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06/03/2015 | FRANCE | N°13NT01193

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 06 mars 2015, 13NT01193


Vu la requête, enregistrée le 24 avril 2013, présentée pour la société Futures Energies Investissements, dont le siège est " Le Nautilus " 14, rue sous-marin Venus à Lorient (56100), par Me Gelas, avocat au barreau de Paris ; la société Futures Energies Investissements demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200024 du 8 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 14 août 2011 du préfet de la région Basse Normandie refusant de lui délivrer les permis de construire qu'elle sollicitait pour

trois éoliennes sur le territoire de la commune de Thiéville et deux éolie...

Vu la requête, enregistrée le 24 avril 2013, présentée pour la société Futures Energies Investissements, dont le siège est " Le Nautilus " 14, rue sous-marin Venus à Lorient (56100), par Me Gelas, avocat au barreau de Paris ; la société Futures Energies Investissements demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200024 du 8 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 14 août 2011 du préfet de la région Basse Normandie refusant de lui délivrer les permis de construire qu'elle sollicitait pour trois éoliennes sur le territoire de la commune de Thiéville et deux éoliennes et un poste de livraison sur celui de la commune d'Ouville-la-Bien-Tournée, ainsi que de la décision du 7 décembre 2011 rejetant son recours gracieux ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de la région Basse Normandie de lui délivrer les permis de construire sollicités, à défaut, de statuer de nouveau sur sa demande de permis de construire, dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- les décisions contestées sont entachées d'une incompétence négative ;

- en refusant d'accorder les permis de construire demandés au motif que le projet était de nature à porter atteinte à la sécurité publique au sens de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation ; les dispositions de la circulaire interministérielle du 3 mars 2008 ne pouvaient servir de fondement aux décisions de refus contestées ; le préfet utilise la notion de zone de coordination comme interdisant toute construction d'éoliennes ; il n'existe pas d'impact avéré de perturbation du fonctionnement des radars par les éoliennes ; le déplacement ou le dédoublement du radar ainsi que certaines " avancées technologiques " notamment la conception d'éoliennes d'une " surface équivalent radar " réduite, sont de nature à limiter leur impact sur le fonctionnement du radar de Falaise ; le préfet aurait dû engager une procédure de concertation avec le pétitionnaire avant de refuser les permis de construire sollicités ;

- le préfet a, également, entaché ses décisions de refus d'une erreur d'appréciation au regard des prescriptions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ; le paysage ne présente aucun caractère ou intérêt particulier ; aucune atteinte ne sera portée à la commune de Saint-Pierre-sur-Dives et à l'abbatiale de l'abbaye Saint-Pierre ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée le 24 octobre 2013 au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2015, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que les moyens invoqués par la société Futures Energies Investissements ne sont pas fondés ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 28 janvier 2015, présenté par la société Futures Energies Investissements qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens qu'elle développe ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Buffet, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public ;

- et les observations de Me A..., substituant Me Gelas, avocat de la société Futures Energies Investissements ;

1. Considérant que la société Futures Energies Investissements relève appel du jugement du 8 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 14 août 2011 du préfet de la région Basse Normandie refusant de lui délivrer les permis de construire qu'elle sollicitait pour trois éoliennes sur le territoire de la commune de Thiéville et deux éoliennes et un poste de livraison sur celui de la commune d'Ouville-la-Bien-Tournée, ainsi que de la décision du 7 décembre 2011 rejetant son recours gracieux ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la région Basse Normandie se serait cru lié par l'avis de Météo France, celui de la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) ou celui de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Basse-Normandie, ni qu'il n'aurait pas procédé, par lui-même, à un examen particulier des demandes qui lui étaient soumises, après avoir recueilli l'ensemble des avis requis ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les décisions contestées seraient entachées d'une incompétence négative doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations " ;

4. Considérant que le projet litigieux est situé en visibilité directe du radar météorologique de Falaise, en bande C, à une distance de 13,9 kilomètres, s'agissant de la plus proche des cinq éoliennes projetées ; qu'il ressort des pièces du dossier, notamment, de l'avis émis le 21 octobre 2010 par l'établissement public Météo France, qui se fonde sur les recommandations, reprises par la circulaire interministérielle du 3 mars 2008 relative aux perturbations par les aérogénérateurs des radars fixes de l'aviation civile, de la défense nationale, de Météo-France, émises par la commission consultative de la compatibilité électromagnétique de l'Agence nationale des fréquences (ANFR), chargée de la gestion des installations et du contrôle des émissions et du traitement des brouillages, dans son rapport du 19 septembre 2005 et dans le guide du 3 juillet 2007 sur la problématique de la perturbation du fonctionnement des radars par les éoliennes, que les éoliennes en cause, implantées dans la zone dite de coordination du radar, soit dans un rayon de 5 à 20 kilomètres autour de celui-ci, et dont la zone d'impact Doppler est supérieure à 10 km et distante de moins de 10 km des autres parcs éoliens déjà autorisés, sont de nature à provoquer des échos parasites non filtrables dus aux mouvements des pales et une perte de données susceptibles de dégrader fortement les performances du radar de Falaise chargé des observations et prévisions météorologiques dans le secteur considéré, notamment des prévisions immédiates de phénomènes météorologiques dangereux tels que les zones de convergences, les fortes précipitations, les orages violents et les tornades ; que la société Futures Energies Investissements n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause la validité des éléments scientifiques susmentionnés sur lesquels Météo France s'est fondée ; que si elle soutient qu'une " erreur de mesure potentielle " n'aurait pas de réelle incidence, que " ces erreurs peuvent être éliminées " et que l'impact des éoliennes projetées est " inexistant ", elle n'apporte aucune précision à l'appui de ces allégations ; qu'ainsi, les cinq éoliennes envisagées, par leur situation et leurs caractéristiques, doivent être regardées comme étant de nature à porter atteinte à la sécurité publique au sens des dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, le préfet n'a pas fondé sa décision de refus sur les dispositions de la circulaire interministérielle du 3 mars 2008, ni sur le fait que l'existence d'une zone de coordination interdisait toute construction d'éoliennes mais s'est borné à faire application des dispositions de l'article R. 111-2 précité aux demandes de permis de construire qui lui étaient présentées; qu'enfin, la société requérante ne démontre pas que le déplacement ou le dédoublement du radar ou encore que certaines " avancées technologiques ", notamment, la conception d'éoliennes d'une " surface équivalent radar " réduite, alors, en outre, qu'il n'est ni allégué ni même soutenu, que les demandes de permis portaient sur la construction de telles éoliennes, seraient de nature à limiter leur impact sur le fonctionnement du radar de Falaise et auraient nécessité, de ce fait, la mise en place d'une concertation avec le pétitionnaire préalablement aux décisions de refus qui lui ont été opposées ; que, par suite, ces décisions n'ont pas été prises au terme d'une procédure irrégulière et ne sont entachées, ni d'une erreur de droit, ni d'une erreur d'appréciation ;

5. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales " ;

6. Considérant que le projet litigieux consiste en la réalisation de cinq éoliennes, d'une hauteur de 146 mètres pale levée, au sud-est de la plaine de Caen dans un paysage marqué par la vallée de la Dives qui offre des vues dégagées, à 1,5 kilomètre environ du centre ancien de Saint-Pierre-sur-Dives, comportant plusieurs monuments historiques parmi lesquels l'abbaye Saint-Pierre, dont l'abbatiale constitue l'édifice repère du secteur, avec laquelle il est en co-visibilité; que, dans ces conditions, et alors qu'il n'est pas contesté que ce projet se situe également dans le prolongement de plusieurs autres parcs éoliens existants contribuant à un effet de saturation du paysage, il est de nature à porter atteinte au patrimoine monumental, urbain et paysager de ce secteur ; que, par suite, le préfet de la région Basse Normandie a pu légalement, sur le fondement des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, refuser les permis de construire sollicités ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Futures Energies Investissements n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Considérant que le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par la société Futures Energies Investissements ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la société Futures Energies Investissements demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Futures Energies Investissements est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Futures Energies Investissements et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Délibéré après l'audience du 3 février 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Buffet, premier conseiller,

- M. Pouget, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 mars 2015.

Le rapporteur,

C. BUFFETLe président,

A. PÉREZ

Le greffier,

S. BOYÈRE

La République mande et ordonne au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT01193
Date de la décision : 06/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: M. DELESALLE
Avocat(s) : GELAS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-03-06;13nt01193 ?
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