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05/02/2015 | FRANCE | N°13NT02629

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 05 février 2015, 13NT02629


Vu la requête, enregistrée le 6 septembre 2013, présentée pour le Gaec de Goutheau, dont le siège est au Goutheau, à Mobecq (50250) et M. F... D..., demeurant..., par Me Rousselot, avocat au barreau de Caen ; le Gaec de Goutheau et M. D... demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 12-2402 du 5 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 28 juin 2012 du préfet de la Manche refusant de leur accorder l'autorisation d'exploiter trois parcelles d'une superficie totale de 7 hectares 93 ares et 1

7 centiares situées sur le territoire de la commune de Saint-Nicol...

Vu la requête, enregistrée le 6 septembre 2013, présentée pour le Gaec de Goutheau, dont le siège est au Goutheau, à Mobecq (50250) et M. F... D..., demeurant..., par Me Rousselot, avocat au barreau de Caen ; le Gaec de Goutheau et M. D... demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 12-2402 du 5 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 28 juin 2012 du préfet de la Manche refusant de leur accorder l'autorisation d'exploiter trois parcelles d'une superficie totale de 7 hectares 93 ares et 17 centiares situées sur le territoire de la commune de Saint-Nicolas de Pierrepont ainsi que de la décision du 2 octobre 2012 rejetant leur recours gracieux ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

ils soutiennent que :

- la perte par M. G... de 4 hectares et l'installation à venir de son fils ne font pas partie des critères définis à l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime permettant de départager les candidats relevant du même rang de priorité tel qu'énoncé par le schéma directeur départemental des structures agricoles ;

- la circonstance que le Gaec dispose de 140 droits à prime aux vaches allaitantes, élément qui ne figure pas au titre des motifs énoncés par le préfet dans sa décision, ne pouvait être retenue par le tribunal administratif comme motif suffisant à justifier la décision contestée ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que le préfet n'avait pas commis d'erreur d'appréciation au regard de la dimension économique des exploitations alors que le Gaec comprend trois actifs agricoles associés à temps plein et un salarié saisonnier ;

- c'est à tort que le même tribunal a jugé que le préfet aurait pris la même décision s'il ne s'était pas référé de façon erronée à la comparaison des distances séparant le siège d'exploitation des demandeurs des terres litigieuses et à l'installation future et éventuelle du fils de M. G... ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 juin 2014, présenté par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 584 euros soit mise à la charge du Gaec de Goutheau et de M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision du 28 juin 2012, qui est nouveau en appel, est irrecevable ; en tout état de cause il n'est pas fondé dès lors que la décision est motivée au regard des 3°, 4° et 7° de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime ; cette motivation a permis aux destinataires de la décision de connaître avec une précision suffisante les motifs du refus ;

- si le préfet saisi de plusieurs demandes d'autorisation d'exploiter portant sur les mêmes terres a la possibilité de délivrer plusieurs autorisations lorsque les candidats relèvent du même rang de priorité, il demeure libre de départager les candidats selon les critères prévus à l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime ;

- si les deux candidats relevaient du rang de priorité 1-3 de l'article 2 du schéma directeur départemental des structures agricoles relatif aux " autres agrandissements ",

M. G... ne disposait d'aucun droit à primes pour vaches allaitantes et la perte certaine de 4 hectares avait nécessairement un impact sur la situation économique de son exploitation ; ces éléments pouvaient à eux seuls justifier la délivrance d'une autorisation d'exploiter à M. G... et le refus opposé au Gaec ; le préfet a donc pris en compte les biens corporels et incorporels dont disposent les demandeurs, la situation professionnelle des pétitionnaires et enfin la structure parcellaire de leurs exploitations ; la circonstance que la décision contestée se réfère également à la future installation du fils de M. G... est sans incidence sur sa légalité ; c'est donc à bon droit que le tribunal administratif a estimé que le préfet aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que les motifs tirés de la situation personnelle des deux candidats et des biens corporels et incorporels attachés au fonds dont ceux-ci disposent déjà ;

- les requérants n'apportent aucun élément de nature à établir que la décision contestée serait entachée d'une erreur d'appréciation de la dimension économique des exploitations des candidats ;

- l'existence d'un salarié agricole saisonnier au sein du Gaec, qui ne figure pas au dossier de demande d'autorisation, ne pouvait être prise en compte par le préfet ;

- la prétendue erreur de fait commise par le préfet sur la distance séparant le siège d'exploitation de M. G... des parcelles litigieuses est sans incidence sur l'appréciation portée par lui et n'est pas à elle seule de nature à modifier le sens de sa décision ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural et de la pêche maritime ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 janvier 2015 :

- le rapport de Mme Gélard, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public ;

1. Considérant que M. G... a déposé le 27 mars 2012 une demande d'autorisation d'exploiter les parcelles cadastrées nos ZI 11, ZI 27 et ZI 89 d'une superficie de

7 hectares, 93 ares et 17 centiares situées sur le territoire de Saint-Nicolas de Pierrepont ; que le Gaec du Goutheau, qui a pour associés M. F... D..., M. B... E...et M. C..., a présenté le 10 avril 2012 une demande analogue ; qu'après avis de la commission départementale d'orientation agricole, le préfet de la Manche a, par deux arrêtés du 28 juin 2012, d'une part rejeté la demande du Gaec et d'autre part accordé à M. G... l'autorisation d'exploiter les parcelles énoncées ci-dessus ; que le Gaec du Goutheau ainsi que M. D... ont saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 juin 2012 les concernant et de la décision du 2 octobre 2012 du préfet de la Manche rejetant leur recours gracieux ; que, par un jugement du 5 juillet 2013, le tribunal administratif a rejeté leur demande ; que les intéressés font appel de ce jugement ;

2. Considérant que l'article 1er du schéma directeur départemental des structures agricoles (SDDSA) du département de la Manche adopté par un arrêté préfectoral du 17 décembre 2007 définit les orientations de la politique départementale ; que son article 2 fixe les priorités de la politique départementale des structures des exploitations agricoles ; qu'aux termes de l'avant dernier alinéa de cet article : " (...) en cas de concurrence entre non-prioritaires ou au sein d'une même catégorie de prioritaires, les éléments mentionnés à l'article L. 331-3 du code rural permettront de départager les candidats. " ; que l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime dispose que : " L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. / Elle doit notamment :1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande ; 2° S'assurer, en cas d'agrandissement ou de réunion d'exploitations, que toutes les possibilités d'installation sur une exploitation viable ont été considérées ; 3° Prendre en compte les biens corporels ou incorporels attachés au fonds dont disposent déjà le ou les demandeurs ainsi que ceux attachés aux biens objets de la demande en appréciant les conséquences économiques de la reprise envisagée ; 4° Prendre en compte la situation personnelle du ou des demandeurs, notamment en ce qui concerne l'âge et la situation familiale ou professionnelle et, le cas échéant, celle du preneur en place ; 5° Prendre en compte la participation du demandeur ou, lorsque le demandeur est une personne morale, de ses associés à l'exploitation directe des biens objets de la demande dans les conditions prévues à l'article L. 411-59 ; 6° Tenir compte du nombre d'emplois non salariés et salariés permanents ou saisonniers sur les exploitations concernées ; 7° Prendre en compte la structure parcellaire des exploitations concernées, soit par rapport au siège de l'exploitation, soit pour éviter que des mutations en jouissance ne remettent en cause des aménagements réalisés à l'aide de fonds publics ; (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées du code rural et de la pêche maritime que le préfet, saisi de demandes concurrentes d'autorisation d'exploiter portant sur les mêmes terres, doit, pour statuer sur ces demandes, observer l'ordre des priorités établi par le schéma directeur départemental des structures agricoles ; qu'il n'est pas contesté que les demandes présentées tant par M. G... que par le Gaec du Goutheau entraient dans la catégorie " 1-3) les autres agrandissements " du schéma directeur concernant les biens, objets de la demande d'autorisation d'exploiter, ayant une superficie inférieure ou égale à 0,15 unité de référence, et relevaient par voie de conséquence du même rang de priorité ; que c'est donc par référence aux critères définis à l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime que le préfet de la Manche a pris l'arrêté litigieux ;

4. Considérant que, pour refuser d'accorder au Gaec du Goutheau l'autorisation d'exploiter qu'il sollicitait, le préfet de la Manche s'est fondé sur le triple motif tiré de la distance aux parcelles concernées des exploitations respectives des pétitionnaires, de la perte potentielle de 4 hectares de terres par M. G... et du projet d'installation du fils de celui-ci en qualité de jeune agriculteur ; que s'il ressort des pièces du dossier que la distance entre les parcelles litigieuses et les exploitations était en réalité quasiment équivalente contrairement à ce qu'a estimé le préfet, et si les dispositions de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime faisaient obstacle à ce que fût retenue la perspective d'installation d'un jeune agriculteur, il est néanmoins constant, d'une part que M. G... ne disposait pas de droits à prime à la vache allaitante alors que le Gaec requérant en détenait 140 et, d'autre part, que l'exploitation de M. G... était sur le point d'être amputée de 4 hectares ; que ce double motif, relevant du 3° de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime, suffisait à fonder le refus d'autorisation d'exploiter opposé par le préfet de la Manche au Gaec du Goutheau ; que, par ailleurs, les requérants, qui dans leur demande d'autorisation ont indiqué n'employer aucun salarié saisonnier, ne justifient pas que le refus qui leur a été opposé était de nature à mettre en péril leur activité ou rendait leur exploitation plus fragile économiquement ; qu'enfin ils n'établissent pas qu'en accordant seulement à M. G... l'autorisation d'exploiter les parcelles litigieuses le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation au regard de la dimension économique des exploitations en cause ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le Gaec de Goutheau et M. D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement au Gaec de Goutheau et à M. D... de la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge du Gaec de Goutheau et de M. D... le versement à l'Etat de la somme que le ministre chargé de l'agriculture demande au titre des mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du Gaec de Goutheau et de M. D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du ministre chargé de l'agriculture tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au Gaec de Goutheau, à M. F... D..., au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement et à M. A... G....

Délibéré après l'audience du 15 janvier 2015, où siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 février 2015.

Le rapporteur,

V. GÉLARDLe président,

I. PERROT

Le greffier,

A. MAUGENDRE

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT02629


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02629
Date de la décision : 05/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : SCP HELLOT ROUSSELOT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-02-05;13nt02629 ?
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