La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/02/2015 | FRANCE | N°13NT00163

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 05 février 2015, 13NT00163


Vu la requête, enregistrée le 21 janvier 2013, présentée pour la société par actions simplifiée (SAS) ST-Ericsson France, dont le siège est 12, rue Jules Horowitz BP 217 à Grenoble (38019), par MeA... ; la société ST-Ericsson France demande à la cour :

à titre principal :

1°) d'annuler le jugement n° 1200373 du 20 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a, sur la demande de M.B..., annulé la décision du 21 décembre 2011 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a annulé la décision du 23 juin 2011 de l'inspecteur du tr

avail refusant l'autorisation de procéder au licenciement de M.B..., salarié pro...

Vu la requête, enregistrée le 21 janvier 2013, présentée pour la société par actions simplifiée (SAS) ST-Ericsson France, dont le siège est 12, rue Jules Horowitz BP 217 à Grenoble (38019), par MeA... ; la société ST-Ericsson France demande à la cour :

à titre principal :

1°) d'annuler le jugement n° 1200373 du 20 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a, sur la demande de M.B..., annulé la décision du 21 décembre 2011 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a annulé la décision du 23 juin 2011 de l'inspecteur du travail refusant l'autorisation de procéder au licenciement de M.B..., salarié protégé ;

2°) de rejeter la demande de M. B...devant le tribunal administratif de Caen comme étant irrecevable et de confirmer la décision du ministre du travail ;

3°) de mettre à la charge de M. B...une somme de 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

et à titre subsidiaire :

1°) d'annuler le jugement n° 1200373 du 20 novembre 2012 ;

2°) de confirmer la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la santé en date du 21 décembre 2011 ;

3°) de mettre à la charge de M.B... une somme de 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la demande de M. B...devant le tribunal administratif de Caen était irrecevable en raison du défaut d'intérêt pour agir du requérant, lequel n'avait plus depuis le 15 novembre 2011 la qualité de salarié protégé ;

subsidiairement :

- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que le ministre chargé du travail a entaché sa décision d'erreur de droit en appréciant la réalité du motif économique invoqué par la SAS ST-Ericsson France sans examiner la situation de l'ensemble des sociétés du groupe intervenant dans le même secteur d'activité ;

- la décision du ministre du travail est suffisamment motivée ;

- la procédure de licenciement est régulière ;

- l'employeur a satisfait à ses obligations de reclassement ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 mai 2013, présenté pour M. B... par Me Brand ; M. B...conclut au rejet de la requête et à la confirmation de la décision de l'inspecteur du travail, et demande que soit mise à la charge de la société ST-Ericsson France une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- l'exception d'irrecevabilité de sa demande doit être écartée dès lors qu'il bénéficiait de la protection spéciale contre le licenciement à la date de sa saisine du tribunal administratif ;

- à titre subsidiaire, il avait en tout état de cause un intérêt pour agir contre la décision annulant le refus d'autoriser son licenciement pour motif économique ;

- la décision du ministre est insuffisamment motivée en ne précisant pas que son poste était supprimé et en ne se prononçant pas sur les obligations conventionnelles relatives aux commissions paritaires de l'emploi ;

- la procédure de licenciement est irrégulière en raison de l'irrégularité de la procédure d'information et consultation des institutions représentatives du personnel ;

- l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de recherche de reclassement en interne ;

- le ministre n'a pas apprécié la réalité du motif économique du licenciement au niveau pertinent du secteur d'activité du groupe, constitué des sociétés Ericsson, STMicroelectronics et ST-Ericsson ;

- le motif économique du licenciement est inexistant ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 décembre 2013, présenté pour la société ST-Ericsson France, par Me Guerder, avocat, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 mars 2014, présenté pour M. B... qui maintient ses conclusions par les mêmes moyens ;

il soutient en outre que la décision du ministre est insuffisamment motivée en ce qu'elle ne se prononce pas sur l'obligation de reclassement s'imposant à l'employeur ni sur le respect des obligations conventionnelles en matière de licenciement économique, résultant de l'accord national interprofessionnel du 10 février 1969 ;

Vu la lettre en date du 7 octobre 2014, informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office et tiré de ce que l'erreur de droit constituée par l'erreur commise sur le périmètre d'appréciation du motif économique, sur laquelle le tribunal administratif s'est fondé pour annuler la décision du ministre chargé du travail, est inopérante à l'encontre de la décision attaquée dès lors que le ministre s'est déclaré incompétent pour se prononcer sur la demande d'autorisation de licenciement ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 octobre 2014, présenté pour la SAS STMicroelectronics (Grand Ouest), venant aux droits de la société ST-Ericsson France, dont le siège est 9 et 11, rue Pierre Félix Delarue Le Mans (72000), par Me Duprey, avocat ; la SAS STMicroelectronics maintient ses conclusions, en portant sa demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à la somme de 1 000 euros, par les mêmes moyens ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 28 novembre 2014, présentée pour M. B...par Me Brand à la suite de l'audience qui s'est tenue le 20 novembre 2014 ;

il soutient que :

- des circonstances de droit nouvelles ont été mises en évidence par le rapporteur public dans ses conclusions prononcées à l'audience du 20 novembre 2014, que le moyen relevé d'office et communiqué aux parties par la cour n'indiquait pas clairement ;

- à la date de la décision du ministre chargé du travail, le délai de retrait des décisions créatrices de droit était expiré ;

- dès lors que la décision de l'inspecteur du travail était fondée sur trois motifs susceptibles chacun de fonder le refus d'autorisation de licenciement, le ministre chargé du travail ne pouvait régulièrement annuler cette décision sans se prononcer sur la légalité du motif tiré de la méconnaissance par l'employeur de ses obligations de recherche de reclassement en interne du salarié protégé ;

Vu l'ordonnance en date du 2 décembre 2014 fixant la clôture d'instruction au 8 janvier 2015, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 janvier 2015, présenté pour M.B..., qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 janvier 2015, présenté pour la SAS STMicroelectronics (Grand Ouest) qui demande à la cour :

1°) de déclarer irrecevable la note en délibéré présentée par M.B... ;

2°) de rejeter les arguments de M. B...présentés postérieurement à l'audience du 20 novembre 2014 ;

elle soutient que :

à titre principal :

- la note en délibéré présentée pour M. B...le 28 novembre 2014 n'est justifiée par aucune circonstance de droit nouvelle, les conclusions du rapporteur public à l'audience du 20 novembre 2014 étant insusceptibles de constituer de telles circonstances ;

- en admettant la recevabilité de cette note et en la communiquant aux parties, la cour a contourné l'interdiction de soulever d'office des moyens juridiques qui ne sont pas d'ordre public et a méconnu son obligation d'impartialité ;

à titre subsidiaire :

- la jurisprudence Ternon ne s'applique pas aux décisions d'autorisation de licenciement des salariés protégés ; le ministre chargé du travail était en droit de retirer sa décision implicite confirmant le refus d'autorisation de licenciement dans le délai de recours contentieux :

- dès lors que la décision attaquée du ministre était fondée sur deux motifs, c'est à tort que le tribunal administratif de Caen l'a annulée en raison de l'illégalité du seul motif relatif au périmètre d'appréciation du motif économique du licenciement ;

- l'ordonnance du tribunal administratif de Grenoble en date du 9 décembre 2014 confirme que M. B...avait perdu la qualité de salarié protégé à la date de la décision du ministre chargé du travail ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 janvier 2015, présenté pour M. B...postérieurement à la clôture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du renvoi de l'affaire de l'audience du 20 novembre 2014 et du nouveau jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 janvier 2015 :

- le rapport de Mme Loirat, président-assesseur,

- les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public ;

- les observations de Me Duprey, avocat de la SAS ST Microelectronics (Grand Ouest), et les observations de Me Brand, avocat de M.B... ;

1. Considérant que le 5 mai 2011, la société par actions simplifiée (SAS) ST-Ericsson France a saisi l'inspection du travail de Basse-Normandie d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique de M.B..., en arguant de la nécessité de sauvegarder la compétitivité économique du groupe ST-Ericsson auquel elle appartenait ; que l'inspecteur du travail du Calvados a refusé d'accorder l'autorisation de licenciement par décision du 23 juin 2011, motifs pris de ce que la procédure suivie avait été irrégulière, la réalité du motif économique n'était pas établie dans le secteur d'activité en cause au sein du groupe constitué avec les sociétés mères de la co-entreprise ST-Ericsson et l'employeur avait méconnu ses obligations en matière de recherche de reclassement en interne du salarié ; que, saisi d'un recours hiérarchique par la ST-Ericsson France, le ministre chargé du travail a, par décision du 21 décembre 2011, d'une part retiré sa décision portant rejet implicite du recours hiérarchique, d'autre part annulé la décision de l'inspecteur du travail en date du 23 juin 2011, en raison de l'erreur de fait entachant le motif relatif aux irrégularités de la procédure suivie et de " l'insuffisance de motivation " concernant la critique par l'inspecteur du travail du périmètre de sauvegarde de la compétitivité économique retenu par l'employeur, et enfin constaté son incompétence pour se prononcer sur la demande d'autorisation de licenciement sollicitée dès lors que la protection contre le licenciement dont bénéficiait M. B...au titre de ses anciens mandats de membre suppléant du comité d'établissement et du comité d'entreprise européen, était arrivée à échéance le 15 novembre 2011 ; que sur demande de M.B..., le tribunal administratif de Caen a, par jugement du 20 novembre 2012, annulé cette décision ; que la SAS STMicroelectronics (Grand Ouest), venant aux droits de la société ST-Ericsson France, relève appel de ce jugement ;

Sur la recevabilité de la demande de M. B...devant le tribunal administratif :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet " ; que si l'expiration du délai de protection spéciale a pour effet de priver le ministre chargé du travail de sa compétence pour accorder ou refuser l'autorisation de licenciement sollicitée, elle n'a pas pour effet de lui retirer le pouvoir qui lui appartient, en vertu des dispositions précitées et en qualité de supérieur hiérarchique de l'inspecteur du travail, de contrôler la légalité de la décision de ce dernier, contrôle qui le conduira, le cas échéant, à annuler ou réformer rétroactivement cette décision ;

3. Considérant que, d'une part, il est constant qu'à la date de la décision de l'inspecteur du travail, M. B...était toujours titulaire de son mandat ; que par suite et en vertu des dispositions précitées du code du travail, le ministre était fondé à exercer son contrôle hiérarchique sur la décision de l'inspecteur du travail se prononçant sur la demande d'autorisation de licenciement de l'intéressé ; que, d'autre part, la décision du ministre chargé du travail annulant le refus d'accorder l'autorisation de procéder à son licenciement opposé par l'inspecteur du travail, faisait grief à M.B..., lequel avait par conséquent intérêt à la contester ; que par suite la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont admis la recevabilité de la demande ;

Sur la légalité de la décision du ministre :

4. Considérant que, lorsqu'il est saisi d'un recours hiérarchique contre une décision d'un inspecteur du travail statuant sur une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, le ministre compétent doit, soit confirmer cette décision, soit, si celle-ci est illégale, l'annuler ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que par sa décision en date du 23 juin 2011, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M. B...motifs pris de ce que d'une part la procédure suivie avait été irrégulière, d'autre part la réalité du motif économique du licenciement n'était pas établie, enfin que l'employeur n'avait pas satisfait à ses obligations de recherche de reclassement en interne du salarié protégé ; qu'en se bornant à censurer l'illégalité des deux premiers motifs sans se prononcer sur la légalité du troisième motif, alors que celui-ci était susceptible de justifier à lui seul le refus d'autorisation de licenciement de M.B..., le ministre a entaché sa décision d'une erreur de droit ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés en première instance et en appel, la SAS STMicroelectronics (Grand Ouest), venant aux droits de la société ST-Ericsson France, n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé la décision du ministre chargé du travail ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SAS STMicroelectronics (Grand Ouest), venant aux droits de la société ST-Ericsson France, demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la SAS STMicroelectronics (Grand Ouest) le versement à M. B...d'une somme de 500 euros au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS STMicroelectronics (Grand Ouest), venant aux droits de la société ST-Ericsson France, est rejetée.

Article 2 : La SAS STMicroelectronics (Grand Ouest) versera une somme de 500 euros à M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS STMicroelectronics (Grand Ouest), à M. B... et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Délibéré après l'audience du 22 janvier 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- M. Etienvre, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 février 2015.

Le rapporteur,

C. LOIRATLe président,

F. BATAILLE

Le greffier,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

2

N° 13NT00163


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13NT00163
Date de la décision : 05/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Cécile LOIRAT
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : MIR

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-02-05;13nt00163 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award