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15/12/2014 | FRANCE | N°13NT02335

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 15 décembre 2014, 13NT02335


Vu la requête, enregistrée le 8 août 2013, présentée pour M. A...B..., demeurant..., par Me Jolivet, avocat ; il demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1203214 en date du 6 juin 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 à 2010 et résultant du refus d'admission du caractère alimentaire de l'intégralité des pensions versées à sa mère ;

2°) de prononcer la réduction de ces impositions

;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre de l'article ...

Vu la requête, enregistrée le 8 août 2013, présentée pour M. A...B..., demeurant..., par Me Jolivet, avocat ; il demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1203214 en date du 6 juin 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 à 2010 et résultant du refus d'admission du caractère alimentaire de l'intégralité des pensions versées à sa mère ;

2°) de prononcer la réduction de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- les versements d'un montant annuel de 48 000 euros effectués au profit de sa mère résidant au Liban, dont la réalité n'a pas été remise en cause par l'administration, avaient dans leur intégralité le caractère de pensions alimentaires ; en effet, les besoins financiers de sa mère étaient très importants car elle nécessitait des soins réguliers et ne disposait pas de ressources propres ; en outre, l'administration, à qui revient la charge de la preuve, ne démontre pas que les sommes ainsi versées, qui ont été déterminées forfaitairement, étaient disproportionnées au regard de ses ressources et des besoins de sa mère ;

- la doctrine administrative publiée au BOI-IR-20-30-20-10 prévoit que les pensions alimentaires versées aux ascendants sont déductibles dès lors que le contribuable fournit à tout le moins des explications quant à ces pensions ; ainsi, il n'est pas nécessaire de justifier de l'intégralité des sommes versées ;

- à tout le moins, les sommes qu'il a versées à sa mère doivent venir en réduction de ses revenus à concurrence, respectivement, de 24 098 euros, 26 421 euros et 28 275 euros au titre des années 2008, 2009 et 2010 ; en effet, les rémunérations versées à l'auxiliaire de vie de sa mère s'élevaient respectivement à 9 791 euros, 10 766 euros et 11 756 euros au titre de ces années, sommes qui, eu égard au revenu national brut par habitant du Liban, n'étaient pas excessives et étaient en tout état de cause justifiées par des " quittances " de salaires ; par ailleurs, les frais infirmiers nécessités par l'état de santé de sa mère, et dont il est justifié, se sont élevés respectivement à 5 331 euros, 6 187 euros et 6 571 euros au titre de chacune des années en litige ; enfin, les frais de médicaments se sont élevés respectivement à plus de 748 euros par mois au titre de 2008, 789 euros par mois au titre de 2009 et 829 euros par mois au titre de 2010 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 janvier 2014, présenté par le ministre délégué chargé du budget qui conclut au rejet de la requête ;

le ministre soutient que :

- les versements effectués par le requérant au profit de sa mère, malade, ont été admis en déduction de son revenu global à concurrence de 16 171 euros au titre de 2008, de 18 568 euros au titre de 2009 et de 20 101 euros au titre de 2010 ;

- le requérant, qui n'a produit aucun document probant justifiant du montant exact des dépenses nécessitées par l'état de santé de sa mère, n'a pas démontré que les sommes versées étaient pour le surplus nécessaires pour que sa mère subvienne à ses besoins au Liban ; ainsi, le surplus des versements effectués par le requérant doit être regardé comme une libéralité ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 avril 2014, par lequel M. B...conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

il soutient en outre qu'il a justifié du montant du loyer dû par sa mère, dont il assumait le règlement et qui s'élevait à 18 000 dollars par an, notamment au titre de l'année 2008 ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 avril 2014, par lequel le ministre des finances et des comptes publics conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 2014 :

- le rapport de M. Jouno, premier conseiller,

- les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public ;

1. Considérant qu'au titre de chacune des années en litige, M. B...a déduit de son revenu global une somme de 48 000 euros à titre de pension alimentaire versée à sa mère résidant au Liban ; que, par proposition de rectification du 14 novembre 2011, l'administration a estimé que n'étaient déductibles en tant que pensions alimentaires que les sommes de 6 341 euros en 2008, 6 421 euros en 2009 et 6 450 euros en 2010 ; que les sommes ainsi reconnues comme pensions alimentaires ont été portées, après réclamation de l'intéressé, respectivement à 16 171 euros, 18 568 euros et 20 101 euros ; que M. B...relève appel du jugement du 6 juin 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu résultant du refus d'admission du caractère alimentaire du surplus des pensions qu'il avait versées à sa mère ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 156 du code général des impôts : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé (...) sous déduction : / (...) II. Des charges ci-après lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories : (...) / 2° (...) pensions alimentaires répondant aux conditions fixées par les articles 205 à 211, 367 et 767 du code civil (...) " ; qu'aux termes de l'article 205 du code civil : " Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin. " ; qu'aux termes de l'article 208 de ce code : " Les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame, et de la fortune de celui qui les doit. (...) " ; que, si les contribuables sont autorisés à déduire du montant total de leurs revenus, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu, les versements qu'ils font à leurs parents privés de ressources, il incombe au contribuable qui a pratiqué une telle déduction d'apporter la preuve devant le juge de l'impôt de l'importance des aliments dont le paiement a été rendu nécessaire par le défaut de ressources suffisantes de ses ascendants ; que cette importance doit être appréciée compte tenu, notamment, du montant de ses ressources personnelles comparé aux besoins de ses ascendants ;

3. Considérant que l'administration n'a remis en cause ni la réalité des versements effectués par M. B...au profit de sa mère ni l'absence alléguée de ressources de celle-ci, dont il n'était pourtant pas justifié ; que, cependant, elle a estimé que ces versements excédaient l'obligation alimentaire à laquelle M. B...était tenu, compte tenu des besoins de sa mère ;

4. Considérant, en premier lieu, que M. B...fait valoir que sa mère, gravement souffrante, nécessitait, jour et nuit, les services d'une auxiliaire de vie, dont les rémunérations se sont élevées à 14 400 dollars en 2008, 15 000 dollars en 2009 et 15 600 dollars en 2010 ; que, toutefois, s'il se prévaut de reçus de versements en espèces datés du 1er janvier 2008 au 1er janvier 2011 ainsi que d'un contrat de travail daté du 1er avril 2007, ces documents ne peuvent être regardés comme probants puisqu'ils n'ont été produits que postérieurement à la décision d'admission partielle de la réclamation de M. B... du 18 juillet 2012, alors que celui-ci avait indiqué par courriers du 21 novembre 2011 et du 9 janvier 2012 qu'il lui était impossible de justifier des paiements en espèce faits à cette auxiliaire de vie ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que si M. B...affirme que sa mère devait se procurer des médicaments coûteux, il ne produit, à l'appui de cette affirmation, qu'une facture de pharmacie en date du 15 août 2012, des ordonnances ainsi qu'un tableau non daté et dépourvu d'en-tête ; qu'aucun de ces documents ne permet de connaître les prix des médicaments acquis par la mère du requérant durant les années en litige ; qu'en particulier, si le tableau produit mentionne le coût mensuel des médicaments prescrits, les données qui y figurent ne sont pas étayées par des documents tels que des factures relatives aux années en litige ;

6. Considérant, en troisième lieu, que si M. B...produit une attestation d'un infirmier, datée du 15 août 2012, indiquant que les actes infirmiers dispensés à la mère de l'intéressé avaient coûté 7 840 dollars en 2008, 8 520 dollars en 2009 et 8 720 dollars en 2010, cette attestation, qui n'est pas circonstanciée et, au surplus, n'a été produite, à l'instar des documents mentionnés au point 4, qu'après la décision d'admission partielle de la réclamation de M. B..., ne peut être considérée comme probante ;

7. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que M. B...soutient que le loyer dû par sa mère en 2008 était de 18 000 dollars ; qu'il résulte toutefois des termes mêmes du contrat de bail produit devant l'administration par M. B... que le montant annuel du loyer dû par sa mère s'élevait à 14 400 dollars en 2008, soit, environ, 9 800 euros ; qu'au surplus, il résulte de l'instruction que ce loyer annuel de 14 400 dollars était spécialement élevé, compte tenu de la situation économique libanaise ;

8. Considérant qu'il suit de là que M. B...ne démontre pas que les aliments dont le paiement a été rendu nécessaire par le défaut de ressources suffisantes de sa mère malade étaient supérieurs aux sommes admises par l'administration en déduction de son revenu global à titre de pensions alimentaires, lesquelles sommes sont plus de quatre fois supérieures au revenu national brut par habitant du Liban, en valeur courante, au titre de ces années ;

En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale :

9. Considérant que M. B...invoque, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les prévisions de la documentation de base 5B2421 (n° 9), reprises au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-IR-20-30-20-10 (n° 1), selon lesquelles la déduction des versements ou des dépenses exécutés par le contribuable en exécution de l'obligation alimentaire doit être accordée sous la seule réserve que celui-ci apporte les justifications ou, tout au moins, les explications propres à établir, d'une part, que ces versements ou dépenses ont bien été effectués et, d'autre part, qu'ils satisfont effectivement aux conditions de ressources prévues à l'article 208 du code civil ; que, toutefois, ces prévisions n'expriment pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle mentionnée au point 2 ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête présentée par M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 4 décembre 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- M. Jouno, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 15 décembre 2014.

Le rapporteur,

T. JOUNOLe président,

F. BATAILLE

Le greffier,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°13NT023352


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02335
Date de la décision : 15/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Thurian JOUNO
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : JOLIVET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-12-15;13nt02335 ?
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