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30/12/2014 | FRANCE | N°14NT00761

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 30 décembre 2014, 14NT00761


Vu la requête, enregistrée le 17 mars 2014, présentée pour M. B... A..., demeurant..., par Me Ifrah, avocat au barreau du Mans ; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 13-8039 du 27 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 septembre 2013 du préfet de la Sarthe portant refus de lui délivrer un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêt

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3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe de lui délivrer un titre de séjour...

Vu la requête, enregistrée le 17 mars 2014, présentée pour M. B... A..., demeurant..., par Me Ifrah, avocat au barreau du Mans ; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 13-8039 du 27 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 septembre 2013 du préfet de la Sarthe portant refus de lui délivrer un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à défaut, de réexaminer sa demande, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) subsidiairement, de surseoir à statuer jusqu'à ce que l'office français de protection des réfugiés et apatrides se soit prononcé sur sa demande de statut d'apatride ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- l'arrêté litigieux a été signé par une autorité incompétente et est insuffisamment motivé ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; son enfant n'a aucune nationalité et ne peut donc légalement être accueilli dans un pays ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ; il n'a ni la nationalité coréenne, ni la nationalité mongole ; il a développé des attaches d'ordre privé et familial en France ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité en raison de l'illégalité du refus de lui délivrer un titre de séjour ; elle a été prise en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; sa compagne est enceinte ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ; il a déposé une demande d'obtention du statut d'apatride auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; il produit un document de l'Ambassade de Mongolie attestant qu'il n'est pas citoyen de ce pays ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il ne sera admis ni en Corée du Nord, ni en Mongolie ; sa vie est fortement menacée en cas de retour en Corée du Nord ou en Mongolie ; il a quitté la Corée du Nord depuis plus de quinze années ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 août 2014, présenté par le préfet de la Sarthe qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- l'arrêté contesté a été signé par une autorité compétente ;

- les décisions portant refus de titre de séjour et fixant le pays de destination sont suffisamment motivées ; l'obligation de quitter le territoire français n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle du refus de séjour ;

- les décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire n'ont pas été prises en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le refus de titre de séjour n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressé ;

- l'exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour invoquée contre la décision portant obligation de quitter le territoire national n'est pas fondée ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressé ;

- M. A... ne démontre pas être exposé à des risques réels pour l'intégrité de sa personne en cas de retour en Corée du Nord ; l'intéressé peut aussi rejoindre un autre pays où il serait légalement admissible ; à la date de son arrêté, le requérant n'avait fourni aucun document relatif à son apatridie ;

Vu la décision du 1er juillet 2014 de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes accordant le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. A... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 décembre 2014 :

- le rapport de M. Millet, président-rapporteur ;

- et les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A..., ressortissant coréen (Corée du Nord), résidant en Mongolie, est entré irrégulièrement en France le 4 septembre 2009 et a sollicité, le 2 novembre 2009, le statut de demandeur d'asile ; que cette demande a été rejetée par le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 27 septembre 2011, cette décision étant confirmée par un arrêt de la Cour nationale du droit d'asile du 31 août 2012 ; que par une nouvelle décision du 15 octobre 2012, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté la demande de réexamen de la demande d'asile présentée par M. A... ; que par un arrêté du 13 septembre 2013, le préfet de la Sarthe a rejeté la demande de titre de séjour portant la mention " demandeur d'asile " présentée par le requérant et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays d'origine ou tout autre pays où il pourrait légalement être admissible comme pays à destination duquel il serait reconduit ; que M. A... relève appel du jugement du 27 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur la demande de sursis à statuer :

2. Considérant que M. A..., né le 20 janvier 1985 en Corée du Nord, qui se dit sans nationalité, allègue, sans l'établir, avoir présenté, après l'arrêté préfectoral litigieux du 13 septembre 2013, une demande tendant à la reconnaissance du statut d'apatride et produit en appel un document en date du 17 février 2014, émanant du service consulaire de l'ambassade de Mongolie, certifiant qu'il n'est pas citoyen mongol ; que ces circonstances ne sont pas par elles-mêmes de nature à justifier de la perte de toute nationalité par M. A... ; que, dès lors et en l'absence de difficulté sérieuse, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer dans l'attente d'une éventuelle décision administrative de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

3. Considérant que M. A... fait valoir que la décision de refus de titre de séjour que lui a opposée le préfet a été prise par une autorité incompétente, est insuffisamment motivée, méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation ; que, toutefois, et ainsi qu'il l'a été précisé au point 1, sa demande de reconnaissance du statut de réfugié a été rejetée ; que le préfet de la Sarthe était, dès lors, tenu de refuser à l'intéressé le titre de séjour qu'il sollicitait sur le fondement des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet, se trouvant ainsi en situation de compétence liée pour refuser le titre de séjour sollicité, les moyens susmentionnés qui sont inopérants, doivent être écartés ;

En ce qui concerne la décision faisant obligation de quitter le territoire français :

4. Considérant, en premier lieu, qu'il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs des premiers juges, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de la décision faisant obligation de quitter le territoire français et de son insuffisance de motivation que M. A... réitère en appel sans apporter de précisions nouvelles ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que la décision de refus de titre de séjour n'étant pas illégale, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas privée de base légale ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la compagne du requérant fait

également l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'ainsi, rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale, y compris les enfants du couple, soit reconstituée dans un autre pays ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté ;

8. Considérant, en dernier lieu, que le moyen tiré par le requérant de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle, qui repose exclusivement sur sa prétendue apatridie, doit être écarté ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

9. Considérant, en premier lieu, qu'il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs des premiers juges, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de la décision fixant le pays de destination et de son insuffisance de motivation que M. A... réitère en appel sans apporter de précisions nouvelles ;

10. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;

11. Considérant, d'une part, que si les instances de l'asile n'ont pas considéré le requérant comme étant de nationalité nord-coréenne, il ressort des pièces du dossier, et notamment du mémoire en défense du préfet de la Sarthe, que la décision fixant le pays de renvoi, en ce qu'elle mentionne notamment comme pays de destination le pays dont est originaire l'intéressé, doit être interprétée comme prévoyant de le renvoyer en Corée du Nord ; que M. A... a illégalement quitté son pays d'origine, avec son père, en 1991, pour se réfugier en Mongolie ; que, dès lors, son éloignement à destination de la Corée du Nord l'exposerait à des risques pour sa vie ou son intégrité physique ; que, par suite, le préfet de la Sarthe ne pouvait, sans méconnaître les dispositions précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, fixé comme pays de destination celui dont M. A... est originaire ;

12. Considérant, d'autre part, que si M. A... soutient que sa vie serait également menacée en cas de retour en Mongolie, il ne produit aucune pièce au dossier permettant d'établir qu'il encourrait des risques personnel et actuel en cas de retour dans ce pays ; qu'au demeurant, comme il a été dit au point 1, sa première demande d'admission au statut de réfugié a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile ; que les instances de l'asile le regarde comme ressortissant mongol ; que, dès lors, le préfet pouvait fixer comme pays de destination la Mongolie ou tout autre pays pour lequel M. A... établirait être légalement admissible, à l'exception de la Corée du Nord ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination, en tant qu'elle désigne comme pays de renvoi celui dont il est originaire ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

14. Considérant que la présente décision, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... à l'encontre des décisions lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français, n'implique pas qu'il soit ordonné au préfet de la Sarthe de lui délivrer un titre de séjour, ni qu'il lui soit enjoint de réexaminer la situation de M. A... et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ; que les conclusions de M. A... aux fins d'injonction et d'astreinte doivent, par suite, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

15. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. A... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 27 janvier 2014 du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de la décision du 13 septembre 2013 désignant le pays dont il est originaire comme pays à destination duquel il sera reconduit.

Article 2 : La décision du préfet de la Sarthe du 13 septembre 2013 est annulée en tant qu'elle désigne le pays dont M. A... est originaire comme pays à destination duquel il sera reconduit.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Millet, président,

- M. François, premier conseiller,

- M. Pouget, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 décembre 2014.

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

E. FRANÇOIS

Le président-rapporteur,

JF. MILLET

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT00761 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT00761
Date de la décision : 30/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MILLET
Rapporteur ?: M. Jean-Frédéric MILLET
Rapporteur public ?: M. DELESALLE
Avocat(s) : SCP GALLOT LAVALLEE IFRAH

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-12-30;14nt00761 ?
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