Vu la requête, enregistrée le 2 septembre 2013, ainsi que le mémoire complémentaire, enregistré le 1er octobre 2013, présentés pour l'EARL Le Page, dont le siège est situé au Lagadven à Plomodiern (29550), par Me Massart, avocat ; l'EARL Le Page demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1102327 en date du 28 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 avril 2011 par lequel le préfet du Finistère lui a imposé une réduction d'effectif de son élevage porcin compatible avec le plan d'épandage exploité en propre au lieu-dit Lagadven à Plomodiern ;
2°) d'annuler cette décision ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 100 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que l'arrêté du 19 avril 2011 est entaché d'irrégularité dans la mesure où :
- le préfet n'a jamais voulu transmettre à l'EARL Le Page ou à son conseil les pièces du dossier soumis pour avis au CODERST ;
- l'avis émis par le CODERST n'a pas été communiqué à l'exploitant ;
- le préfet a entaché l'arrêté en litige d'insuffisance de motivation en s'abstenant de répondre à la proposition de solution formulée par l'EARL Le Page aux termes de ses observations préalables à l'arrêté du 7 avril 2011 ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 4 juin 2014, présenté pour l'EARL Le Page, qui persiste dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens ;
elle ajoute que le préfet du Finistère a mal apprécié les faits en ne tenant pas compte du fait que le lisier produit en excédent faisait à présent l'objet d'un traitement par la station d'épuration collective de déjections animales du GIE de Kerestou ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2014, présenté par ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui conclut au rejet de la requête ;
il soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors qu'il n'est pas justifié qu'elle a été introduite dans le délai de deux mois de la notification du jugement attaqué ;
- sur le bien-fondé du jugement attaqué :
. le contradictoire a été respecté ;
. la décision est exempte d'erreur manifeste d'appréciation dès lorsque l'EARL Le Page ne gère pas les lisiers produits dans le respect de la réglementation, ce qui n'est pas contredit par la conclusion d'un contrat de traitement exprimé seulement en volume traité sans indication sur la charge azotée du lisier transféré ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mars 2015 :
- le rapport de M. Francfort, président-assesseur,
- et les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public,
1. Considérant que l'EARL Le Page, exploitation d'élevage porcin située à Plomodiern dans le bassin versant " algues vertes " de la baie de Douarnenez, a été autorisée au titre de la législation sur les installations classées par un arrêté délivré le 10 juin 1992 ; qu'à partir de 1997 il a été constaté que l'exploitation ne respectait pas la réglementation en vigueur en matière de protection de l'environnement, relativement aux effluents de l'élevage ; qu'après diverses tentatives pour obtenir la mise en conformité de l'élevage, le préfet [0]des Cotes d'Armor a mis en demeure l'EARL Le Page, par arrêté du 15 février 2006, de déposer un dossier présentant une réduction d'effectifs compatible avec le plan d'épandage exploité en propre ; que l'EARL Le Page a finalement déposé le 24 février 2009 un nouveau dossier qui, malgré une réduction du nombre des animaux, s'est révélé insuffisant en ce qui concerne les capacités de stockage du lisier et les apports en phosphore ; que suite à une demande de complément de dossier restée infructueuse, le préfet du Finistère a présenté le dossier de l'exploitant au conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) puis, après respect de la procédure contradictoire, a pris le 19 avril 2011 un arrêté de prescriptions complémentaires, modifiant l'arrêté d'autorisation du 10 juin 1992, et portant notamment réduction de l'effectif d'animaux autorisé ; que l'EARL Le Page relève appel du jugement du 28 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 19 avril 2011 ;
Sur les conclusions à fins d'annulation :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 512-31 du code de l'environnement : " Des arrêtés complémentaires peuvent être pris sur proposition de l'inspection des installations classées et après avis du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques. Ils peuvent fixer toutes les prescriptions additionnelles que la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 rend nécessaires ou atténuer celles des prescriptions primitives dont le maintien n'est plus justifié. L'exploitant peut se faire entendre et présenter ses observations dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article R. 512-25 et au premier alinéa de l'article R. 512-26. Ces arrêtés prévus peuvent prescrire, en particulier, la fourniture des informations prévues aux articles R. 512-3 et R. 512-6 ou leur mise à jour " ; qu'aux termes de l'article R. 512-25 du même code : " Au vu du dossier de l'enquête et des avis prévus par les articles précédents, qui lui sont adressés par le préfet, l'inspection des installations classées établit un rapport sur la demande d'autorisation et sur les résultats de l'enquête. Ce rapport est présenté au conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques saisi par le préfet. L'inspection des installations classées soumet également à ce conseil ses propositions concernant soit le refus de la demande, soit les prescriptions envisagées. Le demandeur a la faculté de se faire entendre par le conseil ou de désigner, à cet effet, un mandataire. Il est informé par le préfet au moins huit jours à l'avance de la date et du lieu de la réunion du conseil et reçoit simultanément un exemplaire des propositions de l'inspection des installations classées " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, préalablement à l'arrêté complémentaire attaqué, le préfet du Finistère a, par lettre du 7 février 2011, à laquelle était joint le rapport de l'inspecteur des installations classées, informé l'EARL Le Page du passage de son dossier devant le CODERST le 17 février, ainsi que de la possibilité qui lui était offerte à cette occasion de se faire entendre ou de désigner un mandataire à cet effet ; que, par lettre du 15 février 2011, l'avocat de l'EARL Le Page a accusé réception de cette lettre, demandé un report, et, tout en mentionnant avoir bien reçu copie des propositions de l'inspecteur des installations classées, demandé l'intégralité du dossier ; que le 16 février 2011, le préfet a refusé d'accorder le délai demandé compte tenu des nombreuses relances déjà adressées à l'exploitant aux fins de compléter son dossier, tout en mentionnant que la convocation devant le CODERST avait justement pour but de permettre à l'EARL Le Page de se faire entendre ;
4. Considérant, comme il a été dit, que la convocation adressée à la société requérante comportait, en application de l'article R. 512-25 précité, un exemplaire des propositions de l'inspection des installations classées ; que si l'exploitant fait grief à l'administration d'avoir refuser de communiquer à son conseil " la copie intégrale des pièces du dossier de l'EARL Le Page ", aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait au préfet de communiquer à l'EARL Le Page ni les propres pièces composant la demande formée par l'exploitant, nécessairement en la possession de ce dernier, ni l'entier rapport de l'inspection des installations classées ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas été en mesure de préparer utilement ses observations par la communication des seules propositions de l'inspecteur des installations classées ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 512-26 du code de l'environnement : " Le projet d'arrêté statuant sur la demande est porté par le préfet à la connaissance du demandeur, auquel un délai de quinze jours est accordé pour présenter éventuellement ses observations par écrit au préfet, directement ou par mandataire... " ;
6. Considérant que ni ces dispositions ni aucune autre de valeur au moins réglementaire ne font obligation au préfet de communiquer à l'exploitant, lors de l'engagement de la procédure contradictoire, l'avis émis par le CODERST, lequel n'est qu'une étape de la procédure et dont l'EARL Le Page n'allègue d'ailleurs pas qu'il se distinguerait des propositions, portées à sa connaissance, soumis à ce conseil par l'inspecteur des installations classées ;
7. Considérant, en troisième lieu, que contrairement à ce que soutient l'EARL Le Page, le préfet du Finistère a expliqué de manière détaillée, dans sa lettre du 12 avril 2011 en réponse aux observations formulées le 7 avril par l'EARL Le Page, en quoi les projets aléatoires de l'exploitant relativement à la mise à disposition de nouvelles parcelles épandables ou au recours à une unité de méthanisation encore à l'état de projet ne permettaient pas de remettre en cause la diminution envisagée du cheptel ; qu'il n'avait pas à réitérer ces explications dans l'arrêté complémentaire lui-même, dont l'EARL Le Page n'est dès lors pas fondée à invoquer l'insuffisance de motivation ;
8. Considérant, enfin, que l'EARL Le Page se prévaut d'une " convention de prestations de service " signée le 15 mars 2012 par laquelle l'exploitant d'une station de traitement du lisier, agréée par l'administration, s'engagerait à traiter les effluents en excédent de l'exploitation ; que toutefois, alors qu'il résulte des propres écrits de l'EARL Le Page que sa production d'effluents a continué d'être supérieure à sa capacité d'épandage en propre pour les campagnes 2010- 2011 et 2011-2012, cette convention ne saurait être prise en compte par le juge des installations classées pour réformer l'arrêté en litige, dès lors notamment que cet accord, qui n'a d'ailleurs pas été porté au préalable à la connaissance de l'administration, ne comporte l'indication que d'un volume de lisier transféré par période de douze mois, sans mention de la charge azotée correspondante, et est par suite insuffisamment précis pour démontrer la maîtrise par l'exploitant d'une solution garantissant le respect pérenne des pressions azotées réglementaires ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête que l'EARL Le Page n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme que demande l'EARL Le Page au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par l'EARL Le Page est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EARL Le Page et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
Délibéré après l'audience du 13 mars 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Durup de Baleine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 avril 2015.
Le rapporteur,
J. FRANCFORTLe président,
H. LENOIR
Le greffier,
F. PERSEHAYE
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N° 13NT02497