Vu la requête, enregistrée le 28 mai 2014, présentée pour Mme B...A..., demeurant..., par Me Renard, avocat ; elle demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement no 1308410 en date du 14 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 4 octobre 2013 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, Me Renard, d'une somme de 1 800 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation de ce conseil à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;
elle soutient que :
- la décision portant refus de titre est insuffisamment motivée et a été adoptée sans que sa situation personnelle soit examinée ; cette décision méconnaît les articles L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité affectant la décision de refus de titre de séjour ; cette décision est insuffisamment motivée et a été adoptée sans que sa situation personnelle soit examinée ; cette décision viole son droit d'être entendu, expression des droits de la défense et du principe de bonne administration ; le préfet ne pouvait, sans méconnaître l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les articles suivants du même code, prendre une telle décision à son encontre alors qu'elle devait être regardée comme ayant demandé l'asile et qu'il n'avait pas été statué sur cette demande ; la décision en cause viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité affectant le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ; cette décision est insuffisamment motivée et a été adoptée sans que sa situation personnelle soit examinée ; elle viole l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance du 14 octobre 2014 fixant la clôture de l'instruction au 14 novembre 2014 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2014, présenté par le préfet de la Loire-Atlantique, qui conclut au rejet de la requête ;
il soutient que les moyens soulevés par la requérante doivent être écartés ;
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 29 avril 2014, admettant Mme A...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale désignant Me Renard pour la représenter ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 décembre 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 janvier 2015 le rapport de M. Jouno, premier conseiller ;
1. Considérant que MmeA..., ressortissante turque née en 1992, est entrée, selon ses propres déclarations, sur le territoire le 15 décembre 2012 ; qu'elle a demandé par courrier du 22 juillet 2013 à faire l'objet, à titre exceptionnel, d'une mesure de régularisation ; que, par arrêté du 4 octobre 2013, le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle devait être conduite ; que Mme A...relève appel du jugement en date du 14 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que Mme A...reprend en appel les moyens qu'elle avait invoqués en première instance et tirés, d'une part, de l'insuffisance de motivation de la décision de refus de titre, et d'autre part, de ce que sa situation personnelle n'a pas été examinée ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Nantes ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ;
4. Considérant qu'à l'appui du moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, Mme A...invoque, en des termes généraux, son intégration à la société française, son respect de ses valeurs et de l'ordre public ainsi que les risques qu'elle encourrait en cas de retour en Turquie ; que, toutefois, ces risques ne sont pas établis ; que, par ailleurs, les autres circonstances invoquées par MmeA..., à les supposer avérées, ne suffisent pas à caractériser des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) " ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeA..., dont il n'est pas contesté qu'elle est célibataire, ne séjournait en France que depuis moins d'un an à la date de la décision lui refusant un titre de séjour ; qu'ainsi, eu égard à la brièveté et aux conditions de son séjour, et alors même qu'un de ses oncles, chez lequel elle demeure, séjourne en France, la décision en cause n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ;
7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ;
8. Considérant que MmeA..., qui, ainsi qu'il a été dit au point 1 est entrée sur le territoire selon ses propres déclarations le 15 décembre 2012, a donné naissance, le 10 juillet 2013, à un fils et soutient que l'obligation de quitter le territoire français a été adoptée sans que l'intérêt supérieur de cet enfant soit pris en considération ; que, toutefois, Mme A...ne livre aucune précision quant au père de cet enfant ; qu'il n'est pas établi qu'en cas de retour de Mme A... en Turquie, cet enfant ne pourrait pas poursuivre sa vie familiale avec sa mère ;
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination :
9. Considérant, en premier lieu, qu'ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne par un arrêt Mukarubega du 5 novembre 2014 (C-166/13), le droit d'être entendu dans toute procédure ne s'oppose pas à ce qu'une autorité nationale n'entende pas le ressortissant d'un pays tiers spécifiquement au sujet d'une décision de retour lorsque, après avoir constaté le caractère irrégulier de son séjour sur le territoire national à l'issue d'une procédure ayant pleinement respecté son droit d'être entendu, elle envisage de prendre à son égard une telle décision, que cette décision de retour soit consécutive ou non à un refus de titre de séjour ;
10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des éléments de fait rappelés aux points 2, 6 et 8, que le droit d'être entendu de l'intéressée a été satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour litigieux ; que, dans ces conditions, Mme A...n'est pas fondée à faire valoir que l'obligation de quitter le territoire français qui lui a été faite méconnaît son droit d'être entendue, protégé par le droit de l'Union en tant que partie intégrante des droits de la défense ;
11. Considérant, en deuxième lieu, que Mme A...reprend en appel les moyens qu'elle avait invoqués en première instance et tirés, d'une part, de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire français, d'autre part, de ce que sa situation personnelle n'a pas été examinée et, enfin, de ce que cette obligation est illégale par voie de conséquence de l'illégalité affectant la décision de refus de titre de séjour ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Nantes ;
12. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger, se trouvant à l'intérieur du territoire français, demande à bénéficier de l'asile, l'examen de sa demande d'admission au séjour relève du préfet de département (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 742-1 de ce code : " Lorsqu'il est admis à séjourner en France (...), l'étranger qui demande à bénéficier de l'asile se voit remettre un document provisoire de séjour lui permettant de déposer une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 742-5 du même code : " Dans le cas où l'admission au séjour a été refusée pour l'un des motifs mentionnés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4, l'étranger qui souhaite bénéficier de l'asile peut saisir l'office de sa demande. (...) " ;
13. Considérant que ces dispositions ont pour effet d'obliger l'autorité de police à transmettre au préfet, et ce dernier à enregistrer, une demande d'admission au séjour au titre de l'asile formulée par un étranger à l'occasion de son interpellation ; que, par voie de conséquence, ces dispositions font également obstacle à ce que le préfet fasse usage des pouvoirs que lui confère le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en matière d'éloignement des étrangers en situation irrégulière avant d'avoir statué sur cette demande d'admission au séjour déposée au titre de l'asile ;
14. Considérant que Mme A...a, certes, fait valoir, dans son courrier du 22 juillet 2013, que des risques pesaient sur elle en cas de retour en Turquie ; que, toutefois, elle n'établit pas avoir demandé l'asile en France ; que, par suite, elle n'est pas fondée à faire valoir que le préfet de la Loire-Atlantique l'a obligée à quitter le territoire français avant d'avoir statué sur une demande d'admission au séjour au titre de l'asile ;
15. Considérant, en quatrième lieu, que les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés pour les motifs exposés aux points 5 à 8 ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
16. Considérant que Mme A...reprend en appel les moyens qu'elle avait invoqués en première instance et tirés, en premier lieu, de l'insuffisance de motivation de cette décision, en deuxième lieu, de ce que sa situation personnelle n'a pas été examinée, en troisième lieu, de ce que cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité affectant le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français, et en quatrième lieu, de ce que cette décision viole l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Nantes ;
17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
18. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par MmeA..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
19. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont MmeA..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, demande le versement au profit de son avocat au titre des frais non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 22 janvier 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Loirat, président-assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 5 février 2015.
Le rapporteur,
T. JOUNO Le président,
F. BATAILLE
Le greffier,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
''
''
''
''
2
N° 14NT01431