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03/04/2015 | FRANCE | N°14NT00285

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 03 avril 2015, 14NT00285


Vu la requête, enregistrée le 5 février 2014, présentée pour Mme A... C..., demeurant..., par Me Gorand, avocat au barreau de Caen ; Mme C... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1300923, 1301648 du 5 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés des 15 janvier et 5 juillet 2013 par lesquels le maire de Saint-Pierre-Langers a délivré à Mme B... D...un permis de construire et un permis modificatif pour l'extension d'une habitation, située au lieu-dit " La Juliennière ", ainsi que de la dé

cision du 22 mars 2013 rejetant son recours gracieux dirigé contre l'ar...

Vu la requête, enregistrée le 5 février 2014, présentée pour Mme A... C..., demeurant..., par Me Gorand, avocat au barreau de Caen ; Mme C... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1300923, 1301648 du 5 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés des 15 janvier et 5 juillet 2013 par lesquels le maire de Saint-Pierre-Langers a délivré à Mme B... D...un permis de construire et un permis modificatif pour l'extension d'une habitation, située au lieu-dit " La Juliennière ", ainsi que de la décision du 22 mars 2013 rejetant son recours gracieux dirigé contre l'arrêté du 15 janvier 2013 ;

2°) d'annuler ces décisions pour excès de pouvoir ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Pierre-Langers une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les conditions prévues à l'article U11-1 du plan local d'urbanisme ne sont pas réunies, dès lors que le projet ne présente pas de caractère innovant, à défaut de démarche architecturale spécifique, notamment en matière d'intégration énergétique, urbaine et paysagère, et porte atteinte aux paysages naturels et urbains avoisinants, compte tenu de l'harmonie architecturale que présente le hameau de la " Juliennière " ;

- en page 134 du rapport de présentation, dans la partie consacrée aux justifications du règlement applicable à la zone U, les auteurs du plan précisent que l'article U11, relatif à l'aspect extérieur des constructions, doit permettre " d'éviter toute rupture volumétrique, architecturale ou paysagère " et de " gérer l'évolution du bâti existant afin de préserver la morphologie du tissu urbain et les continuités visuelles bâties " ;

- la volonté des auteurs du plan de préserver le bâti traditionnel est confirmée par le zonage du PLU qui classe la quasi-totalité des constructions du hameau en tant que " Bâti d'intérêt patrimonial et/ou architectural " ;

- or, il résulte du document graphique (PCMI 6) que l'extension contemporaine, par ses volumes et les matériaux utilisés, ne respecte pas les proportions du bâtiment existant, mais vient au contraire briser l'harmonie générale de la maison d'habitation, maçonnée en pierre de pays dans le style de la région, ainsi que celle du bâti environnant ;

- contrairement à ce qui est indiqué dans la notice paysagère, la construction est visible depuis la route des Provostières, ainsi que depuis la route départementale n° 109 et le circuit touristique " Sur les pas d'Anatole France " :

- les prescriptions de l'article U11-2 relatif aux volumes et de l'article U11-3 relatif aux parements extérieurs sont méconnues, dès lors que l'extension litigieuse, composée d'importantes surfaces vitrées en façade et d'une toiture terrasse en zinc, ne respecte pas le volume unique et simple, les rythmes de percement, les matériaux et la teinte du bâtiment principal ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2014, présenté pour la commune de Saint-Pierre-Langers, représentée par son maire en exercice, à ce dûment habilité par délibération du conseil municipal du 14 avril 2014, par Me Bouthors, avocat au barreau de Caen, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme C... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- l'article U11-1 du PLU n'est pas méconnu, dès lors que la construction projetée présente un caractère innovant et s'intègre dans l'environnement, qui comprend un bâti ancien et des constructions plus récentes ;

- le projet n'est pas visible de la rue de la Provostière qui traverse le hameau et, si le projet peut être vu de la route départementale, ce n'est que de très loin, sans compter la végétation qui le cache aux beaux jours ;

- le château et l'église, situés dans le bourg distant d'environ un km, ne sont pas affectés par le projet et l'abbaye de Lucerne est située à trois kilomètres, rendant ainsi le moyen tiré d'une prétendue atteinte patrimoniale sans fondement ;

- en outre, le juge exerce un contrôle restreint lorsque le permis de construire est octroyé ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2014, présenté pour Mme E...B...D..., demeurant..., par Me Le Guen, avocat au barreau de Rennes, qui conclut au rejet de la requête, à ce qu'une date au-delà de laquelle des moyens nouveaux ne pourront plus être invoqués soit fixée en application de l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme, et à ce que Mme C... lui verse la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- une maison d'habitation d'architecture contemporaine construite avec des matériaux innovants (bois, zinc) rentre dans le champ d'application de l'exception prévue à l'article U11-1 du PLU ;

- une construction aux matériaux innovants, qui s'harmonise en terme de volume, n'est pas de nature à porter atteinte à l'intérêt des lieux avoisinants ;

- le projet, non visible de la rue, s'intègre en tout point aux lieux environnants qui se composent aussi bien de bâtiments agricoles et artisanaux, que de maisons rurales et de type pavillonnaire ;

- le hameau, composé de maisons en pierre de pays, ne fait l'objet d'aucune protection particulière et le constat d'huissier produit n'indique à aucun moment que les constructions présenteraient un caractère remarquable ;

- il existe des bâtiments artisanaux entre le projet et la maison où a séjourné Anatole France ;

- le rapport de présentation est dénué de valeur normative ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 4 novembre 2014, présenté pour Mme C... qui tend aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

elle soutient, en outre, que :

- le projet ne résulte pas d'une recherche particulière en terme d'architecture et correspond à une superposition maladroite de volumes plus ou moins gracieux couramment rencontrés dans les lotissements ;

- les volumes cubiques, les rythmes de percement, les toits terrasses, les modénatures et les teintes choisies sont incompatibles avec les caractéristiques des constructions existantes au sein du hameau ;

- la construction litigieuse est située à seulement 192 mètres de la route touristique " Sur les pas d'Anatole France ", et à 225 mètres du bourg ;

- selon l'expert Laurent Bousquet, le projet de construction autorisé ne rentre aucunement dans le champ d'application de la dérogation prévue à l'article U11-1 du PLU et est en parfaite contradiction avec le caractère traditionnel du bâti environnant ;

- le maire a commis une erreur manifeste d'appréciation et méconnu les dispositions des articles U11-1, U11-2, U11-3 et U11-4 du règlement du PLU ;

Vu le mémoire en duplique, enregistré le 24 février 2015, présenté pour Mme C..., qui persiste dans ses précédentes écritures ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 mars 2015, présenté pour la commune de Saint-Pierre-Langers ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 mars 2015, présenté pour Mme B...D... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 mars 2015, présentée pour Mme C...;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mars 2015 :

- le rapport de M. Millet, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public ;

- les observations de Me Gorand, avocat au barreau de Caen, pour Mme C... ;

- et les observations de Me Le Guen, avocat au barreau de Rennes, pour Mme B...D... ;

1. Considérant que Mme C... relève appel du jugement du 5 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés des 15 janvier et 5 juillet 2013 par lesquels le maire de Saint-Pierre-Langers a délivré à Mme B... D... un permis de construire et un permis modificatif pour l'extension d'une maison d'habitation, située au lieu-dit " La Juliennière ", ainsi que de la décision du 22 mars 2013 rejetant son recours gracieux dirigé contre l'arrêté du 15 janvier 2013 ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article U11 du plan local d'urbanisme (PLU) relatif à l'aspect extérieur : " 11.1 Aspect général : toute construction innovante ayant fait l'objet d'une recherche particulière en terme d'architecture (volume, matériaux de construction et de couverture, etc,), d'intégration urbaine et paysagère ou énergétique, ne respectant pas les règles suivantes est admise dès lors que cette architecture ne porte pas atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains, ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales " ;

3. Considérant, d'autre part, que les règles auxquelles il est dérogé par l'article U11-1 du PLU disposent : " 11.2 Volumes : le volume, la modénature et les rythmes de percement des constructions nouvelles doivent s'harmoniser avec ceux du bâti existant, en s'inscrivant dans la composition générale de l'îlot ou de la rue " ; " 11.3 parements extérieurs : les matériaux de constructions non destinés par nature à demeurer apparents doivent être recouverts d'un enduit ou d'un bardage de ton neutre ou naturel en harmonie avec les constructions avoisinantes. Les soubassements, murs séparatifs et aveugles apparents des constructions et clôtures doivent être traités avec le même soin que les façades principales et en harmonie avec les constructions proches. Les murs et toitures des extensions et des bâtiments annexes doivent être traités en harmonie avec ceux de la construction principale. Les vérandas doivent être traitées soit en s'intégrant au volume principal soit comme une greffe s'y accolant à la manière d'une dépendance. L'ossature des vérandas doit être composée d'éléments de couleur neutre ou foncée, ou identique à la façade de la construction principale. " ; " 11.4 Toitures : les toitures doivent présenter une simplicité de volume et une unité de conception. Les toitures sont recouvertes par un matériau de ton ardoise. Cette disposition ne s'applique pas aux vérandas, aux toitures terrasses, aux constructions innovantes ayant fait l'objet d'une recherche particulière en terme d'architecture ainsi qu'aux démarches environnementales. " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux consiste en une extension de 96,41 mètres carrés d'une maison de maître en pierres apparentes créant un rez-de-chaussée et un étage en façade est ; que l'architecture résolument contemporaine de cette extension, formant trois volumes cubiques aux larges baies vitrées, offrant à la fois une transparence des pièces intérieures et une vue panoramique sur l'extérieur, aux menuiseries en aluminium " gris silver " et à la toiture terrasse en zinc, permet de caractériser, notamment par les matériaux employés et la transparence obtenue, une certaine innovation et une recherche de rupture maîtrisée avec le style traditionnel en pierres du bâtiment principal pour offrir une bonne intégration du bâti dans un hameau constitué non seulement de plusieurs maisons de caractère en pierre de pays, mais également d'importants bâtiments agricoles à proximité immédiate du projet ; qu'en outre, cette extension située à l'arrière du bâtiment principal, entièrement sauvegardé, n'est pas visible de la rue des Provostières qui traverse le hameau de " la Juliennière " et n'est guère visible depuis la RD n°109 à l'entrée du bourg, situé à environ 200 mètres ; que, par ailleurs, Mme C... n'établit aucune " covisiblité " de la construction litigieuse avec l'abbaye de la Lucerne, classée monument historique, située à 2,5 kilomètres, l'église du village de Saint-Pierre-Langers, son château ou l'auberge où séjourna Anatole France ; que, dès lors, la construction litigieuse, de par son architecture et sa situation, ne portant pas atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, les dispositions dérogatoires du premier paragraphe de l'article U11 du PLU de la commune étaient applicables au projet de Mme B... D... ; que, par suite, la requérante ne saurait soutenir que les dispositions des paragraphes 2, 3 et 4 de l'article U11 ont été méconnues ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Pierre-Langers, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme C... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... une somme de 750 euros à verser respectivement à Mme B... D... et à la commune de Saint-Pierre-Langers en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Mme C... versera une somme de 750 euros respectivement à Mme B... D...et à la commune de Saint-Pierre-Langers en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à la commune de Saint-Pierre-Langer et à Mme E... B...D....

Délibéré après l'audience du 10 mars 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- M. Pouget, premier conseiller.

Lu en audience publique le 3 avril 2015.

Le rapporteur,

J-F. MILLETLe président,

A. PÉREZ

Le greffier,

S. BOYÈRE

La République mande et ordonne au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT00285


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT00285
Date de la décision : 03/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Jean-Frédéric MILLET
Rapporteur public ?: M. DELESALLE
Avocat(s) : SELARL JURIADIS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-04-03;14nt00285 ?
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