Vu la requête, enregistrée le 29 janvier 2014, présentée pour M. B... A..., demeurant..., par Me Plateaux, avocat ;
M. A... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1201297 du 3 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le maire de Yèvre-la-Ville a rejeté sa demande de raccorder sa propriété au réseau d'assainissement collectif par la venelle de la place de l'Eglise ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Yèvre-la-Ville une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient que :
- le jugement attaqué est illégal dès lors que le raccordement par la ruelle de l'Eglise n'est pas matériellement impossible, que la mairie avait proposé les deux solutions de raccordement, que le raccordement par la rue Saint-Lubin est difficilement réalisable, que les études de faisabilité n'indiquent pas que la configuration de la ruelle de l'Eglise rendrait le raccordement impossible, notamment avec une mini-pelle, et que la difficulté d'accès pour les véhicules invoquée par la commune et le fait qu'il aurait déplacé sans autorisation la clôture voisine sont sans incidence sur la possibilité de raccordement ;
- la décision implicite de rejet du maire de Yèvre-la-Ville est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que les pièces produites et notamment les études réalisées ne sont pas sérieusement contredites par la commune ;
Vu le jugement attaqué et la décision contestée ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 septembre 2014, présenté pour la commune de Yèvre-la-Ville (45300) représentée par son maire en exercice, par Me Robet, avocat, qui conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. A... une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle fait valoir que :
- la requête devant le tribunal administratif d'Orléans est irrecevable en raison de sa tardiveté dès lors que la commune avait déjà refusé les demandes du requérant de raccordement de sa propriété au réseau collectif par la ruelle de l'Eglise formulées les 15 juillet 2005 et 27 mai 2007 ;
- la décision contestée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que la situation de contre-pente alléguée par le requérant résulte d'un aménagement non autorisé du sous-sol de sa maison, alors que le rez-de-chaussée et l'étage ne sont pas en contre-pente, que la véranda dont il est allégué qu'il faudrait démolir les fondations a également été construite sans autorisation, que le prolongement du réseau aux frais de la collectivité avait été réalisé à la demande expresse du requérant, que la dérogation délivrée en exécution de l'arrêt de la cour est définitive, que l'extension du réseau par la ruelle de l'Eglise est techniquement impossible et en outre inutile, le réseau desservant déjà tous les riverains soit par la place de l'Eglise soit par la rue Saint-Lubin, que le requérant, qui a déplacé de 135 cm sans autorisation le mur longeant la ruelle, reconnait implicitement que l'emprise de la ruelle ne permet pas le passage d'engins mécaniques, que les travaux de réalisation du réseau étaient achevés depuis près de six ans à la date de l'introduction de la requête en avril 2012, et que le requérant est de mauvaise foi ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 9 février 2015, présenté pour M. A..., qui maintient ses conclusions par les mêmes moyens ;
il soutient en outre que :
- sa requête devant le tribunal administratif d'Orléans est recevable dès lors que l'arrêt du 12 novembre 2010 par lequel la cour a annulé la décision du maire du 5 juin 2007 refusant de l'exonérer de l'obligation de raccordement au réseau public d'assainissement constitue une circonstance de droit et de fait nouvelle qui fait obstacle à ce que la décision implicite de rejet du 20 février 2012, laquelle fait grief, soit considérée comme purement confirmative ;
- la décision contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'à supposé qu'il ait méconnu les règles d'urbanisme en élargissant la ruelle, le maire pouvait exercer ses pouvoirs de police, que la commune se fonde à tort sur l'étroitesse de la ruelle de l'Eglise alors qu'il a montré que le raccordement est techniquement possible, ce que confirment les attestations produites selon lesquelles des petits tracteurs agricoles étant toujours passés dans cette ruelle, une mini pelle peut y oeuvrer facilement ;
Vu l'ordonnance en date du 3 février 2015 fixant la clôture d'instruction au 20 février 2015 à 12 h, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 23 février 2015, présenté pour la commune de Yèvre-la-Ville ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 2000-312 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
Vu l'arrêté du 19 juillet 1960 relatif au raccordement des immeubles aux égouts ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mars 2015 :
- le rapport de Mme Piltant, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;
- et les observations de Me Lefèvre, avocat de M. A... ;
1. Considérant que M. A... est propriétaire, sur le territoire de la commune de Yèvre-la-Ville, de deux parcelles contigües, une parcelle cadastrée AC 181 donnant sur la rue Saint-Lubin au numéro 101 et où est implantée sa maison d'habitation, et une parcelle voisine AC 22, donnant sur la ruelle de l'Eglise, également appelée venelle de l'Eglise ; que la commune de Yèvre la Ville a mis en service, en 2006, un réseau collectif de collecte des eaux usées ; que M. A... et son épouse ont sollicité une dérogation à l'obligation de raccordement à ce réseau ; que, par décision du 5 juin 2007, le maire de la commune a refusé de leur accorder cette dérogation ; que, par un arrêt du 12 novembre 2010, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé cette décision au motif que l'immeuble de M. et Mme A...doit être regardé comme difficilement raccordable au sens des dispositions de l'article 1er de l'arrêté ministériel du 19 juillet 1960 relatif au raccordement des immeubles aux égouts et remplit les conditions auxquelles ces dispositions subordonnent l'exonération de l'obligation de raccordement aux égouts ; qu'en exécution de cet arrêt, le maire de Yèvre-la-Ville a, par arrêté du 28 décembre 2010, exonéré l'immeuble de M. et Mme A...de l'obligation de raccordement au réseau d'assainissement collectif ; que le recours de M. A...tendant à l'annulation de cet arrêté a été rejeté par jugement du 8 juin 2011 du tribunal administratif d'Orléans ; que, par courrier du 16 décembre 2011, M. et Mme A...ont demandé l'autorisation de se raccorder au réseau d'assainissement collectif par la ruelle de l'Eglise ; que M. A...relève appel du jugement du 3 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par la commune de Yèvre la Ville sur cette demande ;
Sur la fin de non recevoir opposée par la commune de Yèvre-la-Ville :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. " ; qu'aux termes de l'article 18 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 : " Sont considérées comme des demandes au sens du présent chapitre les demandes et les réclamations, y compris les recours gracieux ou hiérarchiques, adressées aux autorités administratives (...) " ; qu'aux termes de l'article 19 de la même loi : " Toute demande adressée à une autorité administrative fait l'objet d'un accusé de réception (...) Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis (...) " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par courrier du 7 juin 2005, le maire de Yèvre-la-Ville a demandé à M. A... de lui confirmer s'il préférait le raccordement de sa propriété au réseau d'assainissement par la rue Saint-Lubin ou par la ruelle de l'Eglise ; que, par courrier du 10 juin 2005, M. A... a répondu qu'il préférait le branchement à l'assainissement collectif de son pavillon par la ruelle de l'Eglise ; que, le 15 juillet 2005, M. A... a sollicité le branchement de la parcelle AC 22 sur la ruelle de l'Eglise et l'autorisation d'effectuer une double arrivée pour son pavillon ; que la commune n'a pas répondu à cette demande ; que, par un arrêt du 12 novembre 2010, la cour de céans a annulé la décision du 5 juin 2007 par laquelle le maire d'Yèvre-la-Ville a refusé d'accorder à M. A... une exonération à l'obligation de raccordement au réseau public communal d'assainissement des eaux usées, et estimé que l'immeuble de M. A... devait être regardé comme difficilement raccordable au sens des dispositions de l'article 1er de l'arrêté du 19 juillet 1960 relatif au raccordement des immeubles aux égouts ; qu'en exécution de cet arrêt, le maire de Yèvre-la-Ville a, par arrêté du 28 décembre 2010, exonéré M. A... de l'obligation de raccordement au réseau d'assainissement et l'a autorisé à rester en assainissement autonome ; que l'arrêt de la cour du 12 novembre 2010 et l'arrêté du maire du 28 décembre 2010 constituent des circonstances de droit et de fait nouvelles ; qu'en conséquence, la demande du 16 décembre 2011 par laquelle M. A... a sollicité le raccordement de sa propriété par la ruelle de l'Eglise, ne pouvait pas être regardée comme confirmative des demandes précédentes, et la décision implicite de rejet du maire d'Yèvre-la-Ville opposée à cette demande ne pouvait pas être regardée comme une décision confirmative ; qu'en conséquence, la demande de M. A... devant le tribunal administratif de Rennes tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet du maire n'était pas tardive ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée par la commune d'Yèvre-la-Ville doit être écartée ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1331-1 du code de la santé publique : " Le raccordement des immeubles aux réseaux publics de collecte disposés pour recevoir les eaux usées domestiques et établis sous la voie publique à laquelle ces immeubles ont accès soit directement, soit par l'intermédiaire de voies privées ou de servitudes de passage, est obligatoire (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1331-4 du même code : " Les ouvrages nécessaires pour amener les eaux usées à la partie publique du branchement sont à la charge exclusive des propriétaires et doivent être réalisés dans les conditions fixées à l'article L. 1331-1 (...) " ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les parcelles AC 181 et AC 22, dont M. A... est propriétaire, se situent dans le prolongement l'une de l'autre, la parcelle AC 181 donnant sur la rue Saint-Lubin et la parcelle AC 22 sur la ruelle de l'Eglise ; que la parcelle AC 181 se trouve à une altitude de 114,53 m au droit de la rue Saint-Lubin et la parcelle AC 22 à une altitude de 110,99 m au droit de la ruelle de l'Eglise ; qu'il ressort du rapport d'étude de faisabilité établi le 16 janvier 2006 par le bureau ADT Ingénierie, de l'avis du 8 février 2008 de l'ancien responsable du service des eaux et de l'entretien de la commune de Yèvre-la-Ville et de l'avis technique établi par la société Orcos le 7 juin 2010 qu'un raccordement au réseau d'assainissement en gravitaire de la propriété de M. A... par la ruelle de l'Eglise est techniquement préférable au raccordement par la rue Saint-Lubin, lequel nécessite la mise en place de deux pompes de relevage, la maison de M. A... étant en contrebas de 3,15 m par rapport au regard de raccordement situé devant le portail, et la démolition d'une partie des fondations de la terrasse bétonnée ceinturant la maison ; que dans un courrier adressé le 29 juillet 2006 à la direction départementale de l'équipement, le maire fait état d'une part, des contraintes financières liées à l'éventualité d'une desserte en deux endroits différents, et d'autre part, des contraintes techniques de réalisation et de maintenance liées à la faible largeur pour l'accès des engins de terrassement et au risque de déchaussement des fondations des murs ; que, toutefois, M. A... ne demande pas une desserte en deux endroits différents mais uniquement par la ruelle de l'Eglise, dont il est constant qu'elle est reliée à son extrémité, place de l'Eglise, au réseau collectif d'assainissement ; qu'il ressort également des pièces du dossier, et notamment du rapport d'expertise établi le 6 juillet 2011 à la demande de la mairie, que la largeur de la ruelle en face de la parcelle AC 22 est comprise entre 150 et 166 cm ; que M. A..., qui produit les caractéristiques techniques d'engins d'une largeur de 84 cm, soutient, sans être contredit par la commune, qu'une mini-pelle peut accéder à la ruelle de l'Eglise et que dans une venelle moins large la commune a fait creuser une tranchée, ce que confirme une des attestations produites s'agissant de la ruelle aux fromages au hameau du Grand Reigneville ; que la circonstance que le réseau d'assainissement vient au droit de la parcelle AC 181 sur la rue Saint-Lubin, où il dessert également d'autres constructions, est sans incidence ; que, dans ces conditions, le maire d'Yèvre-la-Ville a commis une erreur d'appréciation en rejetant la demande de raccordement au réseau d'assainissement par la ruelle de l'Eglise présentée par M. A... ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
7. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
8. Considérant qu'il y a lieu d'enjoindre au maire de Yèvre-la-Ville de réexaminer la demande de raccordement au réseau d'assainissement des eaux usées de l'immeuble situé sur les parcelles AC 181 et AC 22 appartenant à M. A... par la ruelle de l'Eglise dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme sollicitée par la commune de Yèvre-la-Ville ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Yèvre-la-Ville le versement d'une somme de 1 500 euros à M. A... au même titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 3 décembre 2013 du tribunal administratif d'Orléans et la décision implicite par laquelle le maire de Yèvre-la-Ville a rejeté la demande de M. A... de raccorder sa propriété au réseau d'assainissement collectif par la ruelle de l'Eglise sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au maire de Yèvre-la-Ville de réexaminer la demande de raccordement au réseau d'assainissement des eaux usées de l'immeuble situé sur les parcelles AC 181 et AC 22 appartenant à M. A... par la ruelle de l'Eglise dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : La commune de Yèvre-la-Ville versera à M. A... la somme de 1 500 (mille cinq cent) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Yèvre-la-Ville sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et à la commune de Yèvre-la-Ville.
Délibéré après l'audience du 13 mars 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- Mme Piltant, premier conseiller,
- Mme Rimeu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 avril 2015.
Le rapporteur,
Ch. PILTANT
Le président,
H. LENOIR
Le greffier,
F. PERSEHAYE
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N°14NT00201 2
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