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30/12/2014 | FRANCE | N°14NT01054

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 30 décembre 2014, 14NT01054


Vu la requête, enregistrée le 21 avril 2014, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par Me Kobo, avocat au barreau d'Orléans ; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1303664 du 18 mars 2014 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 novembre 2013 par lequel le préfet du Loiret a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé ;

2°) d'

annuler l'arrêté du 12 novembre 2013 pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre sous ...

Vu la requête, enregistrée le 21 avril 2014, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par Me Kobo, avocat au barreau d'Orléans ; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1303664 du 18 mars 2014 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 novembre 2013 par lequel le préfet du Loiret a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2013 pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre sous astreinte au préfet du Loiret de réexaminer sa situation et de lui délivrer, durant cet examen, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

M. B... soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé, dès lors que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet du Loiret en estimant que sa présence en France n'était pas obligatoire, alors qu'il avait souscrit à l'étude ANRS CO22 HEPATHER destinée à la recherche sur les traitements des hépatites B et C, et que, victime d'un accident du travail, il avait également engagé une procédure devant la commission de recours amiable de la sécurité sociale sur la consolidation de son état ;

- l'arrêté contesté a été signé par une autorité incompétente ;

- cet arrêté est insuffisamment motivé ;

- cet arrêté méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles du 10° de l'article L. 511-4 du même code, dès lors qu'il n'est pas justifié, au moyen de la production de l'offre de soins, de la disponibilité effective des médicaments appropriés dans son pays d'origine ;

- cet arrêté est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il emporte sur sa situation personnelle, eu égard notamment à son insertion professionnelle ;

- cet arrêté, en tant qu'il fixe le pays à destination duquel il pourra être renvoyé, méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 août 2014, présenté par le préfet du Loiret qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- le jugement n'est pas irrégulier, dès lors que les premiers juges n'avaient pas à répondre à un moyen inopérant ;

- s'agissant de la légalité du refus du titre de séjour, il appartient à l'étranger qui souhaite contester l'avis du médecin de l'ARS, lorsque celui-ci estime qu'il peut bénéficiait d'un traitement approprié dans son pays d'origine, d'apporter des éléments circonstanciés susceptibles de remettre en cause cette appréciation ;

- les autres moyens doivent être écartés comme non fondés ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 7 octobre 2014, présenté pour M. B... qui maintient ses précédentes écritures ;

il soutient, en outre, que :

- ses soins sont continus et il a d'ailleurs rendez-vous avec son médecin traitant le lundi 8 juin 2015 à 16 heures ;

- le tableau de l'offre de soins dans le pays de renvoi n'est pas produit ;

- l'annulation de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire entraîne nécessairement celle de la décision fixant le pays de destination ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 décembre 2014 :

- le rapport de M. Millet, président-assesseur ;

1. Considérant que M. B..., de nationalité camerounaise, relève appel du jugement du 18 mars 2014 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 novembre 2013 par lequel le préfet du Loiret a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que M. B... est entré en France le 10 juillet 2010 ; que le statut de réfugié lui ayant été refusé, il a obtenu, sur le fondement de l'alinéa 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile, un titre de séjour valable du 17 août 2012 au 16 août 2013 pour traiter l'hépatite B dont il était atteint ; que la rémission de l'affection en cause ayant été constatée par le médecin de l'agence régionale de santé (ARS) le 29 octobre 2013, le préfet du Loiret a pris une mesure d'éloignement à son encontre le 12 novembre 2013 ; que, pour écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste qu'aurait commise le préfet du Loiret sur l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur sa situation personnelle, le tribunal administratif a notamment souligné que " la circonstance que deux rendez-vous médicaux lui ont été fixés les 13 et 14 mai 2014 ne faisait pas à elle seule obstacle à ce que M. B... quitte le territoire français " ; que le jugement est suffisamment motivé sur ce point ;

3. Considérant que si le requérant soutient, en outre, que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de ce que le maintien de sa présence en France était indispensable, dès lors qu'il avait souscrit à l'étude ANRS CO22 HEPATHER destinée à la recherche sur les traitements des hépatites B et C, et que, victime d'un accident du travail, il avait également engagé une procédure devant la commission de recours amiable de la sécurité sociale sur la consolidation de son état, il ressort des pièces du dossier que M. B... ne s'est inscrit à l'étude précitée, qui pouvait d'ailleurs être interrompue à tout moment, que le 19 novembre 2013, postérieurement à la décision litigieuse, et que son recours devant la commission de la sécurité sociale, introduit le 22 août 2014, n'avait pour objet que de contester le taux d'incapacité de 7 % qui lui avait été reconnu pour une fracture de la mandibule survenue à l'occasion du travail ; que, compte tenu tant de la date que de la nature de ces événements, le moyen tiré de ce que ces éléments n'auraient pas été pris en compte par le tribunal pour apprécier la situation de M. B... était inopérant ; que, dès lors, les premiers juges n'étaient pas tenus d'y répondre ; que, par suite, le moyen tiré de l'omission à statuer doit être écarté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire :

4. Considérant, en premier lieu, que M. B... reprend, sans apporter de précisions supplémentaires, ses moyens de première instance tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et du défaut de motivation de la décision contestée ; qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter ces moyens ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée . La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. B..., le préfet du Loiret, au regard notamment de l'avis du médecin de l'ARS du Centre du 21 octobre 2013, a estimé que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que les pièces produites par le requérant, notamment le certificat du docteur Rault du 25 novembre 2013, selon lequel l'état de santé de M. B... nécessite des " soins réguliers et prolongés ", ne permettent pas d'établir que les soins nécessaires au traitement de sa pathologie ne sont pas disponibles dans son pays d'origine, alors que l'avis du médecin de l'ARS du Centre du 21 octobre 2013, confirmé par un avis complémentaire émis le 28 janvier 2014, indique que l'affection dont est atteint M. B... est en rémission et nécessite une surveillance médicale pouvant être réalisée dans le pays d'origine du requérant ; que ce dernier ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que les médicaments requis par son état de santé ne seraient pas effectivement disponibles au Cameroun, dès lors que ce caractère effectif ne constituait plus, à la date de la décision contestée, une condition d'application des dispositions de l'article L. 313-11, 11° précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté ;

7. Considérant, en troisième lieu, que si M. B... soutient qu'il est parfaitement intégré à la société Française et inséré professionnellement, son contrat de travail ayant été seulement suspendu par son employeur en l'attente du renouvellement de son titre de séjour, le requérant, célibataire sans charge de famille, n'est entré en France que très récemment et n'a obtenu un titre de séjour temporaire que pour raisons médicales ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté contesté serait, dans ces conditions, entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

8. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511- 4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ;

9. Considérant que, comme il a été dit précédemment, M. B... ne produit pas d'éléments permettant de remettre en cause l'appréciation du médecin de l'ARS, qui serait de nature à établir que le préfet aurait méconnu les dispositions susmentionnées en décidant de l'obliger à quitter le territoire français ; que ce moyen doit, par suite, être écarté ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

10. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire ne sont pas entachés d'illégalité ; que, par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de ces décisions à l'encontre de la décision fixant le pays de destination doit être écarté ;

11. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;

12. Considérant, d'une part, que, dès lors que M. B... n'établit pas l'absence de soins au Cameroun pour le traitement de la pathologie dont il est atteint, il n'est pas fondé à soutenir qu'un retour dans son pays d'origine serait de nature à l'exposer à un traitement contraire aux stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en raison de son état de santé ; que, d'autre part, le requérant n'établit pas, par les pièces qu'il produit, qu'il encourt un risque direct et personnel pour sa sécurité en cas de retour au Cameroun ; que, par suite, le préfet du Loiret, qui ne s'est pas cru lié par les décisions négatives de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 7 février 2011 et de la Commission nationale du droit d'asile (CNDA) du 3 février 2012, n'a méconnu ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

14. Considérant que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B... ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise au préfet du Loiret.

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- M. François, premier conseiller.

Lu en audience publique le 30 décembre 2014.

Le rapporteur,

J-F. MILLETLe président,

A. PÉREZ

Le greffier,

K. BOURON

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N° 14NT01054


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01054
Date de la décision : 30/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Jean-Frédéric MILLET
Rapporteur public ?: M. DELESALLE
Avocat(s) : KOBO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-12-30;14nt01054 ?
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