Vu la requête, enregistrée le 30 avril 2014, présentée par le préfet de la Vendée ; le préfet de la Vendée demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1309398 du 1er avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a, à la demande de MmeC..., annulé son arrêté du 5 novembre 2013 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination, et lui a enjoint de délivrer à Mme C...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif de Nantes ;
il soutient que :
- les premiers juges ont estimé à tort que son arrêté était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que les craintes qu'elle a invoquées devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides à l'appui de sa demande d'asile ne sont pas établies, que les attestations qu'elle a produites sont convenues et n'attestent pas de son intégration, et qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2014, présenté pour Mme C..., demeurant..., par Me B..., qui conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Vendée sous astreinte de 100 euros par jour de retard d'exécuter le jugement attaqué et à ce qu'une somme de 1 800 euros soit mise à la charge de l'Etat au profit de son avocat, au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;
elle soutient que :
- elle reprend tous les moyens qu'elle a développés en première instance ;
- l'absence d'attaches familiales réelles dans son pays d'origine est établi ;
- les premiers juges n'ont pas fondé leur décision sur l'existence d'un risque pour elle à retourner dans son pays d'origine mais sur sa situation personnelle et familiale tant en Arménie qu'en France ;
- elle justifie être parfaitement intégrée à la société française ;
Vu le mémoire, enregistré le 20 novembre 2014, présenté par le préfet de Vendée qui conclut par les mêmes moyens aux mêmes fins que sa requête ;
Vu la lettre en date du 11 décembre 2014, informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 janvier 2015 le rapport de Mme Allio-Rousseau, premier conseiller ;
1. Considérant que MmeC..., de nationalité arménienne, née le 11 septembre 1989, est entrée en France le 28 mars 2011 et y a sollicité le statut de demandeur d'asile ; que, par une décision du 14 mai 2013, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile, décision confirmée le 1er mars 2013 par la Cour nationale du droit d'asile ; qu'invitée par courrier du préfet de la Vendée du 27 mai 2013 à faire connaître, dans un délai de quinze jours, tout élément susceptible de justifier la délivrance d'un titre de séjour à son égard, elle a sollicité le réexamen de sa demande d'asile le 4 juin 2013 ; que, saisi dans le cadre de la procédure prioritaire, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté cette nouvelle demande par décision du 18 juillet 2013 ; que, par arrêté du 5 novembre 2013, le préfet de la Vendée a refusé de délivrer à Mme C...le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que, par jugement du 1er avril 2014, dont le préfet de la Vendée relève appel, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 5 novembre 2013 et a enjoint au préfet de délivrer à Mme C...une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois ;
Sur l'appel du préfet de la Vendée :
2. Considérant que, lorsque le tribunal administratif a fait droit à une demande en se fondant sur un moyen inopérant, et que, pour contester le jugement de ce tribunal, l'appelant n'a pas invoqué le caractère inopérant du moyen retenu par les premiers juges, il appartient au juge d'appel de relever d'office cette inopérance pour censurer le motif retenu par le tribunal, après en avoir préalablement informé les parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;
3. Considérant que pour prononcer l'annulation de l'arrêté du 5 novembre 2013 pris à l'encontre de MmeC..., les premiers juges ont estimé que " la décision par laquelle l'administration a refusé de lui délivrer un titre de séjour et, partant, de régulariser sa situation, doit être regardée, dans les circonstances particulières de l'espèce, nonobstant la relative courte durée du séjour en France de l'intéressée, comme révélant l'existence d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ces mesures sur la situation personnelle de Mme C... " ;
4. Considérant, toutefois, qu'ainsi qu'il a été rappelé au point 1, compte tenu des décisions de rejet des instances en charge de l'asile, le préfet de la Vendée, qui n'était saisi d'aucune demande à un autre titre, était tenu de refuser à Mme C...le titre de séjour qu'elle sollicitait sur le fondement des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de sorte que, se trouvant ainsi en situation de compétence liée pour refuser de délivrer le titre de séjour, le moyen fondé sur l'erreur manifeste du préfet de la Vendée dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de Mme C...devait être écarté comme inopérant ; qu'il s'ensuit que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges se sont fondés sur ce motif pour annuler l'arrêté du 5 novembre 2013 pris à l'encontre de Mme C...et pour enjoindre au préfet de la Vendée de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement ;
5. Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C...devant le tribunal administratif de Nantes ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
6. Considérant qu'ainsi qu'il a été précisé au point 4, le préfet de la Vendée se trouvant en situation de compétence liée pour refuser le titre de séjour sollicité, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte, du défaut de motivation du refus de titre de séjour et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui sont inopérants, doivent être écartés ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination :
7. Considérant, en premier lieu, que, par arrêté du préfet de la Vendée du 26 août 2013, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, M. Jean-Michel Jumez, secrétaire général de la préfecture, a reçu délégation permanente du préfet à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception de certains actes limitativement énumérés au nombre desquels ne figurent pas les décisions préfectorales en matière de police des étrangers ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté comme manquant en fait ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté contesté, en tant qu'il porte refus de titre de séjour, comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et, en particulier, contrairement à ce que soutient la requérante, les éléments suffisants sur sa situation personnelle ; qu'il est, dès lors, régulièrement motivé au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'en application des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la mesure d'obligation de quitter le territoire français dont le préfet de la Vendée a assorti sa décision de refus de titre de séjour n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte ; que l'arrêté du 5 novembre 2013, en tant qu'il fixe le pays de destination, vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, indique la nationalité arménienne de la requérante et précise que celle-ci n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à cette convention en cas de retour dans son pays d'origine ; que la décision fixant le pays de destination est, dès lors, suffisamment motivée ;
9. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet a, avant de décider de l'éloignement de Mme C...à destination du pays dont elle a la nationalité, procédé à un examen particulier de la situation personnelle de la requérante, au regard notamment des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
10. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 6, que le moyen tiré de l'illégalité du titre de séjour soulevé par la voie de l'exception ne peut qu'être écarté ;
11. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " (...) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) " ; que, pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ;
12. Considérant que si Mme C..., entrée en France le 28 mars 2011, fait valoir que son père, ancien officier de police, aurait été démis de ses fonctions puis interné dans un hôpital psychiatrique et que sa mère se serait installée en Géorgie, elle n'établit pas, par les pièces qu'elle a produites, être isolée en cas de retour dans son pays d'origine ; que la requérante, majeure, célibataire et sans enfant, est entrée récemment sur le territoire français où elle ne possède pas d'attache familiale ; que si l'intéressée fait valoir qu'elle a fait preuve d'une grande volonté d'intégration et qu'elle veut poursuivre en France des études universitaires de psychologie et rechercher parallèlement un emploi, les seuls documents qu'elle a produits en première instance, à savoir les certificats de suivi de stage de français et de résidence et les attestations de deux de ses proches, ne démontrent pas, compte tenu des circonstances de l'espèce, que le préfet de la Vendée, en prenant la décision contestée, a méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, et à supposer le moyen soulevé, le préfet de la Vendée n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en édictant la décision litigieuse ;
13. Considérant, en sixième et dernier lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que si Mme C...soutient être exposée en cas de retour en Arménie aux risques visés par cet article dès lors que sa mère et son père, ancien policier, auraient été victimes de violences dans ce pays à la suite du refus de ce dernier d'exécuter les ordres de sa hiérarchie, elle n'apporte aucun élément probant de nature à établir la réalité des risques personnels qu'elle invoque à l'appui de ses allégations ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté attaqué doivent être rejetées ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
15. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme C...devant le tribunal administratif de Nantes, n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il en résulte que les conclusions tendant à ce que, sous astreinte, il soit ordonné au préfet de la Vendée de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation ne peuvent être accueillies ; qu'il en va de même de celles, qui doivent être regardées comme présentées par la voie de l'appel incident, tendant à ce que soit assortie d'une astreinte l'injonction prononcée par les premiers juges ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
16. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont MmeC..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, demande le versement au profit de son avocat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er avril 2014 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif de Nantes, ses conclusions d'appel incident à fin d'astreinte et ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A...C....
Copie en sera transmise au préfet de la Vendée.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Loirat, président assesseur,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 22 janvier 2015.
Le rapporteur,
M-P. ALLIO-ROUSSEAULe président,
F. BATAILLE
Le greffier,
C. CROIGER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT01175