Vu la requête, enregistrée le 19 mars 2014, présentée pour Mme B... C..., demeurant..., par Me Falacho, avocat ; Mme C... demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1202260 du 14 janvier 2014 par laquelle le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Nantes a, sur le fondement des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, décidé qu'il n'y a pas lieu de statuer sur sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision de l'autorité consulaire de Douala (Cameroun) refusant la délivrance d'un visa de long séjour à ses enfants Ingrid Elisabeth Mang A...et Bernadette Sandrine Zoua ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;
3°) d'enjoindre à l'ambassadeur de France au Cameroun de délivrer à Bernadette Zoua le visa sollicité dans le délai de trente jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de son avocat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
- l'ordonnance est entachée d'erreur de fait dès lors que, si un visa a été délivré à Elisabeth Mang, aucun visa n'a en revanche été délivré à Bernadette Zoua ;
- la décision contestée n'est pas motivée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision contestée porte une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale et méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que les membres de la famille les plus proches de l'enfant Bernadette vivent en France, que M. C... l'a reconnue comme étant son enfant, qu'il envoie des subsides et maintient un contact téléphonique et qu'elle est le seul membre de la famille à résider au Cameroun ;
- la décision contestée méconnait le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que l'enfant est séparée de sa mère, de son père adoptif et de ses frères et soeurs ;
Vu l'ordonnance attaquée et la décision contestée ;
Vu la mise en demeure adressée le 4 septembre 2014 au ministre de l'intérieur, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu l'ordonnance en date du 25 novembre 2014 fixant la clôture d'instruction au 22 décembre 2014 à 12 h, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 février 2015 :
- le rapport de Mme Piltant, premier conseiller ;
1. Considérant que Mme C..., ressortissante camerounaise, a demandé le 30 juillet 2010 un visa long séjour pour elle-même et ses deux enfants mineures D...A..., née le 16 mai 2004, et Bernadette Sandrine Zoua, née le 2 avril 2000, afin qu'elles puissent rejoindre en France M. C..., ressortissant français et époux de Mme C... ; que, le 9 novembre 2010, le consul général de France à Douala a délivré le visa sollicité par Mme C... mais a sursis à délivrer les visas sollicités pour les enfants dans l'attente de vérification des actes d'état civil ; que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé le 28 octobre 2011 par Mme C... contre cette décision de l'autorité consulaire ; que Mme C... relève appel de l'ordonnance du 14 janvier 2014 par laquelle le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Nantes a estimé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande présentée tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
2. Considérant que, par décision du 20 août 2013, les autorités consulaires françaises ont accordé le visa sollicité par Ingrid Elisabeth MangA... ; qu'en revanche, le ministre, malgré la demande de la cour, ne justifie pas de ce qu'un visa a été délivré à Bernadette Sandrine Zoua ; qu'il en résulte que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que le premier juge a estimé qu'en raison de l'intervention de la décision du 20 août 2013, la demande dont le tribunal était saisi, s'agissant de Bernadette Sandrine Zoua, était devenue sans objet et a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur cette demande ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler l'ordonnance attaquée en tant qu'elle n'a pas statué sur les conclusions de la demande relative à la demande de visa formulée pour Bernadette Sandrine Zoua et de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur ces conclusions ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France :
3. Considérant que, si le ministre de l'intérieur, qui n'a pas produit d'observations en défense, doit être réputé avoir acquiescé aux faits exposés dans la requête, cette circonstance ne dispense pas la cour, d'une part, de vérifier que les faits allégués par la requérante ne sont pas contredits par les autres pièces versées au dossier, d'autre part, de se prononcer sur les moyens de droit que soulève l'examen de l'affaire ;
4. Considérant qu'il résulte de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 susvisée qu'une décision implicite intervenue dans un cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et qu'il n'est au demeurant pas soutenu que Mme C... aurait, dans le délai du recours contentieux, sollicité les motifs de la décision implicite de rejet qu'elle conteste ; que, par suite, le moyen tiré de l'absence de motivation de cette décision ne peut qu'être écarté ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande, Mme C... a produit un acte de naissance attestant de ce qu'elle est la mère de Bernadette Sandrine Zoua ainsi que la copie d'un acte de reconnaissance de l'enfant par M. C..., son époux, en date du 15 avril 2010, délivré par le consulat de France à Douala, le père biologique de l'enfant n'ayant pas reconnu sa fille ; que Mme C... soutient qu'elle a sollicité un visa pour que sa fille, provisoirement confiée à la garde de sa tante, puisse vivre en France auprès de sa mère, de son père adoptif et de ses trois demi frères et soeurs ; qu'il résulte de ce qui précède que la décision contestée de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision de l'autorité consulaire de Douala (Cameroun) refusant la délivrance d'un visa de long séjour à Bernadette Sandrine Zoua est illégale et doit être annulée ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Considérant qu'eu égard aux motifs du présent arrêt, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer, dans le délai de deux mois à compter de sa notification, le visa sollicité pour Bernadette Sandrine Zoua, sans qu'il y ait lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au profit de Mme C... ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance du tribunal administratif de Nantes du 14 janvier 2014 est annulée en tant qu'elle ne statue pas sur les conclusions relatives à la demande de visa formulée pour Bernadette Sandrine Zoua.
Article 2 : La décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par Mme C... contre la décision de l'autorité consulaire de Douala (Cameroun) refusant la délivrance d'un visa de long séjour à Bernadette Sandrine Zoua est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité pour Bernadette Sandrine Zoua dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Mme C... une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 6 février 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- Mme Piltant, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 février 2015.
Le rapporteur,
Ch. PILTANTLe président,
H. LENOIR
Le greffier,
F. PERSEHAYE
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N° 14NT00702 2
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