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11/12/2014 | FRANCE | N°13NT02141

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 11 décembre 2014, 13NT02141


Vu la requête, enregistrée le 23 juillet 2013, présentée pour M. et Mme B...A..., demeurant..., par Me Foessel, avocat ; ils demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002637 en date du 23 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles ils avaient été assujettis au titre des années 2005 et 2006 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et de ces pénalités

;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'ar...

Vu la requête, enregistrée le 23 juillet 2013, présentée pour M. et Mme B...A..., demeurant..., par Me Foessel, avocat ; ils demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002637 en date du 23 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles ils avaient été assujettis au titre des années 2005 et 2006 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et de ces pénalités ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

ils soutiennent que :

- le tribunal administratif a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que la proposition de rectification était destinée non à eux mais à M. ou Mme C... ;

- la procédure d'imposition est irrégulière car, en méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, la proposition de rectification, qui faisait référence à M. ou Mme C... et non à eux-mêmes, ne les désignaient pas comme les contribuables ;

- conformément à la documentation de base 3E2116 du 2 novembre 1996 (n° 1) et à la documentation de base 4G3334 du 25 juin 1998 (n° 6), la circonstance que la SARL Castel Kebab, dont ils sont seuls détenteurs de parts, ait globalisé ses recettes journalières ne suffit pas à ôter toute valeur probante à sa comptabilité, laquelle est bien tenue ; le taux de marge de la SARL Castel Kebab est en adéquation avec le taux de marge moyen du secteur ; il n'est donc pas anormalement bas ; le rapport entre le montant des achats réalisés et le chiffre d'affaires déclaré n'est pas excessif ; ainsi, l'administration ne pouvait pas écarter la comptabilité de la SARL Castel Kebab comme non probante ;

- le bénéfice de la SARL Castel Kebab a été surévalué lors de la reconstitution de chiffre d'affaires ; en effet, premièrement, le service a omis de tenir compte de certains jours de fermeture du point de vente ambulant tenu par cette société ; deuxièmement, la reconstitution repose, d'après la proposition de rectification, sur le dépouillement de factures d'achat de viande de poulet, alors que cette viande n'a été achetée qu'à une seule occasion ; cela témoigne de ce que les factures d'achat n'ont pas été effectivement dépouillées ; troisièmement, le service ne pouvait affirmer que les tarifs n'étaient pas affichés, dès lors que le restaurant a été cédé antérieurement à l'engagement de la vérification de comptabilité ; quatrièmement, ils ont entrepris de reconstituer sur le fondement de données internes à l'entreprise le chiffre d'affaires de la SARL Castel Kebab et il en résulte un chiffre d'affaires nettement en-deçà de celui retenu par l'administration ;

- l'administration n'a usé que d'une méthode pour reconstituer le chiffre d'affaires de la SARL Castel Kebab, alors que la documentation de base 4G3342 du 25 juin 1998 (n° 3 et suivants) prescrit d'employer impérativement plusieurs méthodes différentes ; cette unique méthode est donc sommaire et viciée dans son principe ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2014, présenté par le ministre délégué chargé du budget qui conclut au rejet de la requête ;

le ministre soutient que :

- l'orthographe erronée du nom des requérants sur la proposition de rectification ne constitue qu'une erreur matérielle insusceptible de vicier la procédure d'imposition ;

- ainsi qu'il résulte de la doctrine invoquée par les requérants, la globalisation des recettes journalières suffisait à ôter tout caractère probant à la comptabilité de la SARL Castel Kebab, dès lors que cette dernière n'était pas en mesure de produire les éléments justifiant du détail de ses recettes ;

- il appartient aux requérants de démontrer l'exagération du bénéfice reconstitué de la SARL Castel Kebab ; or, premièrement, la circonstance que le vérificateur n'ait pas relevé que le point de vente ambulant avait été fermé une semaine au cours du mois de février 2005 est sans incidence, dès lors que la reconstitution du chiffre d'affaires repose uniquement sur le montant des achats revendus ; deuxièmement, le caractère exceptionnel de l'achat de viande de poulet n'a pas échappé au vérificateur, qui a dépouillé l'ensemble des factures d'achat de viandes ; troisièmement, les requérants ne sont pas fondés à contester les tarifs retenus par le vérificateur, qu'ils lui avaient eux-mêmes communiqués ; quatrièmement, les méthodes de reconstitution du chiffre d'affaires alternatives reposent sur des postulats dont il n'est pas justifié ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 mai 2014, présenté pour M. et Mme A..., par Me D..., qui concluent aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

ils soutiennent en outre que :

- les bénéfices réputés distribués au sens du 1 de l'article 109 du code général des impôts sont ceux retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ; par conséquent, dès lors que l'administration a dégrevé la SARL Castel Kebab des suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui avaient été notifiés, il convient de les décharger des impositions supplémentaires mises à leur charge en conséquence du rehaussement du bénéfice de cette société ;

- il appartient à l'administration de justifier tant de l'existence que du montant des bénéfices réputés distribués ; or, lors d'un précédent contrôle, un taux de perte sur la viande de 30 % avait été admis ; l'administration ne démontre pas pourquoi désormais il convient d'employer un taux inférieur ;

- il n'est pas démontré que les bénéfices de la SARL Castel Kebab aient été appréhendés par eux ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 juin 2014, présenté par le ministre des finances et des comptes publics qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

il soutient que :

- les impositions mises à la charge de la SARL Castel Kebab ont été dégrevées en raison d'un vice de forme affectant l'avis de mise en recouvrement ; cependant, ce dégrèvement est sans incidence sur la procédure menée à l'égard des requérants ;

- les requérants doivent, en tant que maîtres de l'affaire, être regardés comme ayant appréhendé les bénéfices de la SARL Castel Kebab ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 novembre 2014, présenté pour M. et Mme A... qui concluent aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

ils soutiennent qu'il n'est pas établi que le dégrèvement des suppléments d'impôt sur les sociétés mis à la charge de la SARL Castel Kebab résulte d'un vice de forme ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 novembre 2014 :

- le rapport de M. Jouno, premier conseiller,

- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public ;

1. Considérant que la société à responsabilité limitée (SARL) Castel Kebab, qui exploitait un restaurant et un point de vente ambulant de sandwichs à Châteaubriant (Loire-Atlantique), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté, notamment, sur les exercices clos les 31 décembre 2005 et 2006 ; que le vérificateur a estimé que la comptabilité de cette société était irrégulière et non probante et a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires et des bénéfices des deux exercices précités ; que, par proposition de rectification du 26 décembre 2007, l'administration a regardé M. et Mme A..., détenteurs de l'intégralité du capital de cette société, comme ayant appréhendé les recettes omises ; qu'elle a imposé les distributions au titre des années 2005 et 2006 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application du 1° et du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts et a assujetti, en conséquence, M. et Mme A..., à des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales au titre de ces mêmes années ; que M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 23 mai 2013, par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces cotisations supplémentaires ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'à l'appui de sa demande présentée au tribunal administratif de Nantes, M. et Mme A... soutenaient notamment que la proposition de rectification était irrégulière dès lors qu'elle ne mentionnait pas le nom du contribuable ; que le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen, qui n'était pas inopérant ; qu'il ne l'a, au demeurant, pas même analysé ; que, par suite, son jugement doit être annulé ; qu'il y a lieu par suite d'évoquer et de statuer sur la demande ;

Sur les conclusions tendant à la décharge des impositions supplémentaires mis à la charge des épouxA... :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) " ;

4. Considérant, il est vrai, que, dans la proposition de rectification du 26 décembre 2007, l'administration a commis une erreur quant à l'orthographe du prénom et du nom de M. B... A..., qu'elle a désigné comme étant M.C... ; qu'il est cependant constant que cette proposition, qui mentionnait, sans ambiguïté possible les fonctions et l'adresse de M. et Mme A..., est parvenue à ses destinataires, lesquels ont ainsi pu formuler en temps utile leurs observations à l'administration ; que, dans ces conditions, si les requérants soutiennent que la proposition de rectification est irrégulière dès lors qu'elle ne mentionne pas le nom du contribuable, ce moyen doit être écarté ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) " ; qu'aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. (...) " ;

6. Considérant que M. et Mme A... n'ont pas accepté les redressements découlant du rattachement à leur revenu imposable des bénéfices de la SARL Castel Kebab regardés comme leur ayant été distribués ; que, dans ces conditions, il incombe à l'administration de prouver, d'une part, l'existence des bénéfices qui auraient été distribués par la société, et, d'autre part, la part de ces bénéfices distribués qui aurait été attribuée à M. et Mme A... ;

Quant à l'existence de bénéfices distribués :

7. Considérant qu'il est constant que la SARL Castel Kebab enregistrait globalement ses recettes journalières ; que l'administration soutient sans être utilement contredite qu'elle n'a pas été en mesure, lors des opérations de vérification, de justifier du détail et de la nature de celles-ci ; que, dès lors, elle était fondée à regarder la comptabilité de la SARL Castel Kebab comme irrégulière et à reconstituer, en conséquence, ses chiffre d'affaires et bénéfice ;

8. Considérant que, pour réaliser cette reconstitution, le vérificateur s'est appuyé sur le dépouillement des factures d'achat de viandes ; qu'il a admis que 15 % de ces achats étaient perdus, que 5 % étaient offerts et que 2 % étaient consommés par le personnel de la SARL Castel Kebab ; qu'il a retenu qu'un sandwich comportait 157 grammes de viande tandis qu'une assiette servie dans le restaurant contenait 200 grammes de viande ; qu'il est constant qu'il s'est fondé, pour déterminer le prix des portions vendues, sur les données qui lui avaient été communiquées par M. et Mme A... ;

9. Considérant, en premier lieu, que, si M. et Mme A... soutiennent que le vérificateur a omis de tenir compte de certains jours de fermeture du point de vente ambulant tenu par la SARL Castel Kebab, cette circonstance est restée sans incidence sur le bénéfice reconstitué de cette société, dès lors que la méthode suivie par le service reposait, ainsi qu'il vient d'être dit, sur le seul dépouillement de factures d'achat ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que M. et Mme A... prétendent que la reconstitution repose, d'après la proposition de rectification adressée à la SARL Castel Kebab, sur le dépouillement de factures d'achat de viande de poulet, alors que cette viande n'a été achetée qu'à une seule occasion ; qu'ils en déduisent que le vérificateur n'a, contrairement à ce que soutient l'administration, pas dépouillé effectivement les factures d'achat ; que, toutefois, l'administration soutient, sans être utilement contredite, que l'erreur relevée par les requérants ne portait que sur la désignation de la viande achetée ; qu'en toute hypothèse, le montant des achats de viande considérés revendus par le service et donc pris en compte pour reconstituer le bénéfice, était inférieur au montant des achats de viande figurant dans le grand livre de la SARL Castel Kebab, dont des extraits ont été versés au dossier ;

11. Considérant, en troisième lieu, que la circonstance, à la supposer avérée, qu'un taux de perte des viandes de 30 % ait été admis lors de vérifications de comptabilité antérieures n'implique pas nécessairement que ce même taux dût être appliqué s'agissant des exercices litigieux ;

12. Considérant, en quatrième lieu, que, si M. et Mme A... ont entrepris, eux-mêmes, de procéder à une reconstitution des bénéfices de la SARL Castel Kebab en se fondant sur le dépouillement des factures d'achat et sont parvenus à un bénéfice reconstitué inférieur à celui retenu par le service, la méthode suivie pour procéder à cette reconstitution repose sur des postulats, notamment quant aux prix des produits vendus, dont il n'est pas justifié ;

13. Considérant, en cinquième lieu, que, si l'administration n'a usé que d'une méthode de reconstitution, cette circonstance n'est, contrairement aux allégations de M. et Mme A..., pas de nature à vicier celle-ci ;

14. Considérant, en sixième lieu, que la circonstance que les cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés mises à la charge de la SARL Castel Kebab aient été dégrevées est, par elle-même, sans incidence sur le montant du bénéfice reconstitué de cette société, lequel a été retenu pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de la surévaluation du bénéfice imposable de la SARL Castel Kebab doit être écarté ;

Quant à l'attribution à M. et Mme A... des bénéfices distribués :

16. Considérant que M. et Mme A... détenaient conjointement l'ensemble des parts sociales de la SARL Castel Kebab ; que M. A...était le dirigeant de cette société ; qu'en faisant état de ces seules circonstances, l'administration prouve qu'ils étaient les seuls maîtres de l'affaire et avaient appréhendé les bénéfices dont l'omission a été révélée par la reconstitution du chiffre d'affaires ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par les requérants devant le tribunal administratif de Nantes doit être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme que M. et Mme A... demandent au titre des frais non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1002637 en date du 23 mai 2013 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Nantes par M. et Mme A... est rejetée, de même que les conclusions présentées devant la cour sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A...et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 20 novembre 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- M. Jouno, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 décembre 2014.

Le rapporteur,

T. JOUNO Le président,

F. BATAILLE

Le greffier,

C. CROIGER

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT02141


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02141
Date de la décision : 11/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Thurian JOUNO
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : SCP BONDIGUEL et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-12-11;13nt02141 ?
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