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27/02/2015 | FRANCE | N°14NT00812

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 27 février 2015, 14NT00812


Vu la requête, enregistrée le 27 mars 2014, présentée, pour Mme A... B..., demeurant..., par Me Zouine, avocat ; Mme B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 133108 et n° 136296 du 17 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part de la décision du 28 février 2013 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision de l'ambassadeur de France à Yaoundé du 17 octobre 2012 refusant de délivrer un visa long sé

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Vu la requête, enregistrée le 27 mars 2014, présentée, pour Mme A... B..., demeurant..., par Me Zouine, avocat ; Mme B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 133108 et n° 136296 du 17 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part de la décision du 28 février 2013 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision de l'ambassadeur de France à Yaoundé du 17 octobre 2012 refusant de délivrer un visa long séjour à Wylfriede C..., et d'autre part de la décision du ministre de l'intérieur du 1er juillet 2013 refusant de délivrer un visa long séjour à WylfriedeC... ;

2°) d'annuler ces décisions du 28 février 2013 et du 1er juillet 2013 ;

3°) d'ordonner au ministre de l'intérieur de délivrer un visa long séjour à WylfriedeC..., dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à son conseil, à condition que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la demande de visa a été rejetée sur la base d'une première levée d'acte opérée dans un centre d'état civil qui n'est pas celui qui détient l'acte de Mlle C... et le second refus repose sur un acte mentionnant une commune de naissance erronée établi avant même la déclaration de naissance de l'enfant ; le maire de la commune de naissance a attesté que l'acte d'état civil n° 71/95 correspondait bien à Mlle C... et l'identité et la filiation sont par ailleurs établis par d'autres documents tels le passeport, la carte d'identité, un certificat de nationalité, un certificat de scolarité et une attestation de réussite ;

- de nombreux éléments, notamment des voyages, photographies et mandats établissent le lien de filiation par la possession d'état ;

Vu le jugement et les décisions attaquées ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2014, présenté, par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;

le ministre soutient que :

- l'acte de naissance produit au nom de Mlle C... est un faux document, ce qui justifie à justifier le refus de visa ;

- l'identité et la filiation de Mlle C... ne sont pas établies par les documents produits ;

- le lien de filiation ne peut pas être établi par la possession d'état au Cameroun ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er septembre 2014, présenté pour Mme B..., par Me Zouine ; Mme B... conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

elle soutient en outre que le maire de Sangmelina a attesté que ses services avaient commis une erreur et que l'acte n° 71/95 était bien celui de sa fille et qu'un rapport d'expertise du 22 août 2014 conclut à l'existence d'un lien biologique entre elles ;

Vu la décision du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes du 6 février 2014, admettant Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au titre de cette instance et désignant Me Zouine pour la représenter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 février 2015, le rapport de Mme Rimeu, premier conseiller ;

Après avoir pris connaissance de la note en délibéré, enregistrée le 10 février 2015, présentée pour Mme B... ;

1. Considérant que Mme A...B..., de nationalité camerounaise, a obtenu le 27 septembre 2012 une autorisation de regroupement familial en faveur de quatre de ses enfants ; que l'ambassadeur de France à Yaoundé a délivré les visas de long séjour sollicités au titre du regroupement familial pour trois de ces enfants mais a refusé ce visa à WylfriedeC... ; que le recours formé contre ce refus devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été rejeté par une décision du 28 février 2013 ; que par décision du 1er juillet 2013, le ministre de l'intérieur, statuant à nouveau sur la demande de visa de Wilfriede C...suite à une ordonnance du juge des référés du 21 mai 2013, a également refusé le visa long séjour sollicité ; que Mme B... relève appel du jugement du 17 octobre 2013 du tribunal administratif de Nantes rejetant ses conclusions à fin d'annulation de ces décisions des 28 février 2013 et 1er juillet 2013 ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " ; qu'aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité " ; que cet article pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère ; qu'il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question ;

3. Considérant que lorsque la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour un motif d'ordre public ; que figure au nombre de ces motifs l'absence de caractère authentique des actes d'état-civil produits ;

4. Considérant que le visa de long séjour a été refusé pour l'enfant Wilfriede C...au motif que le document d'état civil présenté par Mme B... pour établir sa filiation avec cet enfant n'était pas authentique ;

5. Considérant que les pièces produites par les parties ne permettent pas d'établir l'identité de la personne à qui correspond l'acte de naissance n° 71 de l'année 1995 de la commune rurale de Sangmelina ; qu'ainsi ni la levée d'acte opérée le 23 mai 2013, qui mentionne une déclaration de naissance postérieure à la date de l'acte, ni l'attestation du maire de la commune de Sangmelina n'ont un caractère probant suffisant pour établir l'authenticité de l'une des deux versions de l'acte de naissance n° 71 de l'année 1995 produites ; que, cependant, le rapport d'expertise de l'ADN du 22 août 2014, réalisé dans le cadre d'une ordonnance rendue par le tribunal de première instance de Yaoundé, établit le lien de filiation entre Mme B... et l'enfant Wilfriede C... ; que ce rapport dressé dans le cadre d'une procédure judiciaire, et dont le caractère probant n'est pas contesté, permet de pallier aux incertitudes quant à l'authenticité de l'acte de naissance de WilfriedeC... ; que dans ces conditions, en estimant que la filiation n'était pas établie, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et le ministre de l'intérieur ont commis une erreur d'appréciation ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :

7. Considérant que sous réserve d'un changement dans la situation de droit et de fait de l'intéressée, le présent arrêt implique nécessairement que le ministre de l'intérieur délivre à Wilfriede C...un visa d'entrée et de long séjour en France, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, d'une part, le versement à Mme B..., admise partiellement au bénéfice de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 275 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, et, d'autre part, le versement à Me Zouine, à condition que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat, d'une somme de 225 euros, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 17 octobre 2013, la décision du 28 février 2013 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre le refus opposé à la demande de visa long séjour de l'enfant Wilfriede C...et la décision du ministre de l'intérieur du 1er juillet 2013 refusant à nouveau de délivrer un visa long séjour à l'enfant Wilfride C...sont annulés.

Article 2 : Sous réserve d'un changement dans la situation de droit ou de fait de l'intéressée, il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Wilfriede C...un visa d'entrée et de long séjour en France dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 275 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : L'Etat versera à Me Zouine, à condition que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat, la somme de 225 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., à Me Zouine et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 6 février 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 février 2015.

Le rapporteur,

S. RIMEU

Le président,

H. LENOIR

Le greffier,

F. PERSEHAYE

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT00812
Date de la décision : 27/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Droits civils et individuels - État des personnes - Questions diverses relatives à l`état des personnes.

Étrangers - Entrée en France - Visas.

Procédure - Instruction - Preuve.


Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Sophie RIMEU
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : SCP COUDERC-ZOUINE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-02-27;14nt00812 ?
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