Vu le recours, enregistré le 31 mars 2014, présenté par le ministre de l'intérieur, qui demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement nos 1104741 et 1107487 du 14 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a, d'une part, annulé la décision en date du 26 mai 2011 par laquelle la commission de recours contre les décisions de visa d'entrée en France a rejeté la demande de visa de long séjour formée par Mme B... A...et, d'autre part, enjoint au ministre de l'intérieur de procéder au réexamen de la demande de Mme A..., dans le délai de deux mois ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Nantes ;
il fait valoir que :
- Mme A... n'apporte pas la preuve que sa fille subvient à ses besoins par des virements réguliers ;
- elle n'apporte pas la preuve qu'elle dispose des ressources nécessaires pour financer son séjour au sens de l'article L. 313-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, séjour qui ne peut être pris en charge par des tiers ;
- elle souhaite en réalité s'installer de manière permanente en France et le visa sollicité ne peut lui être délivré ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2014, présenté pour Mme A..., par Me Thiriez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui conclut au rejet du recours et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle fait valoir que :
- la requête du ministre n'est pas recevable car non accompagnée d'une copie du jugement attaquée ;
- elle dispose de ressources suffisantes pour prendre en charge son séjour ; sa fille et son gendre disposent d'importants revenus et sont propriétaires de plusieurs logements qui pourront être mis à sa disposition ; l'article L. 313-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas applicable aux demandes de visa ;
- le risque de détournement de visa allégué par le ministre n'est pas établi ; ses séjours en France ont toujours été réguliers ;
- elle est ascendante à charge de sa fille et son gendre ; sa pension de retraite d'un montant de 200 euros environ est insuffisante pour vivre dans son pays d'origine dans des conditions décentes ; son gendre et sa fille lui versent de l'argent régulièrement ; elle dispose par ailleurs d'une carte de crédit mise à disposition par sa fille ;
- la décision contestée en date du 26 mai 2011 méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de l'état de santé de sa fille qui ne peut lui rendre visite en Russie ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 février 2015 le rapport de M. Francfort, président-assesseur ;
1. Considérant que Mme A..., de nationalité russe née le 1er septembre 1948 en Oudmourtie (Russie), a déposé auprès du consulat général de France à Moscou, le 25 novembre 2010, une demande de visa long séjour afin de s'établir auprès de sa fille, de nationalité française, et de son gendre ; que par décision en date du 26 novembre 2010, le consul général de France à Moscou a rejeté sa demande tant en qualité d'ascendante à charge qu'en qualité de visiteur ; que la requérante a saisi le 18 janvier 2011 la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France d'un recours gracieux ; que le 19 mars 2011 est née du silence gardé pendant plus de deux mois par la commission une décision implicite de rejet ; que par une décision explicite du 26 mai 2011, la commission a rejeté expressément ce recours ; que le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 14 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision en date du 26 mai 2011 de la commission de recours contre les décisions de visa d'entrée en France en tant qu'elle a rejeté la demande de visa long séjour en qualité de visiteur de Mme A... ;
Sur les conclusions à fin d'annulation, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée au recours :
2. Considérant, d'une part, que si les revenus personnels de Mme A..., ressortissante russe qui perçoit une pension de retraite d'un montant mensuel de 200 euros environ, ne lui permettent pas d'assurer ses frais de voyage et de séjour, sa fille et son gendre, qui se sont engagés à l'héberger et à subvenir à ses besoins, occupent des emplois stables et jouissent d'un revenu annuel de plus de 178 000 euros ; que compte tenu de ces revenus, qui pouvaient être pris en compte, la commission ne pouvait estimer que la requérante ne justifiait pas d'une capacité financière lui permettant de faire face de manière autonome aux frais de toute nature liés à son séjour en France ;
3. Considérant, d'autre part, qu'à supposer que le ministre de l'intérieur, qui invoque au contentieux un risque de détournement de visa en faisant valoir que Mme A... souhaite s'installer en France de manière permanente, ait ainsi entendu faire valoir devant la cour une demande de substitution des motifs de sa décision, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de la décision de la commission ce risque était établi compte tenu, notamment, de la régularité des séjours antérieurs effectués par l'intéressée en France sous couvert de visas de court séjour ; qu'ainsi la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant à Mme A... un visa de long séjour en qualité de visiteur ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont annulé le refus de visa en litige ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du ministre de l'intérieur est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B...A....
Délibéré après l'audience du 6 février 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Durup de Baleine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 février 2015.
Le rapporteur,
J. FRANCFORT Le président,
H. LENOIR
Le greffier,
F. PERSEHAYE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT00862 2
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