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31/12/2014 | FRANCE | N°13NT02773

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 31 décembre 2014, 13NT02773


Vu la requête, enregistrée le 26 septembre 2013, présentée pour l'association protectrice du saumon pour le bassin Loire-Allier, dont le siège est 30 rue Voltaire à Cournon d'Auvergne (63800), représentée par son président en exercice, par Me Pouderoux, avocat au barreau de Clermont-Ferrand ; l'association protectrice du saumon pour le bassin Loire-Allier demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1300538 du 31 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'établissement public Voies navigables de Franc

e à réparer les préjudices résultant des dommages causés à la faune p...

Vu la requête, enregistrée le 26 septembre 2013, présentée pour l'association protectrice du saumon pour le bassin Loire-Allier, dont le siège est 30 rue Voltaire à Cournon d'Auvergne (63800), représentée par son président en exercice, par Me Pouderoux, avocat au barreau de Clermont-Ferrand ; l'association protectrice du saumon pour le bassin Loire-Allier demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1300538 du 31 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'établissement public Voies navigables de France à réparer les préjudices résultant des dommages causés à la faune piscicole du fait de l'encombrement de la passe à poissons du barrage des Lorrains, située sur la Loire à hauteur de la commune d'Apremont (Cher) ;

2°) de condamner l'établissement public Voies navigables de France à lui verser la somme globale de 1 386 232 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;

3°) de mettre à la charge de Voies navigables de France la somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens ;

elle soutient :

- qu'elle justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir ; que ses statuts lui définissent pour objet la conservation des saumons sur l'ensemble du bassin Loire-Allier ; qu'elle dispose d'un agrément au titre de l'article L. 252-1 du code rural et de la pêche maritime ;

- que l'établissement public Voies navigables de France est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde causent aux tiers, tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement, dès lors que le lien de causalité entre le fonctionnement de l'ouvrage public et le dommage est établi et alors même que le dommage n'est pas anormal et spécial ;

- que les graves blessures constatées sur un grand nombre de saumons au printemps 2011 trouvent leur origine dans un défaut d'entretien et dans l'encombrement de la passe à poissons située au barrage des Lorrains, dont Voies navigables de France est gestionnaire ; que l'anormalité du dommage réside dans la très grande proportion de saumons blessés, soit 98 % avec un taux de mortalité de 45 % ;

- que seul l'encombrement de la passe à poissons peut-être à l'origine de ces blessures dès lors qu'aucune autre cause n'a pu être trouvée ; que si l'encombrement de la passe n'a duré que quelques jours entre le 30 mars et le 6 mai 2011, cette période est celle durant laquelle les mouvements migratoires sont à leur maximum, de sorte que le lien de causalité entre l'encombrement de l'ouvrage en cause et les blessures des saumons constatées est direct et certain ;

- qu'elle estime la mortalité des géniteurs perdus à 300 sujets, soit un préjudice de 381 000 euros, que le montant des 1 780 000 ovules qu'elle estime perdus représente un préjudice de 80 100 euros, que la perte de 756 500 alevins peut être évaluée à 132 387 euros, celle de 605 géniteurs de retour correspondant à une somme de 768 350 euros ;

- qu'elle a contribué aux charges financières de l'installation et du fonctionnement des incubateurs qui ont donné naissance aux saumons perdus ; que la somme perdue à ce titre à laquelle elle peut prétendre s'élève à 19 395 euros ;

- que les atteintes aux saumons qu'elle protège au nom de l'intérêt général lui ont causé un préjudice moral qui ne saurait être inférieur à la somme de 5 000 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2014, présenté pour l'établissement public Voies navigables de France, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'association protectrice du saumon pour le bassin Loire-Allier au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

il fait valoir :

- que la requête est irrecevable en tant qu'elle ne comporte aucune critique du jugement attaqué et se borne à reprendre ses écritures de première instance ;

- que l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre l'ouvrage public et les dommages allégués n'est pas établie ; que l'encombrement de la passe, qui n'a duré que quelques jours entre le 6 et le 11 mai 2011, ne peut être à l'origine de 72 % des blessures constatées 100 kilomètres plus en amont ; que si le barrage des Lorrains avait dû être, comme le prétend la requérante, à l'origine d'une surmortalité de 45 % des saumons en 2011, le nombre des poissons venant frayer en 2013 aurait dû chuter alors qu'au contraire les chiffres révèlent une augmentation de la population des saumons en 2013 ;

- que les photographies des poissons blessés produites par la requérante sont sans indication sur le lieu de prise de vue, et donc sur le lieu où les blessures ont été subies ; que la présence temporaire de branchages en surface n'est pas de nature à empêcher la migration des saumons ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 juin 2014, présenté pour l'association protectrice du saumon pour le bassin Loire-Allier, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ; elle soutient en outre :

- que la passe était encombrée par des branchages mais aussi par des embâcles et que l'encombrement a été aggravé par le faible débit du fleuve ; que les poissons capturés à Vichy ont obligatoirement transité par le barrage des Lorrains de sorte qu'aucun doute n'est possible sur l'origine de leurs blessures en l'absence de tout autre obstacle ou dispositif de nature à en être la cause ; que la baisse significative du nombre des poissons blessés en 2012 confirme le rôle de l'ouvrage dans la réalisation du dommage ;

- que les constatations effectuées par les membres d'une association établissent que cette passe était infranchissable du fait de son encombrement ; que le tribunal administratif d'Orléans, qui a retenu que les saumons se sont regroupés en amont et non en aval de la passe à poissons, a mal apprécié les faits et le lien de causalité entre la présence de l'ouvrage et les blessures en cause ;

- que, contrairement à ce que fait valoir Voies navigables de France, l'encombrement de la passe a duré au moins 19 jours et que ce n'est que sur les cohortes 2015, 2016 et 2017 que l'impact des blessures pourra être mesuré sur le taux de reproduction des saumons ;

Vu le mémoire, enregistré le 31 juillet 2014, présenté pour Voies navigables de France qui conclut aux mêmes fins que dans ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;

il fait valoir en outre que le dysfonctionnement de la passe à poissons ne peut être établi que pour la seule période du 6 au 13 mai 2011 compte tenu d'un fonctionnement régulier même avec un débit inférieur à 25 mètres cube par seconde ; que, contrairement à ce soutient l'association requérante, la reconstruction de la passe, qui est correctement conçue, n'est pas envisagée ; que le lien de causalité entre le dommage et son ouvrage n'est pas plus établi par les dernières affirmations de la requérante, qui ne fait pas la preuve qu'elle subit un dommage anormal et spécial ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code rural et de la pêche maritime ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 décembre 2014 :

- le rapport de M. Lemoine,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public ;

- et les observations de M. Sauvadet, président de l'association protectrice du saumon pour le bassin Loire-Allier ;

1. Considérant que l'association protectrice du saumon pour le bassin Loire-Allier a constaté, au cours des mois d'avril et de mai 2011, qu'un nombre anormalement élevé de saumons qui remontaient la Loire en direction de leur lieu de reproduction à proximité de Vichy étaient blessés ; qu'imputant ces blessures au mauvais entretien par Voies Navigables de France de la passe à poissons située au niveau du barrage des Lorrains sur la commune d'Apremont (Cher), elle a recherché la responsabilité de cet établissement public devant le tribunal administratif d'Orléans ; qu'elle relève appel du jugement du 31 juillet 2013 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par l'établissement public Voies Navigables de France ni sur la recevabilité des demande et requête de l'association protectrice du saumon pour le bassin Loire-Allier ;

2. Considérant que l'établissement public Voies navigables de France est le maître de l'ouvrage constitué par la passe à poissons du barrage des Lorrains, dont il a assuré la construction et dont il a l'obligation d'assurer l'entretien en vertu des dispositions de l'article L. 432-6 du code de l'environnement ; qu'il n'est pas contesté que l'ouvrage n'a pas fonctionné correctement pendant une période courant au moins du 6 au 13 mai 2011 ; que cependant, à supposer même que la proportion importante de saumons blessés relevée à la hauteur de Vichy au cours de la période concernée de l'année 2011 puisse être regardée comme constituant, pour l'association requérante dont l'objet est d'assurer la protection de ce poisson, un dommage anormal et spécial de nature à lui ouvrir droit à réparation, il résulte de l'instruction que, selon un rapport établi par le directeur général du Conservatoire National du Saumon Sauvage, les observations de blessures sur les saumons sont récurrentes sur le bassin Loire-Allier ; que si la requérante produit un graphique détaillant chronologiquement l'état sanitaire des saumons tel qu'observé au barrage de Vichy, situé à une centaine de kilomètres en amont soit à environ une semaine de migration, cette répartition révèle que 57 % des saumons capturés entre le 1er et le 15 avril 2011 présentaient déjà des blessures sérieuses ou étaient dans un état fortement dégradé, avant même que l'encombrement de la passe ne puisse être regardé comme établi ; que, par ailleurs, le taux de 78 % de saumons blessés relevé entre le 30 avril et le 15 mai 2011 est le même que celui enregistré pour la période allant du 15 au 30 avril 2011, alors que les poissons blessés à la passe des Lorrains du fait de l'encombrement avéré de la passe à poissons ne pouvaient raisonnablement être parvenus au barrage de Vichy avant le 30 avril 2011 ; qu'enfin, et ainsi que le fait valoir Voies navigables de France, en l'absence de toute campagne de capture des saumons depuis leur entrée dans l'estuaire de la Loire jusqu'au barrage de Vichy, l'origine et le lieu des blessures ne peuvent être déterminés de manière précise ; que, dans ces conditions, le lien direct et certain entre le dommage invoqué par l'association requérante, à supposer même qu'il soit de nature à ouvrir à l'association requérante un droit à réparation, et l'ouvrage incriminé, dont au demeurant le mauvais entretien sur une durée caractérisée n'est pas formellement démontré, ne peut être regardé comme établi ; qu'il suit de là que la responsabilité de l'établissement public Voies navigables de France n'est, en tout état de cause, pas susceptible d'être engagée en l'espèce ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association protectrice du saumon pour le bassin Loire-Allier n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

4. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Voies navigables de France, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'association protectrice du saumon pour le bassin Loire-Allier demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association protectrice du saumon pour le bassin Loire-Allier la somme que l'établissement public demande au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'association protectrice du saumon pour le bassin Loire-Allier est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par Voies navigables de France au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association protectrice du saumon pour le bassin Loire-Allier et à l'établissement public Voies navigables de France.

Délibéré après l'audience du 11 décembre 2014 à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Specht, premier conseiller,

- M. Lemoine, premier conseiller,

Lu en audience publique le 31 décembre 2014.

Le rapporteur,

F. LEMOINE

Le président,

I. PERROT

Le greffier,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre du logement et de l'égalité des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT02773


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02773
Date de la décision : 31/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. François LEMOINE
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : SCP MARTIN-LAISNE DETHOOR-MARTIN PORTAL GALAND

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-12-31;13nt02773 ?
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