La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/02/2015 | FRANCE | N°14NT00477

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 19 février 2015, 14NT00477


Vu la requête, enregistrée le 26 février 2014, présentée pour le foyer occupationnel pour adultes de Graye-sur-Mer, représenté par son directeur en exercice, dont le siège est Château de Vaux, BP 104 à Graye-sur-Mer (14470), par Me Gorand, avocat au barreau de Caen ; le foyer occupationnel pour adultes de Graye-sur-Mer demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 12-2398 en date du 7 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Caen l'a condamné à verser à Mme A... une somme correspondant à la totalité des heures de travail de nuit effectuées par celle-ci

du mois de janvier 2008 au mois de septembre 2010, déduction faite des r...

Vu la requête, enregistrée le 26 février 2014, présentée pour le foyer occupationnel pour adultes de Graye-sur-Mer, représenté par son directeur en exercice, dont le siège est Château de Vaux, BP 104 à Graye-sur-Mer (14470), par Me Gorand, avocat au barreau de Caen ; le foyer occupationnel pour adultes de Graye-sur-Mer demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 12-2398 en date du 7 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Caen l'a condamné à verser à Mme A... une somme correspondant à la totalité des heures de travail de nuit effectuées par celle-ci du mois de janvier 2008 au mois de septembre 2010, déduction faite des rémunérations déjà perçues et dans la limite du montant demandé de 21 402,84 euros, sur la base du taux horaire qui lui était légalement applicable ;

2°) de rejeter la demande de Mme A... ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- aucune faute ne peut lui être reprochée dès lors que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le comité technique a été régulièrement consulté au fil des années sur l'organisation du temps de travail des agents effectuant des veilles de nuit ; ainsi le comité technique paritaire s'est prononcé le 19 décembre 2003 sur la mise en place du régime d'équivalence au regard d'un tableau de service daté du 18 décembre qui prévoyait que les heures de nuit, entre 22 heures et 7 heures étaient comptabilisées pour 3 heures ; le comité technique a ensuite été régulièrement consulté les 25 septembre 2006, 22 janvier et 15 mars 2007, 16 novembre et 10 décembre 2009 et le 2 septembre 2010 ;

- à partir du mois d'octobre 2010, la période de nuit, de 22 heures à 7 heures a été portée de 23 heures à 7 heures, soit 8 heures décomptées pour 3 heures tandis que l'heure effectuée de 22 heures à 23 heures était décomptée comme une heure de travail effectif ;

- subsidiairement, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le régime d'équivalence prévu par l'article 18 du décret du 4 janvier 2002 s'applique aux agents qui assurent une surveillance nocturne de manière directe sans décision préalable du chef d'établissement et, en vertu de l'article 8 du même décret, il appartient au chef d'établissement, après consultation du comité technique d'établissement, de procéder à l'aménagement et à la répartition des horaires de travail, ce qui prend la forme de tableaux de service ;

- Mme A... n'établit pas la réalité du préjudice subi dès lors que le régime d'équivalence mis en oeuvre au sein de l'établissement est conforme aux dispositions de l'article 18 du décret du 4 janvier 2002 et qu'aucune faute dans la mise en oeuvre de ce régime ne peut être reprochée à l'établissement ; subsidiairement, l'indemnité qui serait allouée à Mme A... devrait être calculée en application des dispositions de l'article 18 du décret du 4 janvier 2002 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2014, présenté pour Mme C...A..., par Me Launay, avocat au barreau de Caen ; Mme A... conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à la réformation du jugement attaqué en ce qu'il a rejeté sa demande relative au paiement de la totalité des heures effectuées la nuit à compter du mois de septembre 2010 ;

3°) à la condamnation du foyer occupationnel pour adultes de Graye-sur-Mer à lui verser une indemnité correspondant au paiement de la totalité des heures de travail effectuées de nuit y compris à compter du mois de septembre 2010 avec indemnités et majorations prévues par les dispositions des décrets n° 88-1084 du 30 novembre 1988, n° 92-7 du 2 janvier 1992 et n° 2002-598 du 25 avril 2002, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts ;

4°) à ce que soit mise à la charge du foyer occupationnel pour adultes de Graye-sur-Mer la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle fait valoir que :

- il résulte des dispositions des articles 8 et 9 du décret du 4 janvier 2002 qu'il appartient au chef d'établissement de fixer les cycles de travail ainsi que l'aménagement et la répartition des horaires de travail après avis du comité technique d'établissement ; or aucune consultation de ce comité n'est intervenue avant le 2 septembre 2010 ; dès lors, c'est à tort que le foyer considère que le régime d'équivalence est applicable par le seul effet de l'article 18 du décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 ;

- il résulte des termes du guide du temps de travail au sein de l'établissement, produit par le foyer occupationnel, dans sa version n° 1 du 11 juin 2007, applicable à compter du 1er septembre 2007 et dont les dispositions s'imposent au directeur de l'établissement, qu'aucun régime d'équivalence n'était en vigueur au sein de l'établissement, ou à tout le moins, qu'il était dérogé aux dispositions de l'article 18 du décret du 4 janvier 2002 ;

- en outre, ainsi que l'a retenu le tribunal administratif, les procès-verbaux du comité technique d'établissement des 19 décembre 2003 et 30 août 2007 versés au dossier ne permettent pas d'établir que l'avis de ce comité a été rendu en ce qui concerne l'aménagement et la répartition des horaires de travail de nuit au sein du foyer, en méconnaissance des dispositions de l'article 8 du décret du 4 janvier 2002 ;

- pour la période postérieure au 2 septembre 2010, aucun avenant au guide du temps de travail applicable au sein du foyer à compter du 1er septembre 2007 n'a été adopté et le seul avis du comité technique d'établissement produit par le foyer en première instance ne peut justifier du respect des dispositions des articles 8 et 9 du décret du 4 janvier 2002 à défaut d'une décision du directeur de l'établissement fixant l'aménagement et la répartition des horaires et organisant les cycles de travail ; au fond, le jugement devra être réformé en ce qu'il a rejeté sa demande d'indemnité pour la période postérieure au mois de septembre 2010 ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 23 janvier 2015, présenté pour le foyer occupationnel pour adultes de Graye-sur-Mer, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

Vu le décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l'organisation du travail dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 janvier 2015 :

- le rapport de Mme Specht, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public ;

- et les observations de Me Launay, avocat de Mme A... ;

1. Considérant que le foyer occupationnel pour adultes de Graye-sur-Mer (Calvados) relève appel du jugement du 7 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Caen l'a condamné à verser à Mme A..., qui exerce les fonctions d'aide-soignante dans cet établissement, une somme correspondant à la totalité des heures de travail de nuit effectuées par celle-ci du mois de janvier 2008 au mois de septembre 2010, déduction faite des rémunérations déjà perçues ; que Mme A... conclut au rejet de la requête et demande, par la voie de l'appel incident, la réformation du même jugement en tant qu'il a rejeté sa demande indemnitaire portant sur la période postérieure au mois d'octobre 2010 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 du décret du 4 janvier 2002 : " L'aménagement et la répartition des horaires de travail sont fixés par le chef d'établissement, après avis du comité technique d'établissement ou du comité technique et compte tenu de la nécessité d'assurer la continuité des soins ou de la prise en charge des usagers, les dimanches, les jours fériés et la nuit. " ; qu'aux termes de l'article 13 de ce décret : " Dans chaque établissement, un tableau de service élaboré par le personnel d'encadrement et arrêté par le chef d'établissement précise les horaires de chaque agent pour chaque mois. (...) " ; qu'enfin l'article 18 du même décret dispose que : " I. Les agents mentionnés aux articles 2, premier alinéa, 9 et 37 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée occupant des emplois correspondant à ceux relevant (...) du corps des aides-soignants (...), exerçant à temps plein sur des emplois à temps complet et assurant en chambre de veille au sein d'un des établissements mentionnés aux 4° à 6° de l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 la responsabilité d'une période de surveillance nocturne sont soumis à une durée équivalente à la durée légale du travail. / II. La période de présence en chambre de veille s'étend de l'heure du coucher à l'heure du lever des personnes accueillies, telles qu'elles sont fixées par le tableau de service, sans pouvoir excéder douze heures. / III. Pour le calcul de la durée légale du travail, chacune des périodes mentionnées au II est décomptée comme trois heures de travail effectif pour les neuf premières heures et comme une demi-heure pour chacune des heures au-delà de neuf heures. (...) IV. - Le recours au régime d'équivalence prévu au I et au III du présent article ne peut avoir pour effet de porter : (...) 2° A plus de douze heures, décomptées heure pour heure, la durée du travail de nuit de ces agents, sur une période quelconque de vingt-quatre heures ; ces agents bénéficient de périodes de repos d'une durée au moins équivalente au nombre d'heures effectuées au-delà de la huitième heure. " ;

3. Considérant que les dispositions de l'article 18 du décret du 4 janvier 2002, qui définissent règlementairement le régime d'équivalence en heures de travail du temps passé en chambre de veille, sont d'application directe et générale à tous les établissements qui entrent dans leur champ d'application ; que, dès lors, ce régime ne relève pas de la compétence de chaque chef d'établissement et que la procédure qui s'impose à celui-ci en application des dispositions des articles 8 et 13 du même décret ne concerne que l'aménagement et la répartition des horaires de travail à l'intérieur de l'établissement, sous la forme de tableaux de service ; que, par ailleurs et contrairement à ce que soutient Mme A..., le " guide du temps de travail " dans l'établissement, applicable depuis le 1er septembre 2007, est un document qui se borne à expliquer les principes du temps de travail contenus dans le décret du 4 janvier 2002 et à donner des exemples de décomptes du temps de travail et ne saurait déroger aux règles du régime d'équivalence fixées règlementairement par les dispositions précitées de l'article 18 de ce décret ; qu'ainsi l'application aux agents du foyer occupationnel pour adultes de Graye-sur-Mer de ce régime d'équivalence n'avait pas à être précédée de la consultation du comité technique d'établissement et les calculs de rémunération opérés par l'établissement sur le fondement des dispositions de l'article 18 précité du décret du 4 janvier 2002 pour la période allant de 2008 à 2010 étaient légalement fondés ; qu'il suit de là que c'est à tort que le tribunal administratif de Caen, se fondant sur la faute commise par l'établissement en ce qu'il n'avait pas recueilli l'avis du comité technique d'établissement préalablement à la mise en place d'un régime d'équivalence et sur l'inapplicabilité de ce régime dans l'établissement entre 2008 et 2010, a condamné ce dernier à verser à Mme A... une somme représentant la totalité des heures de nuit effectuées au cours de la même période ;

4. Considérant qu'il y a lieu, pour la cour, saisie par la voie de l'effet dévolutif, de statuer sur les autres moyens présentés par Mme A... devant le tribunal et devant la cour ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment du procès-verbal de la séance du 19 décembre 2003 du comité technique d'établissement du foyer occupationnel pour adultes de Graye-sur-Mer, que cette instance a été régulièrement consultée, en application de l'article 8 du décret du 4 janvier 2002, sur les modalités d'aménagement et de répartition des horaires de travail, retracées sous forme de tableaux de service, et y a donné un avis favorable ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité des modalités d'aménagement et de répartition des heures de travail de nuit au sein du foyer, à supposer que ce moyen soit de nature à engager la responsabilité de l'établissement, ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant, en second lieu, qu'il résulte également de l'instruction, et notamment du procès-verbal de la séance du 19 décembre 2003 du comité technique d'établissement déjà mentionnée au point précédent, que les tableaux de service soumis à l'avis de cette instance, qui ont fait l'objet d'un avis favorable, ont été régulièrement appliqués au sein de l'établissement ; que, par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir, à supposer que ce moyen soit de nature à engager la responsabilité de l'établissement, que les tableaux de service auraient été irrégulièrement établis en l'absence d'une décision expresse du directeur de l'établissement, alors qu'une telle condition ne résulte pas des dispositions précitées de l'article 13 du décret du 4 janvier 2002 ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le foyer occupationnel pour adultes de Graye-sur-Mer est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a fait droit aux conclusions indemnitaires de Mme A... ; que les conclusions incidentes présentées par cette dernière devant la cour ainsi en tout état de cause que ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du foyer occupationnel pour adultes de Graye-sur-Mer, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de Mme A... le versement au foyer occupationnel pour adultes de Graye-sur-Mer de la somme de 500 euros au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 12-2398 du 7 janvier 2014 du tribunal administratif de Caen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Caen ainsi que les conclusions présentées par elle devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Mme A... versera au foyer occupationnel pour adultes de Graye-sur-Mer la somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au foyer occupationnel pour adultes de Graye-sur-Mer et Mme C...A....

Délibéré après l'audience du 29 janvier 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Specht, premier conseiller,

- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 février 2015.

Le rapporteur,

F. SPECHT Le président,

I. PERROT

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

N° 14NT00477 2

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT00477
Date de la décision : 19/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Frédérique SPECHT
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : SELARL JURIADIS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-02-19;14nt00477 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award