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23/12/2014 | FRANCE | N°13NT02134

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 23 décembre 2014, 13NT02134


Vu la requête, enregistrée le 22 juillet 2013, présentée pour la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles du Finistère, représentée par son président en exercice et dont le siège est situé maison de l'agriculture, 5 allée Sully à Quimper (29322), par Me Barbier, avocat, qui demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 4 du jugement n° 1003564 et 1102464 du 31 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes, d'une part, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande n° 1003564 tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 mars 2010 par l

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Vu la requête, enregistrée le 22 juillet 2013, présentée pour la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles du Finistère, représentée par son président en exercice et dont le siège est situé maison de l'agriculture, 5 allée Sully à Quimper (29322), par Me Barbier, avocat, qui demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 4 du jugement n° 1003564 et 1102464 du 31 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes, d'une part, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande n° 1003564 tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 mars 2010 par lequel le préfet du Finistère a délimité l'aire d'alimentation du captage d'eau potable de Kermorvan à Trébabu et défini le programme d'action volontaire visant à diminuer les teneurs en nitrates observées sur ce captage et, d'autre part, a rejeté sa demande n° 1102464 tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 avril 2011 par lequel le préfet du Finistère a délimité l'aire d'alimentation du captage d'eau potable de Kermorvan à Trébabu et défini le programme de mesures obligatoires à mettre en oeuvre pour diminuer les teneurs en nitrates observées sur ce captage ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du préfet du Finistère du 31 mars 2010 et du 20 avril 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens de l'instance ainsi que le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la zone de protection sur laquelle s'applique le programme d'action a été délimitée dans des conditions irrégulières, dès lors qu'il incombait au préfet de distinguer, au sein de l'aire d'alimentation du captage, les zones de protection sur lesquelles s'applique un programme d'action, tel que prévu par l'article R. 114-6 du code rural ;

- tel est en effet ce qui résulte des travaux parlementaires de la loi du 30 décembre 2006, de l'article R. 114-3 du code rural et d'une circulaire du 30 mai 2008 ;

- dans tous les cas, la délimitation de la zone de protection sur laquelle s'applique le programme d'action doit faire l'objet d'une décision préfectorale spécifique et justifiée par des considérations propres à cette zone ;

- le préfet ne pouvait prévoir l'application du programme d'action sur la totalité de l'aire d'alimentation du captage, sans rechercher ni vérifier quelles étaient, à l'intérieur de cette aire, les zones où des mesures de protection étaient réellement nécessaires et justifiées ;

- les arrêtés contestés ne sont pas conformes au programme d'action " nitrates " et l'on ne peut estimer que les programmes d'action applicables dans les zones de protection des aires d'alimentation des captages et ceux à mettre en oeuvre en vue de la protection des eaux contre la pollution par les nitrates procéderaient de législations distinctes et pourraient s'appliquer indépendamment les uns des autres ;

- il n'est pas admissible que, pour la satisfaction d'objectifs similaires et sur de mêmes territoires, à destination des mêmes administrés et des mêmes activités, puissent s'appliquer des règles différentes voire contradictoires ;

- il résulte de l'article R. 114-6 du code rural que le programme d'action doit se conformer ou tient compte des mesures réglementaires ou contractuelles mises en oeuvre dans le domaine de l'eau et des milieux aquatiques sur la zone ;

- or, les arrêtés contestés prévoient, en ce qui concerne les épandages sur maïs d'effluents de type Ibis et de type II et la fertilisation des prairies, des règles différentes de celles prévues par le quatrième programme d'action " nitrates " ;

- le préfet devait se conformer à ce programme d'action, sans pouvoir le modifier et, dès lors, il a méconnu l'article R. 114-6 du code rural ;

- les mesures définies par le programme d'action présentent un caractère excessif, dès lors que l'article R. 114-6 du code rural énumère limitativement les mesures pouvant figurer dans un tel programme ;

- l'implantation et le maintien en prairie des terrains situés dans les zones dites sensibles ne relèvent pas du champ des 1° ou 6° de l'article R. 114-6 du code rural ;

- la mesure d'interdiction d'abreuvement des animaux figurant dans l'arrêté de 2011 doit être annulée pour la même raison que l'a été la même mesure figurant dans l'arrêté de 2010 et le jugement doit également être réformé sur ce point ;

- la définition des objectifs du programme d'action, des effets escomptés et de l'impact technique et financier du programme d'action est insuffisante et méconnaît sur ce point également l'article R. 114-6 du code rural ;

- le préfet devait, pour chaque type d'action, déterminer ces objectifs, ainsi que les délais correspondants et les effets escomptés ;

- les arrêtés contestés ne comportent pas une évaluation de l'impact financier réel des mesures envisagées sur les exploitations agricoles concernées par l'application du programme d'action ;

- le préfet était incompétent pour édicter le programme d'action obligatoire ;

- en effet, le jugement a annulé l'article 8 de l'arrêté de 2010 et, par suite, le II de l'article R. 114-8 du code rural imposait le respect du délai de douze mois qu'il mentionne ;

- le préfet a pris la décision de rendre obligatoires les mesures prévues par le programme d'action volontaire avant même l'expiration de ce délai d'épreuve de 12 mois ;

- en fixant un objectif à atteindre de 10 % de souscriptions au programme d'action volontaire, alors que le I de l'article R. 114-8 du code rural prévoit que certaines des mesures préconisées par ce programme peuvent être rendues obligatoires compte tenu des résultats de la mise en oeuvre de ce programme au regard des objectifs fixés, le préfet a méconnu ces dispositions ;

- les arrêtés contestés ont pour objet d'assurer la protection de milieux dans lesquels sont prélevées des eaux destinées à l'alimentation en eau potable des populations, alors que les articles L. 1321-2 et L. 1321-3 du code de la santé publique poursuivent un objectif identique et prévoient des mesures similaires, mais ajoutent que les propriétaires et occupants des terrains concernés sont indemnisés comme en matière d'expropriation, alors que l'arrêté du 20 avril 2011 ne prévoit aucune indemnisation ;

- il en résulte un traitement différent de citoyens pourtant soumis à des sujétions similaires ou identiques, portant des atteintes graves au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre ;

- cette discrimination apparaît résulter, non de la loi, mais de l'action administrative elle-même, l'autorité administrative devant en toutes circonstances observer le principe d'égalité de traitement des citoyens ;

- c'est ainsi à tort que le tribunal administratif a écarté le moyen tiré de la discrimination de traitement ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 février 2014, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui conclut au rejet de la requête ;

il fait valoir que :

- il s'en remet tout d'abord aux écritures du préfet en première instance ;

- le préfet pouvait légalement prévoir l'application du programme d'action sur la totalité de l'aire d'alimentation du captage de Kermoran ;

- le préfet pouvait valablement compléter les prescriptions du programme d'action contre la pollution par les nitrates d'origine agricole par des mesures adaptées et plus restrictives dans les zones de protection de cette aire d'alimentation d'un captage ;

- en tout état de cause, s'agissant d'arrêtés émanant de la même autorité et de même nature réglementaire, les uns pouvaient déroger aux autres ;

- les mesures définies par les arrêtés contestés ne sont pas excessives ;

- les objectifs du programme d'action, la définition des effets escomptés et l'évaluation de l'impact technique et financier respectent les exigences de l'article R. 114-6 du code rural ;

- le préfet était compétent pour édicter le programme d'action obligatoire et n'a pas méconnu le II de l'article R. 114-8 du code rural ;

- le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité est sans fondement et les arrêtés en cause ne pouvaient légalement prévoir une indemnisation qui n'est pas prévue par les dispositions applicables du code de l'environnement et du code rural et de la pêche maritime, qui prévoient seulement des aides publiques ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code rural et de la pêche maritime ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 décembre 2014 :

- le rapport de M. Durup de Baleine, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

- et les observations de Me Barbier, avocat de la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles du Finistère ;

1. Considérant que, par un arrêté du 31 mars 2010, le préfet du Finistère, après avoir institué et délimité une zone de protection de l'aire d'alimentation du captage d'eau potable de Kermorvan sur le territoire de la commune de Trébabu, a invité les propriétaires et agriculteurs exploitant des terres dans cette zone à mettre en oeuvre les mesures du programme d'action définies à l'article 4 de cet arrêté, en application de l'article R. 114-6 du code rural ; que l'eau prélevée au moyen de ce captage, inscrit sur la liste des captages prioritaires du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux Loire-Bretagne, est nécessaire à l'alimentation en eau potable de 15 000 habitants permanents et de près de 50 000 habitants en été ; que l'objectif de ce programme d'action était de parvenir, au 31 décembre 2012, à ce que le taux de concentration en nitrates de cette eau n'excède le seuil de 50 mg/l qu'au plus pendant 18 jours par an ; qu'à cet effet, l'article 5 de l'arrêté du 31 mars 2010 fixait un objectif au 1er juillet 2010 de souscription de la totalité des exploitations agricoles d'au moins 5 ha de surface agricole utile à ce programme d'action volontaire ; que, par un arrêté du 20 avril 2011, le préfet du Finistère, après avoir constaté que seulement 24 % des exploitants concernés avaient adhéré à ce programme d'action, a décidé d'y substituer un programme d'action obligatoire ; que, saisi des demandes formées par la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles du Finistère et par un jugement du 31 mai 2013, le tribunal administratif de Rennes a annulé le point 6 de l'article 4.3 ainsi que l'article 8 de l'arrêté du 31 mars 2010 et rejeté le surplus des conclusions à fin d'annulation présentées par cette organisation professionnelle qui, dans cette mesure, relève appel de ce jugement ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 211-3 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. En complément des règles générales mentionnées à l'article L. 211-2, des prescriptions nationales ou particulières à certaines parties du territoire sont fixées par décret en Conseil d'Etat afin d'assurer la protection des principes mentionnés à l'article L. 211-1/ / II. Ces décrets déterminent en particulier les conditions dans lesquelles l'autorité administrative peut : / (...) / 4° A l'intérieur des zones humides définies à l'article L. 211-1 : / a) Délimiter des zones dites " zones humides d'intérêt environnemental particulier " dont le maintien ou la restauration présente un intérêt pour la gestion intégrée du bassin versant, ou une valeur touristique, écologique, paysagère ou cynégétique particulière. Ces zones peuvent englober les zones humides dites " zones stratégiques pour la gestion de l'eau " prévues à l'article L. 212-5-1 ; / b) Etablir, dans les conditions prévues à l'article L. 114-1 du code rural, un programme d'actions visant à restaurer, préserver, gérer et mettre en valeur de façon durable les zones définies au a du présent article ; / 5° Délimiter, le cas échéant après qu'elles ont été identifiées dans le plan d'aménagement et de gestion durable de la ressource en eau et des milieux aquatiques prévu par l'article L. 212-5-1, des zones où il est nécessaire d'assurer la protection quantitative ou qualitative des aires d'alimentation des captages d'eau potable d'une importance particulière pour l'approvisionnement actuel ou futur (...) et y établir, dans les conditions prévues au 4° du présent article, un programme d'actions à cette fin ; / (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 114-1 du code rural, devenu le 9 mai 2010 le code rural et de la pêche maritime : " Le préfet délimite les zones dites " zones d'érosion " dans lesquelles l'érosion des sols agricoles peut créer des dommages importants en aval. / En concertation avec les collectivités territoriales et leurs groupements et les représentants des propriétaires et des exploitants des terrains, il établit un programme d'actions visant à réduire l'érosion des sols de ces zones. / Ce programme précise les pratiques à promouvoir pour réduire les risques d'érosion ainsi que les moyens prévus pour favoriser leur généralisation. Certaines de ces pratiques peuvent être rendues obligatoires. Ces pratiques peuvent bénéficier d'aides lorsqu'elles induisent des surcoûts ou des pertes de revenus. / (...) " ;

3. Considérant qu'ainsi que le précise l'article R. 114-1 du code rural et de la pêche maritime, les dispositions des articles R. 114-2 à R. 114-10 de ce code sont applicables notamment aux zones de protection des aires d'alimentation des captages d'eau potable ; que l'article R. 114-3 prévoit que la délimitation de ces zones est faite par arrêté préfectoral, après avis du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques, de la chambre d'agriculture et de la commission locale de l'eau ; que l'article R. 114-6 prévoit que, pour chaque zone, le préfet établit un programme d'action, comportant des mesures à promouvoir par les propriétaires et les exploitants parmi les actions énumérées à cet article, ainsi que déterminant les objectifs à atteindre ; que le II de l'article R. 114-8 du même code ajoute que, dans les zones de protection des aires d'alimentation des captages d'eau potable et dans les douze mois qui suivent la publication du programme d'action, le préfet rend obligatoires les mesures de ce programme pour lesquelles il estime que les objectifs prévus ne seront pas atteints à l'issue de cette période de douze mois ;

En ce qui concerne les moyens d'annulation communs aux deux arrêtés contestés :

S'agissant de la délimitation de la zone de protection :

4. Considérant que, contrairement à ce que soutient la requérante, aucune des dispositions de l'article L. 211-3 du code de l'environnement, de l'article L. 114-1 du code rural et de la pêche maritime ou des articles R. 114-1 à R. 114-10 de code, ni aucune autre disposition, ne faisaient obstacle à ce que la zone de protection de l'aire d'alimentation du captage de Kermorvan couvrît la totalité de cette aire d'alimentation ; qu'en l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'eu égard à la circonstance que l'eau du captage de Kermorvan présentait depuis plusieurs années un dépassement de la teneur admissible en nitrates, la délimitation de cette zone de protection aurait procédé d'une erreur d'appréciation ;

S'agissant du contenu du programme d'action :

5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 114-6 du code rural et de la pêche maritime : " Pour chaque zone délimitée ou envisagée, le préfet établit un programme d'action. / Ce programme d'action est compatible avec les dispositions du schéma directeur d'aménagement et de gestion de l'eau et, selon le cas, se conforme ou tient compte des mesures réglementaires ou contractuelles mises en oeuvre dans le domaine de l'eau et des milieux aquatiques sur la zone. / Il mentionne, le cas échéant, les aménagements dont la réalisation est envisagée dans la zone sur le fondement de l'article L. 211-7 du code de l'environnement en précisant leurs maîtres d'ouvrages, le calendrier et les modalités de leur réalisation. / Ce programme définit les mesures à promouvoir par les propriétaires et les exploitants, parmi les actions suivantes : / 1° Couverture végétale du sol, permanente ou temporaire ; / 2° Travail du sol, gestion des résidus de culture, apports de matière organique favorisant l'infiltration de l'eau et limitant le ruissellement ; / 3° Gestion des intrants, notamment des fertilisants, des produits phytosanitaires et de l'eau d'irrigation ; / 4° Diversification des cultures par assolement et rotations culturales ; / 5° Maintien ou création de haies, talus, murets, fossés d'infiltration et aménagements ralentissant ou déviant l'écoulement des eaux ; / 6° Restauration ou entretien d'un couvert végétal spécifique ; / 7° Restauration ou entretien de mares, plans d'eau ou zones humides. / Le programme d'action détermine les objectifs à atteindre selon le type d'action pour chacune des parties de la zone concernées, en les quantifiant dans toute la mesure du possible, et les délais correspondants. / Il présente les moyens prévus pour atteindre ces objectifs et indique notamment les aides publiques dont certaines mesures peuvent bénéficier ainsi que leurs conditions et modalités d'attribution. / Il expose les effets escomptés sur le milieu et précise les indicateurs quantitatifs qui permettront de les évaluer. / Il comprend une évaluation sommaire de l'impact technique et financier des mesures envisagées sur les propriétaires et exploitants concernés " ;

6. Considérant, en premier lieu, que l'article 3 de chacun des arrêtés contestés fixe pour objectif au programme d'action le respect par l'eau prélevée au captage de Kermorvan d'un seuil de concentration en nitrates n'excédant pas 50 mg/l à une échéance déterminée ; que le douzième alinéa de l'article R. 114-6 précité ne faisait pas obstacle à ce que le préfet retînt un objectif commun à l'ensemble des mesures formant le programme d'action ; que cet objectif est précis ; que les arrêtés contestés présentent les moyens prévus pour atteindre cet objectif, exposent les effets escomptés sur le milieu et précisent les indicateurs quantitatifs qui permettront de les évaluer ; qu'en outre, l'article 6 de l'arrêté du 31 mars 2010 comporte une évaluation sommaire de l'impact technique et financier des mesures envisagées sur les propriétaires et exploitants concernés ; que le préfet du Finistère n'avait pas l'obligation de réitérer une telle évaluation dans l'arrêté du 20 avril 2011 rendant obligatoire le programme d'action ; que, sur tous ces points, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 114-6 du code rural et de la pêche maritime ne peut qu'être écarté ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'en vue d'atteindre l'objectif défini à l'article 3 de l'arrêté du 31 mars 2010, l'article 5 de ce dernier prévoit que " l'atteinte de l'objectif défini à l'article 3 étant très fortement corrélée aux taux de souscription des mesures du programme d'action, celui-ci est fixé à 100 % de souscriptions de la charte d'engagement individuel pour toutes les exploitations agricoles ayant au moins 5 ha de SAU dans la zone d'action définie à l'article 1, à l'échéance du 1er juillet 2010 " ; que, si la fédération requérante critique ces dispositions au motif que, selon elle, elles fixaient un taux de souscription à la charte d'engagement individuel insusceptible d'être atteint au 1er juillet 2010, elle n'établit toutefois pas que la prévision d'un tel taux n'aurait pas été nécessaire pour atteindre l'objectif énoncé à l'article 3 ; qu'elle n'établit pas non plus, ni même n'allègue, que cet objectif aurait pu être atteint d'une autre manière ;

8. Considérant, en troisième et dernier lieu, que l'article 4.2.2 de chacun des arrêtés contestés impose d'implanter et de maintenir en prairie la zone sensible mentionnée par les articles 4.2.1 de ces arrêtés ; qu'une telle mesure est au nombre de celles, relatives à la couverture végétale du sol et la restauration ou l'entretien d'un couvert végétal spécifique, mentionnées aux 1° et 6° de l'article R. 114-6 du code rural et de la pêche maritime, que les programmes d'action pouvaient légalement prévoir ; qu'à l'instar de l'article 4.3 de l'arrêté du 31 mars 2010, sur ce point annulé par les premiers juges, le point 6 de l'article 4.3 de celui du 20 avril 2011 prévoit que " l'abreuvement direct des animaux aux cours d'eau est interdit " ; qu'une telle mesure ne se rattache à aucune des actions énumérées par cet article R. 114-6 ; que l'arrêté du 20 avril 2011 doit être annulé sur ce point ;

S'agissant du moyen tiré de la méconnaissance du programme d'action en vue de la protection des eaux contre les nitrates d'origine agricole :

9. Considérant, en troisième lieu, que l'article R. 114-6 du code rural et de la pêche maritime prévoit que le programme d'action " se conforme ou tient compte des mesures réglementaires ou contractuelles mises en oeuvre dans le domaine de l'eau et des milieux aquatiques sur la zone " ; que le IV de l'article R. 114-8 du même code, qui ne concerne que les mesures d'un programme d'action rendues obligatoires par le préfet, prévoit que " ces mesures s'appliquent sans préjudice des dispositions à caractère obligatoire prises au titre d'autres législations " ; qu'un arrêté préfectoral décidant, sur le fondement notamment des articles L. 211-3 ainsi que R. 211-80 du code de l'environnement, un programme d'action à mettre en oeuvre en vue de la protection des eaux contre la pollution contre les nitrates d'origine agricole est au nombre des mesures réglementaires mises en oeuvre dans le domaine de l'eau mentionnées à l'article R. 114-6 du code rural et de la pêche maritime ; que, contrairement à ce que soutient la fédération requérante, les dispositions des articles R. 114-6 et R. 114-8 du code rural et de la pêche maritime ne font pas obstacle à ce que, dans une zone de protection d'une aire d'alimentation d'un captage d'eau potable, un programme d'action établi en application de l'article R. 114-6 de ce code comporte, sur un même objet, des dispositions différentes de celles d'un programme d'action applicable une zone vulnérable à la pollution des eaux par les nitrates d'origine agricole couvrant cette zone de protection, dès lors que les mesures du programme d'action applicable à cette zone de protection ne sont pas moins contraignantes que celles du programme d'action applicable à la zone vulnérable dont elle relève ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'aire d'alimentation du captage d'eau potable de Kermorvan est incluse dans une zone vulnérable à la pollution des eaux par les nitrates d'origine agricole, zone couvrant la totalité du département du Finistère et faisant l'objet, à la date des deux arrêtés en litige, du quatrième programme d'action à mettre en oeuvre en vue de la protection des eaux contre la pollution par les nitrates d'origine agricole, résultant d'un arrêté du préfet du Finistère du 28 juillet 2009, modifié et complété par un arrêté du même préfet du 21 juillet 2010 ; que l'aire d'alimentation du captage en eau potable de Kermorvan ne relève pas des bassins versants algues vertes concernés par cet arrêté du 21 juillet 2010 ; que ce programme d'action interdit les épandages sur les cultures de maïs des fertilisants de type Ib et II du 1er juillet au 15 février, tandis que l'arrêté du 31 mars 2010 les interdit jusqu'au 20 mars et que celui du 20 avril 2011 les interdit jusqu'au 15 mars ; qu'en outre, le programme d'action contre la pollution par les nitrates d'origine agricole interdit les épandages de fertilisants sur les prairies âgées de moins de six mois, selon qu'elles sont implantées avant ou après le 1er septembre, pendant des périodes variant, en fonction du type de fertilisants utilisés, du 1er septembre au 31 octobre, du 1er juillet au 15 janvier, du 1er juillet au 31 janvier ou du 1er octobre au 15 janvier ; que le programme d'action établi par les deux arrêtés contestés interdit toute fertilisation d'une prairie de moins de six mois implantée entre le 1er juillet et le 30 septembre et, pour les autres prairies, limite les apports d'été à 40 kg d'azote minéral par hectare entre le 1er et le 31 août ou à 60 kg d'azote brut sous forme d'effluents d'élevage de type Ib et II entre le 1er août et le 30 septembre ; que ce programme d'action prévoyant, ainsi, des mesures qui ne sont pas moins rigoureuses que celles résultant de l'annexe n° 7A à l'arrêté du 28 juillet 2009 établissant dans l'ensemble du département du Finistère un programme d'action contre la pollution des eaux contre les nitrates d'origine agricole, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 114-6 du code rural et de la pêche maritime doit être écarté ;

En ce qui concerne les moyens propres à l'arrêté du 20 avril 2011 :

S'agissant du moyen tiré de l'incompétence ratione temporis du préfet du Finistère :

11. Considérant, en premier lieu, que l'article R. 114-8 du code rural et de la pêche maritime dispose que : " I. - Le préfet peut, à l'expiration d'un délai de trois ans suivant la publication du programme d'action, compte tenu des résultats de la mise en oeuvre de ce programme en regard des objectifs fixés, décider de rendre obligatoires, dans les délais et les conditions qu'il fixe, certaines des mesures préconisées par le programme. / II. - Toutefois, dans les zones de protection des aires d'alimentation des captages délimitées en application de l'article R. 114-4 et dans les douze mois qui suivent la publication du programme d'action, le préfet rend obligatoires les mesures de ce programme pour lesquelles il estime que les objectifs prévus ne seront pas atteints à l'issue de cette période de douze mois. / (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier que moins d'un quart des exploitations agricoles visées à l'article 5 de l'arrêté du 31 mars 2010 ont adhéré, en signant la charte d'engagement individuel, au programme d'action volontaire ; que, dès lors, c'est à juste titre que le préfet du Finistère a estimé que les objectifs prévus par ce programme d'action ne seraient pas atteints à l'issue d'une période de douze mois ; qu'en outre et comme le prévoit son article 9, l'arrêté du 31 mars 2010 a été publié, notamment, au moyen d'un affichage pendant une durée minimale de deux mois dans les mairies de quatre communes ; que, dès lors, l'arrêté du 20 avril 2011 a bien été pris dans les douze mois suivant la publication du programme d'action volontaire établi par l'arrêté du 31 mars 2010 ; qu'il en résulte qu'en décidant de rendre obligatoires les mesures de ce programme, le préfet du Finistère n'a pas méconnu les dispositions du II de l'article R. 114-8 du code rural et de la pêche maritime ;

S'agissant du moyen tiré de l'absence d'indemnisation des propriétaires et occupants :

12. Considérant qu'en ne prévoyant pas d'indemnisation au bénéfice des exploitants agricoles, le préfet du Finistère, auquel il n'appartenait pas d'instituer de lui-même un dispositif ayant pour objet une telle indemnisation, s'est borné à se conformer aux dispositions de l'article L. 211-3 du code de l'environnement et des articles L. 114-4 ainsi que R. 114-1 à R. 211-10 du code rural et de la pêche maritime, qui n'ont pas davantage prévu une telle indemnisation mais ont, en revanche, prévu qu'au titre de certaines mesures du programme d'action, les exploitants pourront bénéficier d'aides publiques dont en l'espèce l'article 6 de l'arrêté du 31 mars 2010 présente les conditions et modalités d'attribution ; que, dès lors, il ne saurait être utilement soutenu que le défaut d'une telle indemnisation vicierait l'arrêté du 20 avril 2011 d'une méconnaissance du principe général d'égalité ; qu'est également inopérant le moyen tiré de ce que l'article L. 1321-3 du code de la santé publique a, dans les cas qu'il prévoit, prévu des indemnités, le préfet du Finistère n'ayant, en l'espèce, pas fait application de ces dispositions législatives ;

13. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles du Finistère est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 avril 2011, en tant que le point 6 de l'article 4.3 de ce dernier interdit l'abreuvement direct des animaux aux cours d'eau ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles du Finistère au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances particulières de l'affaire, il y a lieu de laisser les dépens à sa charge ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le point 6 de l'article 4.3 de l'arrêté du préfet du Finistère du 20 avril 2011 est annulé.

Article 2 : L'article 4 du jugement du tribunal administratif de Rennes du 31 mai 2013 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles du Finistère est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles du Finistère et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Copie en sera adressée au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président,

- Mme Piltant, premier conseiller,

- M. Durup de Baleine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 décembre 2014.

Le rapporteur,

A. DURUP de BALEINELe président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT02134 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02134
Date de la décision : 23/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Antoine DURUP de BALEINE
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : SELARL ANDRE SALLIOU

Origine de la décision
Date de l'import : 11/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-12-23;13nt02134 ?
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