisant valoir qu'elle a été scolarisée pour l'année 2012/2013 en seconde professionnelle adaptée pour primo-arrivants au lycée Georges Brassens de Villepinte, qu'elle a obtenu le diplôme d'études en langue française le 2 septembre 2013, que, pour l'année 2013/2014, elle était inscrite en CAP fleuriste au lycée d'horticulture et du paysage de Montreuil mais n'a pu suivre cette formation du fait de sa grossesse puis qu'elle a de nouveau été scolarisée dans un centre éducatif pour mères adolescentes de mars à juillet 2014, elle n'établit pas qu'à la date de la décision contestée, elle remplissait la condition, posée par les dispositions précitées de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle ; que, par suite, et sans qu'y puissent faire obstacle les circonstances tirées de ce qu'elle présente un rapport éducatif et social favorable et de ce qu'elle a signé le 5 mai 2014 avec le conseil général de Seine-Saint-Denis un contrat "jeune majeur personnalisé", le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.(...) " ; que l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...)7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ; que par ailleurs, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme E...déclare être entrée en France le 11 octobre 2011, à l'âge de 15 ans et demi, et qu'elle a été séquestrée pendant un an par un compatriote camerounais auquel son père l'avait mariée de force, avant d'être confiée aux services d'aide sociale à l'enfance ; qu'elle soutient être intégrée en France où elle est scolarisée, ne plus avoir d'autres attaches familiales au Cameroun que son père dont elle s'est éloignée en raison de ce mariage forcé ; qu'elle est mère d'un enfant, le jeune F...B..., né en France le 18 janvier 2014 ; qu'elle ne justifie toutefois pas que le père de celui-ci, M. A... B..., ressortissant ivoirien qui réside en France en situation irrégulière, garderait un lien avec l'enfant ; que, dans ces conditions et alors que l'intéressée, qui ne fait état d'aucune circonstance s'opposant à ce que son enfant l'accompagne, et ne justifie pas avoir noué des liens personnels et familiaux intenses sur le territoire français, la décision contestée du préfet de la Loire-Atlantique ne porte pas d'atteinte disproportionnée au droit de Mme E...au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et ne méconnaît pas les stipulations précitées du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ni, en tout état de cause, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;

6. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que pour rejeter la demande de Mme E..., le préfet de la Loire-Atlantique se serait cru tenu de prendre cette décision et aurait ainsi méconnu son pouvoir de régularisation ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit devra être également écarté ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant qu'il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences sur la situation personnelle de Mme E...par les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5 ;

9. Considérant qu'ainsi que l'ont jugé les premiers juges, la décision contestée est suffisamment motivée ; qu'elle vise en particulier le 3° du I de l'article L. 511-1, en vertu duquel l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision de refus de titre de séjour ;

En ce qui concerne la décision impartissant un délai de départ volontaire de 30 jours :

10. Considérant que le délai de départ volontaire de trente jours étant le délai de droit commun prévu par le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la requérante n'ayant pas sollicité un délai supérieur en faisant valoir des raisons particulières en ce sens, la fixation de ce délai n'avait pas à faire l'objet d'une motivation particulière ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 9 que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté ; que, compte tenu de ce qui a été dit au point 5, elle n'établit aucunement que la fixation d'un délai de départ de trente jours méconnaîtrait le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ou serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'un tel délai sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

12. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 9 que le moyen tiré de l'invocation par voie d'exception de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté ; que, pour les motifs déjà indiqués, les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de Mme E...ne peuvent davantage prospérer ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'annulation doivent dès lors être rejetées, ainsi que par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 17 mars 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- M. D..., faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 avril 2015.

Le rapporteur,

C. LOIRATLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

N. CORRAZE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT02845


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT02845
Date de la décision : 07/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Cécile LOIRAT
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL AEQUAE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-04-07;14nt02845 ?
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