Vu la requête, enregistrée le 9 août 2013, présentée pour la société civile immobilière (SCI) Saint-Michel dont le siège est au lieudit "La Templerie" à Talmont (85440) par Me Richert, avocat ; la SCI Saint-Michel demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1108068 du 20 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 124 283,75 euros mise à sa charge par une mise en demeure valant commandement de payer du 29 mars 2011 émis à son encontre par le pôle de recouvrement spécialisé de la Vendée ;
2°) de lui accorder cette décharge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que c'est à tort que le Trésor public l'a mise en demeure de payer la somme de 124 283,75 euros dès lors qu'en raison de l'effet d'attribution immédiate attaché à l'avis à tiers détenteur du 31 octobre 2006, sa dette est devenue définitivement éteinte ; le Trésor public ne pouvait pas lui réclamer à nouveau le paiement de cette dette après la réduction par la cour d'appel de Poitiers du montant de la condamnation prononcée à l'encontre de son expert-comptable et son assureur ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2013, présenté par le directeur régional des finances publiques des Pays-de-la-Loire ; il conclut au rejet de la requête et soutient que le moyen soulevé n'est pas fondé ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 16 avril 2014, présenté pour la SCI Saint-Michel ; elle conclut aux mêmes fins que la requête par le même moyen ; elle soutient en outre que l'instruction codificatrice n° 02-063-A-M du 22 juillet 2002 dispose que le redevable reste débiteur du Trésor tant que le tiers débiteur n'a pas effectivement payé les impositions dont le recouvrement est poursuivi ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des procédures civiles d'exécution ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mars 2015 :
- le rapport de M. Etienvre, premier conseiller,
- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public ;
1. Considérant la société civile immobilière (SCI) Saint-Michel, qui a pour activité la location d'immeubles bâtis et celle de marchand de biens, a fait l'objet en 2004 d'une vérification de comptabilité concernant la période allant du 1er janvier 2001 au 31 août 2004 à l'issue de laquelle l'administration lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été assortis d'intérêts de retard et de pénalités ; que ces droits et pénalités ont été mis en recouvrement le 25 février 2006 ; que la SCI Saint-Michel estimant que son comptable, la SAS Expertise Comptable Sofirec, avait manqué à son devoir de conseil, a recherché devant le juge judiciaire la responsabilité de cette société ; que, le 3 octobre 2006, le tribunal de grande instance de la Roche-sur-Yon a déclaré la société Sofirec pour partie responsable et condamné solidairement celle-ci avec son assureur, la société Assurances Générales France Vie, à payer à la SCI Saint-Michel la somme de 182 920 euros ; que le 2 novembre 2006, le Trésor public a notifié à la société Assurances Générales de France Vie un avis à tiers détenteur en vue notamment du paiement de la somme de 182 920 euros ; que consécutivement à la réduction du montant de la condamnation prononcée à l'encontre de la SAS Expertise Comptable Sofirec et de son assureur, la société Assurances Générales France Vie, par la cour d'appel de Poitiers le 5 mars 2008, le Trésor public a procédé au reversement de la somme de 124 283,75 euros et a demandé, par une mise en demeure valant commandement de payer, le 29 mars 2011, à la SCI Saint-Michel de lui payer cette somme ; que la SCI Saint-Michel relève appel du jugement du 20 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté son opposition à contrainte ;
Sur les conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer :
En ce qui concerne la loi fiscale :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : "Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 257 de ce livre : "A défaut de paiement des sommes mentionnées sur l'avis de mise en recouvrement ou de réclamation assortie d'une demande de sursis de paiement avec constitution de garanties dans les conditions prévues par l'article L. 277, le comptable chargé du recouvrement notifie une mise en demeure par pli recommandé avec avis de réception avant l'engagement des poursuites (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 256-2 du même livre, dans sa rédaction applicable à l'espèce : "Lorsque les sommes figurant sur l'avis de mise en recouvrement concernent plusieurs redevables tenus à leur paiement conjointement ou solidairement, la notification peut être effectuée au moyen d'avis de mise en recouvrement individuels établis au nom de chacun de ces redevables ou d'un avis de mise en recouvrement collectif ( ...) " ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics compétents mentionnés à l'article L. 252 doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / Les contestations ne peuvent porter que : / 1° Soit sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° Soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés, dans le premier cas, devant le juge de l'exécution, dans le second cas, devant le juge de l'impôt tel qu'il est prévu à l'article L. 199 " ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 262 du livre des procédures fiscales : "Les dépositaires, détenteurs ou débiteurs de sommes appartenant ou devant revenir aux redevables d'impôts, de pénalités et de frais accessoires dont le recouvrement est garanti par le privilège du Trésor sont tenus, sur la demande qui leur en est faite sous forme d'avis à tiers détenteur notifié par le comptable chargé du recouvrement, de verser, aux lieu et place des redevables, les fonds qu'ils détiennent ou qu'ils doivent, à concurrence des impositions dues par ces redevables (...)" ; qu'aux termes de l'article L. 263 de ce livre : "L'avis à tiers détenteur a pour effet d'affecter, dès réception, les sommes dont le versement est ainsi demandé au paiement des impositions privilégiées, quelle que soit la date à laquelle les créances même conditionnelles ou à terme que le redevable possède à l'encontre du tiers détenteur deviennent effectivement exigibles. Il comporte l'effet d'attribution immédiate prévu à l'article 43 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 (...)" ; qu'aux termes, enfin, de cet article 43, devenu l'article L. 211-2 du code des procédures civiles d'exécution : "L'acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie disponible entre les mains du tiers ainsi que de tous ses accessoires. Il rend le tiers personnellement débiteur des causes de la saisie dans la limite de son obligation (...) " ;
5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le Trésor public peut demander, sous forme d'un avis à tiers détenteur, au débiteur d'un contribuable défaillant de lui verser, aux lieu et place de ce dernier, la somme qu'il doit à ce contribuable alors même que cette créance procède d'une décision de justice non définitive ; que la survenance d'un litige demeure sans incidence sur l'existence de cette créance et ne saurait dès lors faire obstacle à la notification d'un avis à tiers détenteur ; qu'en cas de paiement par le tiers, notamment dans l'hypothèse où, après ce paiement, une décision de justice a constaté l'absence, pour tout ou partie de son montant, de l'existence de la créance détenue par le contribuable sur le tiers qui a procédé à ce paiement, le Trésor public n'est pas tenu de rendre à ce tiers ce montant total ou partiel ; que, dans le cas où le Trésor public a remboursé au tiers tout ou partie de la somme payée par ce tiers au vu de l'avis qui lui avait été notifié, il peut alors faire valoir ses droits auprès du contribuable défaillant pour obtenir le paiement de la somme restant due par celui-ci, le principe de l'effet de l'attribution immédiate de l'avis à tiers détenteur ayant seulement eu pour objet de transférer à l'Etat la propriété de la créance et non d'éteindre définitivement la dette du contribuable ; que la SCI Saint-Michel n'est dès lors pas fondée à soutenir que, consécutivement à la réduction par la cour d'appel de Poitiers, le 5 mars 2008, du montant de la condamnation mise à la charge de la société Sofirec et de son assureur, la société des Assurances Générales de France Vie et au reversement par le Trésor public à la société Assurances Générales France Vie de la somme de 124 283,75 euros, le Trésor public ne pouvait la mettre en demeure, le 29 mars 2011, de payer cette somme ;
En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale :
6. Considérant que les termes de l'instruction 02-063-A-M du 22 juillet 2002 invoquée par la requérante, ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale distincte de celle dont il est fait application par le présent arrêt, dont la requérante serait fondée à se prévaloir en application des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI Saint-Michel n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la SCI Saint-Michel demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SCI Saint-Michel est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Saint-Michel et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 12 mars 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- M. Etienvre, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 avril 2015.
Le rapporteur,
F. ETIENVRELe président,
F. BATAILLE
Le greffier,
C. CROIGER
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13NT002350