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29/12/2014 | FRANCE | N°13NT02466

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 29 décembre 2014, 13NT02466


Vu la requête, enregistrée le 28 août 2013, présentée pour l'association sauvegarde du Penthièvre, dont le siège est au 1 place de la Mairie à Pommeret (22120), par Me Metais-Mouries, avocat ; l'association sauvegarde du Penthièvre demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003893 du 28 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 29 janvier 2010 par lequel le préfet des Côtes d'Armor a autorisé l'Exploitation agricole à responsabilité limitée (Earl) Les Bergeons à exploiter un é

levage de porcs sur le territoire de la commune de Pommeret au lieu-dit Le Ba...

Vu la requête, enregistrée le 28 août 2013, présentée pour l'association sauvegarde du Penthièvre, dont le siège est au 1 place de la Mairie à Pommeret (22120), par Me Metais-Mouries, avocat ; l'association sauvegarde du Penthièvre demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003893 du 28 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 29 janvier 2010 par lequel le préfet des Côtes d'Armor a autorisé l'Exploitation agricole à responsabilité limitée (Earl) Les Bergeons à exploiter un élevage de porcs sur le territoire de la commune de Pommeret au lieu-dit Le Bas Refus ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- le dossier de demande d'autorisation était incomplet au regard des prescriptions de l'article R. 512-6 du code de l'environnement dès lors qu'il ne comprenait ni l'avis du maire, ni un plan au 1/200°, ni une notice relative au personnel et ni le plan général des travaux ;

- une nouvelle enquête publique était nécessaire compte tenu des modifications substantielles apportées au projet initial après la première enquête ;

- un permis modificatif était également nécessaire du fait de ces modifications ;

- les modifications intervenues sont contraires au droit du public à être informé conformément aux dispositions de l'article L.123-3 du code de l'environnement ;

- l'étude d'impact devait prendre en compte les conditions d'exploitation des 2 installations gérées par l'Earl Les Bergeons et par l'Earl du Grand Bignon dès lors qu'il existe un lien de connexité entre les deux exploitations ;

- les règles fixées par le schéma directeur d'aménagement et de gestion de l'Eau ont été méconnues compte tenu du taux très élevé de nitrates dans la rivière de l'Evron et dans la baie de St Brieuc ;

- l'autorisation accordée aggrave le déséquilibre azoté du secteur en cause ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2014, présenté pour l'Earl les Bergeons par Me Barbier, avocat ; l'Earl Les Bergeons conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'association Sauvegarde du Penthièvre le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors que l'association n'a produit aucune habilitation à ester en justice ;

- l'absence de l'avis du maire relatif aux conditions de remise en état du site n'est pas de nature à avoir exercé une influence sur le sens de la décision ;

- les plans communiqués permettaient d'apprécier l'implantation et la nature du projet ;

- la mise en oeuvre du système de raclage en V ne pouvait pas être mentionnée dans le dossier initial dès lors qu'il a été décidé à l'issue de l'enquête publique ;

- le dossier comprenait bien une notice d'hygiène et de sécurité ;

- une nouvelle enquête publique n'était pas nécessaire dès lors que les modifications apportées l'ont été pour tenir compte des résultats de la première enquête et n'ont pas bouleversé l'économie générale du projet ;

- de même il n'y avait pas lieu de déposer un nouveau dossier de demande d'autorisation ;

- un permis de construire modificatif n'était pas nécessaire et, en tout état de cause, le moyen est inopérant dès lors qu'il se rapporte à une législation distincte de celle relative aux installations classées pour la protection de l'environnement ;

- les dispositions de l'article R. 512-6 du code de l'environnement ne trouvent à s'appliquer que dans l'hypothèse où les installations sont exploitées par une même personne ;

- la pétitionnaire est qualifiée pour exercer une profession agricole et ses liens familiaux avec le gérant de l'Earl du Grand Bignon ont été mentionnés au cours de l'enquête publique ;

- la connexité alléguée n'est pas démontrée ;

- en tout état de cause, la demande n'avait pas à être instruite selon les nouvelles dispositions issues du décret du 29 décembre 2011 portant réforme des études d'impact ;

- le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du SDAGE est inopérant dès lors que les décisions prises en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement ne constituent pas des décisions administratives dans le domaine de l'eau ; en tout état de cause, il n'y a pas d'incompatibilité au cas d'espèce dans la mesure où le projet a pour effet de réduire les excédents d'azote et le phénomène d'eutrophisation des eaux ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 juin 2014, présenté pour l'association sauvegarde du Penthièvre qui maintient ses conclusions initiales par les mêmes moyens et indique qu'il manquait également au dossier l'avis du propriétaire des parcelles ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2014, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie qui conclut au rejet de la requête en se référant aux observations présentées par le préfet des Côtes d'Armor en première instance et en faisant également valoir que :

- les vices allégués en ce qui concerne la composition du dossier ne sont pas de nature à avoir eu une influence sur la décision du préfet ;

- la mise en place d'un système de raclage pour répondre aux constatations de l'enquête ne constitue pas une modification justifiant une nouvelle enquête ;

- il n'appartient pas au préfet de se prononcer sur la validité de la demande de permis de construire ;

- dès lors qu'il n'y a pas un exploitant identique, il n'y a pas lieu de faire jouer les dispositions de l'article R. 512-6 du code de l'environnement ;

- l'autorisation accordée est compatible avec le SDAGE ;

Vu l'ordonnance en date du 18 septembre 2014 fixant la clôture d'instruction au 31 octobre 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu, II, la requête enregistrée le 3 septembre 2013, présentée pour l'association Eau et Rivières de Bretagne, dont le siège social est situé Venelle de la Caserne à Guingamp (22200) par Me Le Briero, avocat ; l'association Eau et Rivières de Bretagne demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003893 du 28 juin 2013 par lequel le Tribunal Administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 29 janvier 2010 par lequel le préfet des Côtes d'Armor a autorisé l'Earl Les Bergeons à exploiter un élevage de porcs sur le territoire de la commune de Pommeret au lieu-dit Le Bas Refus ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- le secteur concerné est particulièrement touché par les nuisances résultant de la prolifération des algues vertes, elles-mêmes induites par les rejets de nitrates des élevages porcins ;

- l'étude d'impact était insuffisante dans la mesure où son contenu n'était aucunement proportionné à l'importance de l'installation projetée ;

- l'étude d'impact ne comporte ainsi de nombreuses lacunes concernant l'état initiale et les impacts de l'exploitation tant en ce qui concerne la prolifération des algues verts, l'analyse des sols et de la qualité des eaux, l'évaluation des rejets d'ammoniac que la justification des choix opérés et l'analyse des effets sur l'environnement ;

- l'estimation des dépenses est également insuffisante ;

- les mesures compensatoires pour le traitement du lisier sont insuffisantes ;

- le pétitionnaire n'apporte pas la justification de ses capacités professionnelles, techniques et financières ;

- le dossier a été faussé par une intention frauduleuse concernant une indépendance de l'élevage autorisé avec celui exploité par l'époux de la pétitionnaire, alors que ce dernier ne pouvait être étendu que dans le respect de conditions particulières ;

- la dissimulation des liens unissant la pétitionnaire à M. A... a été de nature à fausser l'information du public, des élus et des services compétents ;

- les règles fixées par le schéma directeur d'aménagement et de gestion de l'Eau ont été méconnues ;

- l'autorisation accordée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle ne respecte pas les objectifs définis par l'article L. 211-1 du code de l'environnement ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2014, présenté pour l'Earl les Bergeons par Me Barbier, avocat ; l'Earl Les Bergeons conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'association eau et rivière de Bretagne le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors que l'association n'a produit aucune habilitation à ester en justice ;

- compte tenu de la taille de l'exploitation autorisée, il n'était pas nécessaire de présenter une étude d'impact ;

- l'étude d'impact qui a été néanmoins été produite était suffisante et comporte des

données sur la qualité des eaux, les teneurs en nitrate, les effets de l'épandage et le risque d'eutrophisation ;

- il n'est pas établi que le projet pourrait affecter les eaux souterraines ;

- les effets des rejets d'ammoniac ont été décrits ;

- elle n'avait pas à exposer les raisons de son choix dès lors qu'aucun autre projet n'était envisagé ;

- elle n'avait pas à présenter de mesures compensatoires alors que les apports d'azote et de phosphore organique seront adaptés aux besoins en fertilisation des cultures ;

- il n'est aucunement démontré que les mentions relatives à la capacité technique de l'exploitant et l'absence de renseignement sur sa situation familiale aurait été de nature à nuire à l'information du public ;

- le dossier comporte les renseignements nécessaires sur sa capacité financière ;

- le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du SDAGE est inopérant dès lors que les décisions prises en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement ne constituent pas des décisions administratives dans le domaine de l'eau ; en tout état de cause, il n'y a pas d'incompatibilité au cas d'espèce dans la mesure où le projet a pour effet de réduire les excédents d'azote et le phénomène d'eutrophisation des eaux ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 juin 2014, présenté pour l'association Eau et Rivières de Bretagne qui maintient ses conclusions initiales par les mêmes moyens, conclut également à ce que l'Earl Les Bergeons lui verse une somme de 2000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et fait également valoir que sa requête est recevable ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2014, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie qui conclut au rejet de la requête en se référant aux observations présentées par le préfet des Côtes d'Armor en première instance et en faisant également valoir que :

- l'étude d'impact était suffisamment précise ;

- l'autorisation accordée est compatible avec le SDAGE ;

Vu l'ordonnance en date du 1er octobre 2014 fixant la clôture d'instruction au 31 octobre 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 octobre 2014, présenté pour l'association Eau et Rivières de Bretagne qui maintient ses conclusions initiales par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance en date du 28 octobre 2014 reportant la clôture d'instruction au 28 novembre 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré au greffe de la Cour le 24 novembre 2014, présenté

pour l'Earl les Bergeons qui maintient ses conclusions initiales à fin de rejet de la requête par les mêmes moyens ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 décembre 2014 :

- le rapport de M. Lenoir, président-rapporteur ;

- les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

- et les observations de Me Metais-Mouries pour l'association sauvegarde du Penthièvre et de Me Barbier pour l'Earl les Bergeons ;

Après avoir pris connaissance des notes en délibéré, enregistrées le 22 décembre 2014, présentées pour l'Earl les Bergeons ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 29 janvier 2010, le préfet des Côtes d'Armor, faisant application des règles définies par la rubrique n° 2102-1 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement, a autorisé l'Earl Des Bergeons à exploiter, au lieudit " Le Bas refus " situé sur le territoire de la commune de Pommeret, un élevage porcin de 915 places pour animaux équivalents destiné à l'engraissement ; qu'il était indiqué que l'exploitation autorisée devait gérer 3335 unités d'azote devant être épandues chez " 3 prêteurs situés hors bassins versants à contentieux " ; qu'après modification intervenue à la suite de l'enquête publique, le plan d'épandage adopté par l'Earl Des Bergeons prévoit l'utilisation de 161 hectares de surfaces potentiellement épandables situées sur les territoires des communes de Brehand, Landehen, Lamballe, Pommeret, Quessoy et Yffinac ; que l'association " Sauvegarde du Penthièvre " et l'association "Eau et Rivières de Bretagne " relèvent appel du jugement du 8 juin 2013 par lequel le Tribunal Administratif de Rennes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de l'arrêté mentionné plus haut ;

Sur la jonction :

2. Considérant que les requêtes n° 13NT02466 et n° 13NT02505 sont relatives à la même décision et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt ;

Sur la recevabilité de la requête :

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des courriers enregistrés

les 16 et 19 juin 2013 que les conseils d'administration des deux associations requérantes ont régulièrement mandaté, conformément à leurs statuts, leur conseil pour relever appel du jugement qu'elles contestent ; qu'ainsi leurs requêtes sont recevables ;

Sur la légalité de l'arrêté du 29 janvier 2010 :

4. Considérant que l'article R. 512-6 du code de l'environnement, seul applicable à la date de la délivrance de l'autorisation contestée, prévoit que la demande d'autorisation de mise en service d'une installation classée doit être accompagnée de l'étude d'impact prévue à l'article L. 122-1 du même code et dont le contenu, par dérogation aux dispositions de l'article R. 122-3, est défini par les dispositions de l'article R. 512-8 de ce code ; qu'aux termes de ce dernier, dans sa rédaction applicable à la demande présentée le 22 décembre 2008 par la SCEA de Ker Anna : " I. - Le contenu de l'étude d'impact mentionnée à l'article R. 512-6 doit être en relation avec l'importance de l'installation projetée et avec ses incidences prévisibles sur l'environnement, au regard des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1. / II. - Elle présente successivement : / 1° Une analyse de l'état initial du site et de son environnement, portant notamment sur les richesses naturelles et les espaces naturels agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, ainsi que sur les biens matériels et le patrimoine culturel susceptibles d'être affectés par le projet ; / 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents de l'installation sur l'environnement et, en particulier, sur les sites et paysages, la faune et la flore, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur l'agriculture, l'hygiène, la santé, la salubrité et la sécurité publiques, sur la protection des biens matériels et du patrimoine culturel. Cette analyse précise notamment, en tant que de besoin, l'origine, la nature et la gravité des pollutions de l'air, de l'eau et des sols, le volume et le caractère polluant des déchets, le niveau acoustique des appareils qui seront employés ainsi que les vibrations qu'ils peuvent provoquer, le mode et les conditions d'approvisionnement en eau et d'utilisation de l'eau ; / 3° Les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d'environnement, parmi les solutions envisagées, le projet présenté a été retenu ; / 4° Les mesures envisagées par le demandeur pour supprimer, limiter et, si possible, compenser les inconvénients de l'installation ainsi que l'estimation des dépenses correspondantes. Ces mesures font l'objet de descriptifs précisant les dispositions d'aménagement et d'exploitation prévues et leurs caractéristiques détaillées. Ces documents indiquent les performances attendues, notamment en ce qui concerne la protection des eaux souterraines, l'épuration et l'évacuation des eaux résiduelles et des émanations gazeuses, ainsi que leur surveillance, l'élimination des déchets et résidus de l'exploitation, les conditions d'apport à l'installation des matières destinées à y être traitées, du transport des produits fabriqués et de l'utilisation rationnelle de l'énergie ; / 5° Les conditions de remise en état du site après exploitation ; / 6° Pour les installations appartenant aux catégories fixées par décret, une analyse des méthodes utilisées pour évaluer les effets de l'installation sur l'environnement mentionnant les difficultés éventuelles de nature technique ou scientifique rencontrées pour établir cette évaluation. / III. - Afin de faciliter la prise de connaissance par le public des informations contenues dans l'étude, celle-ci fait l'objet d'un résumé non technique " ; que les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'au titre de l'analyse de l'état initial du site et de son environnement, l'étude d'impact présentée par l'Earl " Des Bergeons " précise, en page 25, que le réseau hydrographique de la commune de Pommeret se caractérise essentiellement par la rivière " Evron " et le ruisseau " Le Pénan " et que la majeure partie du plan d'épandage est située sur le bassin versant du Gouessant, fleuve côtier, dont l'étude en question décrit la force de son courant et son débit ; que, cependant, cette même étude d'impact n'est assortie d'aucune étude hydrogéologique du secteur concerné par l'épandage et en particulier ne comporte aucune indication quant aux eaux souterraines dudit secteur ; que, de même, alors que l'épandage des lisiers sur 161 hectares de terres agricoles repartis dans plusieurs " ilôts " éloignés les uns des autres est susceptible d'avoir des effets sur la qualité des eaux, tant superficielles que souterraines, l'étude d'impact se borne à faire état de la qualité de l'eau du fleuve côtier Gouessant, en indiquant que ce dernier a dépassé, certes rarement, la norme maximale admise en matière de concentration de nitrates, et fournissant sans commentaire un tableau concernant la rivière Evron, sans mentionner de données relatives aux autres cours d'eau affectés par le plan d'épandage ; qu'enfin, la même étude ne mentionne ni la proximité des anses d'Yffiniac et de Morieux, et plus généralement de la baie de Saint-Brieuc, ni, comme cela ressort du tableau figurant en P.23 de l'étude, l'existence à proximité immédiate des sites d'épandages des zones naturelles d'intérêts écologiques, faunistiques et floristiques ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que, s'agissant des effets de l'épandage des lisiers sur la qualité des eaux, tant superficielles que souterraines, l'étude d'impact mentionne, en page 18, qu'il a été procédé à l'évaluation de l'aptitude à l'épandage des parcelles grâce à un passage sur les parcelles concernées et à un sondage de 1,20 m de profondeur effectué au moyen d'une tarière et indique qu'il a été établi une évaluation des risques de transfert du phosphore vers les eaux superficielles ; que, toutefois, ces mentions ne sont assorties d'aucune précision concernant la localisation des sondages en question, leur ampleur et les modalités d'analyse des résultats obtenus, notamment pour apprécier les risques de diffusion des effluents azotés dans le sous-sol et de contamination des eaux souterraines alors que ne saurait pallier à cette insuffisance la simple description du cycle de l'azote figurant en page 52 de l'étude en question ; qu'ainsi cette dernière ne comporte aucune étude agro-pédologique réelle permettant de disposer de données précises et complètes sur la nature des sols et sous-sols des divers secteurs retenus pour constituer le plan d'épandage alors qu'une telle étude était nécessaire pour répondre, en l'espèce, aux exigences du 2° du II de l'article R. 512-8 du code de l'environnement, tant pour apprécier l'impact de l'épandage prévu sur la qualité des eaux, que pour apprécier l'aptitude des parcelles à l'épandage et ainsi s'assurer de l'exactitude des indications du pétitionnaire sur le degré d'aptitude des terrains à l'épandage du lisier ;

7. Considérant, en troisième lieu, que si, ainsi qu'il l'a été précisé ci-dessus, l'étude d'impact mentionne que le seuil maximal de concentration en nitrate a été dépassé en ce qui concerne le fleuve côtier du Gouessant et la rivière Evron ainsi que cela est confirmé, pour cette dernière, par l'étude des données figurant dans le tableau situé en page 27, l'étude d'impact ne comporte, en page 39, aucune description des mesures prises pour éviter effectivement les ruissellements de composant nitratés sur les eaux superficielles ;

8. Considérant, dès lors, que les associations requérantes sont fondées à soutenir que le contenu de l'étude d'impact joint au dossier d'autorisation ne permet pas d'apprécier les conséquences prévisibles du projet sur l'environnement et ne répond pas aux exigences fixées par les 1°, 2° et 4° de l'article R. 512-8 du code de l'environnement ;

9. Considérant que les omissions et insuffisances relevées ci-dessus de l'étude d'impact présentée par l'Earl " Les Bergeons " à l'appui de sa demande d'autorisation ont eu pour effet, à l'occasion de l'enquête publique, de nuire à l'information complète de la population et ont, en outre, été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative ; que, dès lors, viciant la procédure à l'issue de laquelle a été pris l'arrêté en litige, elles sont de nature à entraîner l'illégalité de ce dernier ;

10. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'association " Sauvegarde du Penthièvre " et l'association " Eau et Rivières de Bretagne " sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande d'annulation de l'arrêté du préfet des Côtes d'Armor du 29 janvier 2010 autorisant l'Earl " Les Bergeons " à exploiter un élevage de porcs sur le territoire de la commune de Pommeret ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'association " Sauvegarde du Penthièvre " et de l'association " Eau et Rivières de Bretagne " le versement de la somme que l'Earl " Les Bergeons " demande à ce titre ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, au même titre, de mettre à la charge de l'Etat le versement à chacune des associations requérantes de la somme de 1 000 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 28 juin 2013 et l'arrêté du préfet des Côtes d'Armor du 29 janvier 2010 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de l'Earl " Les Bergeons " tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Il est mis à la charge de l'Etat le versement à l'association " Sauvegarde du Penthièvre " et de l'association " Eau et Rivières de Bretagne " d'une somme de 1 000 euros pour chacune en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Sauvegarde du Penthièvre " et de l'association " Eau et Rivières de Bretagne ", au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et à l'Earl Les Bergeons.

Copie en sera adressée au préfet des Côtes d'Armor.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Piltant, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 décembre 2014.

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

J. FRANCFORT

Le président-rapporteur,

H. LENOIR

Le greffier,

C. GOY

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Nos 13NT02466, 13NT02505


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02466
Date de la décision : 29/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Hubert LENOIR
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : METAIS-MOURIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-12-29;13nt02466 ?
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