Vu la requête, enregistrée le 11 juin 2014, présentée pour M. B...C..., demeurant..., par Me Renard, avocat ; il demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement no 1308505 en date du 4 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 4 octobre 2013 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du Maroc comme pays de destination ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, Me Renard, d'une somme de 1 800 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation de ce conseil à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;
il soutient que :
- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé et a été adopté sans que sa situation personnelle soit examinée ; dès lors qu'il est marocain, le préfet ne pouvait refuser de lui délivrer le titre de séjour qu'il sollicitait en se fondant sur l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; les premiers juges ne pouvaient substituer à cette base légale l'article 3 de l'accord franco-marocain qui confère à l'administration un pouvoir d'appréciation différent ; le refus de titre de séjour méconnaît les prévisions de la circulaire du 28 novembre 2012 ; ce refus viole le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et a été adoptée sans que sa situation personnelle soit examinée ; cette obligation viole son droit d'être entendu, expression du principe de bonne administration ; elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité affectant la décision de refus de titre de séjour ; elle viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination, insuffisamment motivée, est par ailleurs illégale par voie de conséquence de l'illégalité affectant le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 décembre 2014, présenté par le préfet de la Loire-Atlantique, qui conclut au rejet de la requête ;
il soutient que les moyens soulevés par le requérant doivent être écartés ;
Vu les pièces dont il résulte que, par application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office ;
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 22 avril 2014, admettant M. C...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale et désignant Me Renard pour le représenter ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 janvier 2015 :
- le rapport de M. Jouno, premier conseiller,
- et les observations de MeA..., substituant Me Renard, avocat de M.C... ;
1. Considérant que M.C..., ressortissant marocain né en 1969, a demandé, par courrier daté du 2 mai 2013, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi qu'un titre de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du même code ; que, par arrêté du 4 octobre 2013, le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté cette demande et a assorti ce rejet d'une obligation de quitter le territoire français ainsi que d'une décision fixant le Maroc comme pays de renvoi ; que M. C...relève appel du jugement en date du 4 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que M. C...reprend en appel les moyens qu'il avait invoqués en première instance, tirés, d'une part, de l'insuffisance de la motivation de la décision portant refus de séjour et, d'autre part, du défaut d'examen de sa situation personnelle ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) " ; que l'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention "salarié" (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ;
4. Considérant que, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ; que, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord ; que, toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié ;
5. Considérant que M. C...soutient, d'une part, que, dès lors qu'il est de nationalité marocaine, le préfet ne pouvait refuser de lui délivrer le titre de séjour qu'il sollicitait en tant que salarié en se fondant sur l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et d'autre part, ques les premiers juges ne pouvaient substituer à cette base légale erronée l'article 3 de l'accord franco-marocain, lequel confère à l'administration un pouvoir d'appréciation différent ;
6. Considérant qu'ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Nantes, le préfet de la Loire-Atlantique ne pouvait légalement rejeter la demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié présentée par M. C... en se fondant sur la circonstance que ce dernier ne remplissait pas les conditions mentionnées par les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le tribunal administratif de Nantes ne pouvait pas, cependant, substituer à cette base légale erronée l'article 3 de l'accord franco-marocain, lequel a trait au cas de délivrance de plein droit à un ressortissant marocain d'un titre de séjour portant la mention " salarié " et confère ainsi à l'autorité administrative un pouvoir d'appréciation différent de l'article L. 313-14 précité ;
7. Considérant qu'il y a lieu de substituer d'office à la base légale retenue à tort par les premiers juges celle tirée du pouvoir, dont dispose le préfet, de régulariser ou non la situation d'un étranger dès lors que cette nouvelle substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir général de régularisation que lorsqu'elle examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
8. Considérant, en troisième lieu, que M. C...a épousé, le 19 janvier 2003 une ressortissante française ; qu'il est entré régulièrement sur le territoire le 13 mai 2007 et a obtenu, en qualité de conjoint d'une ressortissante française, un premier titre de séjour valable jusqu'au 12 mai 2008, renouvelé jusqu'au 12 mai 2009 ; que, toutefois, par jugement correctionnel du 2 mars 2009, le tribunal de grande instance de Nantes a condamné M. C...à deux ans d'emprisonnement avec sursis et à une mise à l'épreuve pendant deux ans pour une infraction de violence suivie d'incapacité supérieure à huit jours sur son épouse ; que, par ailleurs, il ressort d'un procès-verbal d'audition de M. C...daté du 30 mai 2012 que l'intéressé a divorcé de son épouse en 2012 et qu'il n'était pas le père biologique de l'enfant auquel cette dernière avait donné naissance en 2005 ; qu'enfin, M. C...a déclaré lui-même que le centre de ses attaches familiales se situait au Maroc ; que, dans ces circonstances, quelle que soit l'intégration professionnelle de M. C...en France, la décision de refus de séjour n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale, protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que cette décision ne peut davantage être regardée comme ayant été adoptée en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
9. Considérant, en quatrième lieu, que M. C...ne peut utilement se prévaloir des énonciations de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière, qui n'a pas de caractère réglementaire ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
10. Considérant, d'une part, qu'ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne par un arrêt Mukarubega du 5 novembre 2014 (C-166/13), le droit d'être entendu dans toute procédure ne s'oppose pas à ce qu'une autorité nationale n'entende pas le ressortissant d'un pays tiers spécifiquement au sujet d'une décision de retour lorsque, après avoir constaté le caractère irrégulier de son séjour sur le territoire national à l'issue d'une procédure ayant pleinement respecté son droit d'être entendu, elle envisage de prendre à son égard une telle décision, que cette décision de retour soit consécutive ou non à un refus de titre de séjour ;
11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le droit d'être entendu de M. C...a été satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour qui a été assorti de l'obligation de quitter le territoire français litigieuse ; que, dans ces conditions, il n'est pas fondé à faire valoir que cette obligation méconnaît son droit d'être entendu, protégé par le droit de l'Union en tant que partie intégrante des droits de la défense ;
12. Considérant, d'autre part, que M. C...reprend en appel les moyens qu'il avait invoqués en première instance, tirés, en premier lieu, de l'insuffisance de la motivation de l'obligation de quitter le territoire français, en second lieu, de ce que cette obligation est illégale par voie de conséquence de l'illégalité affectant la décision de refus de titre de séjour, et en troisième lieu, du défaut d'examen de sa situation personnelle ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs des premiers juges ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
13. Considérant que M. C...reprend en appel les moyens qu'il avait invoqués en première instance, tirés, d'une part, de l'insuffisance de la motivation de la décision fixant le pays de destination, et d'autre part, de ce que cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité affectant la décision de refus de titre ainsi que l'obligation de quitter le territoire français ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs des premiers juges ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
15. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M.C..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont M.C..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, demande le versement au profit de son avocat au titre des frais non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Loirat, président-assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 22 janvier 2015.
Le rapporteur,
T. JOUNO Le président,
F. BATAILLE
Le greffier,
C. CROIGER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT01535