Vu la requête, enregistrée le 17 décembre 2013, présentée pour M. C... A..., demeurant..., par Me Labrusse, avocat au barreau de Caen ; M. A... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°1202508 du 17 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 juin 2012 du préfet du Calvados autorisant le GFA de Brécy-le-Château à résilier le bail rural dont il était bénéficiaire en tant qu'il porte sur la parcelle cadastrée ZH41, d'une superficie de 20 ares 10 centiares, située au lieu-dit "Les Terres noires" à Saint-Gabriel-Brécy ;
2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que la somme de 35 euros au titre de la contribution à l'aide juridique ;
il soutient :
- que l'arrêté contesté a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière puisque la commission consultative départementale des baux ruraux appelée à donner son avis n'était pas régulièrement constituée ;
- que cet arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le projet de transformation de la grange implantée sur la parcelle en litige en bâtiment à usage de chambres d'hôte ne constitue pas un simple changement de destination pouvant être autorisé par un certificat d'urbanisme et que les dispositions de l'article R. 111-14-1 du code de l'urbanisme ont été méconnues ;
- que cet arrêté est également entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au motif qu'il a pour effet de le priver d'une grange nécessaire au stockage du fourrage destiné à ses bovins alors qu'il ne dispose d'aucun autre bâtiment de remplacement ou d'aucune possibilité de construire un nouvel édifice ; que cette décision porte une atteinte manifeste à l'équilibre de son exploitation puisqu'il devra reconstruire les équipements agricoles dont il est privé et réaménager les espaces, ce qui représente un coût de 15 000 euros ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 mai 2014, complété le 12 juin 2014, présenté pour le groupement foncier agricole (GFA) de Brécy-le-Château par Me Delom de Mezerac, avocat au barreau de Paris, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il fait valoir :
- que la seule circonstance que l'un des membres de la commission consultative départementale des baux ruraux n'a pas siégé lors de la séance du 12 juin 2012 n'a privé le requérant d'aucune garantie et n'a exercé d'influence ni sur l'avis de cette commission, ni sur la décision contestée du préfet du Calvados ;
- que M. A... ne peut utilement invoquer l'illégalité du certificat d'urbanisme qui ne constitue pas la base légale de la décision contestée, prise sur le fondement d'une législation indépendante ;
- qu'en tout état de cause, M. A... n'est pas fondé à invoquer une méconnaissance de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme dès lors que la commune de Saint-Gabriel-Brécy est dotée d'un document d'urbanisme qui autorise les changements d'affectation ; que le préfet du Calvados n'était tenu de se prononcer qu'au regard des dispositions de l'article L. 411-32 du code rural et de la pêche maritime ;
- que M. A... ne peut sérieusement soutenir que la résiliation du bail porterait atteinte à l'équilibre de son exploitation puisque la perte de surface en résultant concerne 0,12 % de celle-ci, que cette résiliation est soumise à la condition de rétablir un chemin d'accès et au déplacement du point d'eau litigieux et que la perte de la grange, vétuste et de faible contenance, peut avantageusement être compensée par un stockage plus adapté et plus proche du centre de l'exploitation ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2014, présenté pour le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt qui conclut au rejet de la requête ;
il fait valoir :
- que si lors de la réunion de la commission consultative paritaire départementale des baux ruraux du 11 juin 2012, les bailleurs étaient représentés par trois membres et les preneurs par deux membres cette irrégularité dans la composition de cette commission a été sans influence sur le sens de l'avis qui a été rendu à titre unanime ; que M. A... n'invoque aucune garantie dont il aurait été privé ; qu'en tout état de cause le préfet n'était pas tenu par l'avis de la commission consultative paritaire départementale des baux ruraux de sorte que l'irrégularité de la composition de cette commission n'a eu aucune incidence sur la décision contestée ;
- que l'illégalité du certificat d'urbanisme, à la supposer établie, est sans incidence sur la validité de l'acte contesté dès lors que la réglementation d'urbanisme et celle des baux ruraux sont indépendantes ;
- que la surface sur laquelle porte l'autorisation de résiliation du bail ne concerne que 0,12 % de l'exploitation totale de M. A... et que l'autorisation attaquée est conditionnée par la création d'un chemin d'accès aux autres parcelles et le déplacement du point d'eau aux frais du GFA ; que M. A... ne démontre pas qu'il serait contraint de construire un nouvel hangar en remplacement de la grange située sur la parcelle en litige ; que dans ces conditions l'autorisation de résiliation du bail rural ne porte pas atteinte à l'équilibre économique de l'exploitation de M. A... ;
Vu le mémoire, enregistré le 25 novembre 2014, présenté pour M. A... qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;
il soutient en outre que l'irrégularité de la composition de la commission consultative paritaire départementale des baux ruraux l'a privé d'une garantie dès lors que les représentants des bailleurs étaient en nombre supérieur à celui des preneurs et que son fils avait pour projet d'occuper le bâtiment en litige à titre d'habitation ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural et de la pêche maritime ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 décembre 2014 :
- le rapport de M. Lemoine, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public ;
1. Considérant que le GFA de Brécy-le-Château, propriétaire de la parcelle cadastrée ZH41 située sur la commune de Saint-Gabriel-Brécy, a, après avoir obtenu un certificat d'urbanisme l'autorisant à changer d'affectation la grange implantée sur cette parcelle, sollicité du préfet du Calvados l'autorisation de résilier le bail à ferme qu'il avait consenti sur cette même parcelle aux époux A...; que, par un arrêté du 20 juin 2012, le préfet du Calvados lui a accordé cette autorisation ; que M. A..., relève appel du jugement du 17 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 411-32 du code rural et de la pêche maritime : "Le propriétaire peut, à tout moment, résilier le bail sur des parcelles dont la destination agricole peut être changée et qui sont situées en zone urbaine en application d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu. / En l'absence d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ou, lorsque existe un plan local d'urbanisme, en dehors des zones urbaines mentionnées à l'alinéa précédent, le droit de résiliation ne peut être exercé sur des parcelles en vue d'un changement de leur destination agricole qu'avec l'autorisation de l'autorité administrative. / La résiliation doit être notifiée au preneur par acte extrajudiciaire, et prend effet un an après cette notification qui doit mentionner l'engagement du propriétaire de changer ou de faire changer la destination des terrains dans le respect d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, s'il en existe, au cours des trois années qui suivent la résiliation. / Lorsque l'équilibre économique de son exploitation est gravement compromis par une résiliation partielle, le preneur peut exiger que la résiliation porte sur la totalité du bien loué. / Le preneur est indemnisé du préjudice qu'il subit comme il le serait en cas d'expropriation. (...). " ; qu'aux termes de l'article R. 414-1 du même code : " La commission consultative paritaire départementale des baux ruraux mentionnée à l'article L. 411-11 se réunit à la diligence du commissaire de la République du département chaque fois que le règlement des affaires de sa compétence l'exige ou que le commissaire de la République estime devoir la consulter. Elle comprend : (...) des représentants titulaires des bailleurs non preneurs et des preneurs non bailleurs, élus dans le ressort de chaque tribunal paritaire des baux ruraux, dans les limites du département (...)" ; qu'aux termes de l'article R. 414-2 du même code : " (...). Les votes ne peuvent intervenir que si la moitié au moins des membres élus est présente et si les représentants des bailleurs et ceux des preneurs sont en nombre égal. Les votes sont acquis à la majorité des voix (...) " ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de la liste d'émargement de la commission consultative paritaire départementale des baux ruraux réunie le 11 juin 2012 que deux membres représentant les bailleurs et un seul membre représentant les preneurs étaient présents à cette séance ; que si M. A... soutient que la parité du vote n'a pour ce motif pas été respectée, cette éventuelle irrégularité n'a, dès lors que le vote a été émis à l'unanimité des membres présents, pu avoir aucune incidence sur le sens de l'avis de la commission et n'a privé le requérant d'aucune garantie ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait ainsi été pris à l'issue d'une procédure irrégulière doit être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que si la demande d'autorisation formulée par le GFA de Brécy-le-Château était motivée par la délivrance préalable d'un certificat d'urbanisme autorisant le changement de destination de la grange située sur la parcelle, dont M. A... soutient qu'il serait illégal en ce qu'il méconnaîtrait certaines dispositions du code de l'urbanisme, un tel moyen est, en tout état de cause, inopérant dès lors qu'il se fonde sur l'application d'une législation distincte de celle dont relève l'arrêté contesté ; qu'est par ailleurs sans incidence sur cet arrêté la circonstance que le fils de M. A... souhaiterait habiter la grange en litige ;
5. Considérant, en troisième lieu, que l'autorisation prévue par les dispositions précitées de l'article L. 411-32 du code rural et de la pêche maritime, qui a pour effet de priver le preneur du droit d'exploiter les parcelles dont le bailleur entend changer la destination, ne peut être délivrée que si la résiliation du bail ne porte pas une atteinte excessive à la situation du preneur ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'autorisation de résiliation en litige n'emporte pour l'exploitation de M. A... qu'une perte de 20 ares 10 centiares, soit 0,12 % de la surface totale de 170,94 hectares de son exploitation ; que cette autorisation est en outre assortie de l'obligation pour le propriétaire de faire réaliser à ses frais un nouvel accès à la parcelle ZH28 appartenant à M. A... et de céder gratuitement la surface servant d'assiette à cet accès au requérant, ainsi que de faire déplacer le point d'eau situé sur la parcelle en cause ; que si M. A..., qui ne conteste pas disposer de plusieurs hangars de stockage à proximité du siège de son exploitation, soutient que la résiliation du bail le privera d'une grange de 80m² qu'il utilise pour stocker du fourrage, il ressort toutefois des pièces du dossier que ce bâtiment est ancien, en mauvais état et inadapté à un accès par des engins agricoles ; que, par suite, la perte de la parcelle ZH41 ne peut être regardée comme étant de nature à remettre en cause l'équilibre économique de l'exploitation de M. A... ; qu'ainsi, en autorisant la résiliation du bail concédé à M. A... sur cette parcelle, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par le GFA de Brécy-le-Château et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande présentée par M. A... au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : M. A... versera au GFA de Brécy-le-Château une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement et au GFA de Brécy-le-Château.
Copie en sera adressée au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 11 décembre 2014 à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- Mme Specht, premier conseiller,
- M. Lemoine, premier conseiller,
Lu en audience publique le 31 décembre 2014.
Le rapporteur,
F. LEMOINE
Le président,
I. PERROT
Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13NT03401