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11/12/2014 | FRANCE | N°13NT01658

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 11 décembre 2014, 13NT01658


Vu la requête, enregistrée le 10 juin 2013, présentée pour la société à responsabilité limitée (SARL) Far Ouest, représentée par son gérant, dont le siège est situé 4, rue Charles Bourseul à Lannion (22300), par Me Laurens, avocat ; la société Far Ouest demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004347 du 18 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie

au titre de l'exercice 2005 pour des montants respectifs de 51 471 euros et 772 euros e...

Vu la requête, enregistrée le 10 juin 2013, présentée pour la société à responsabilité limitée (SARL) Far Ouest, représentée par son gérant, dont le siège est situé 4, rue Charles Bourseul à Lannion (22300), par Me Laurens, avocat ; la société Far Ouest demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004347 du 18 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice 2005 pour des montants respectifs de 51 471 euros et 772 euros et des pénalités correspondantes pour des montants respectifs de 4 941 euros et 74 euros ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la charge de la preuve incombe à l'administration lorsqu'elle entend se prévaloir de l'existence d'un acte anormal de gestion ;

- l'abandon de créances à caractère financier qu'elle a consenti à sa filiale, la sociétéA..., au cours de l'exercice clos le 31 aout 2005 est justifié dès lors qu'il avait pour objet d'améliorer la présentation bilantielle de la filiale vis-à-vis de ses partenaires et éventuels investisseurs et s'inscrivait dans le cadre d'une perspective de développement commercial international particulièrement encourageante ;

- compte tenu de ces éléments, elle pouvait, dans le cadre de sa prise de participation, escompter la réalisation du développement commercial du produit et en conséquence le remboursement de sa créance par le jeu de la clause de retour à meilleure fortune ainsi qu'une croissance externe de ses activités en parfaite conformité avec son objet social ;

- compte tenu de l'activité de fabrication et de développement de produits sous brevets mis au point par des inventeurs, la défaillance de la filiale aurait contribué à détériorer son renom vis-à-vis de ces fournisseurs et partenaires ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2013, présenté par le ministre délégué chargé du budget qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- la SARL Far Ouest ne justifie pas d'un intérêt commercial à abandonner sa créance litigieuse de 160 000 euros ;

- la SARL Far Ouest a octroyé diverses avances de trésorerie à une filiale dans laquelle elle avait une participation minoritaire, sans lien direct avec son activité et sans aucune contrepartie ;

- aucune des pièces produites n'indique que la société A...était menacée de liquidation judiciaire ni qu'elle était dans l'incapacité de rembourser sa créancière ;

- la société Far Ouest ne démontre pas qu'elle cherchait à développer et diversifier ses activités dans une stratégie de développement ;

- en 2005, sa prise de participation majoritaire ne profite à aucun investisseur, les époux B...possédant 100 % des parts de la société Far Ouest et demeurant... ;

- les documents produits, pour certains postérieurs à la période vérifiée, n'établissent en rien que l'abandon de créance litigieux était nécessaire à d'éventuels objectifs de croissance externe invoqués par l'entreprise ;

- l'atteinte à l'image de la société Far Ouest liée à la situation de la société A...n'est pas avérée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 novembre 2014 :

- le rapport de Mme Allio-Rousseau,

- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public ;

1. Considérant que la société à responsabilité limitée (SARL) Far Ouest, créée en 1988 par M. et MmeB..., associés détenteurs de la totalité du capital, a pour objet social la fabrication de produits inventés et mis au point par des inventeurs individuels et des entreprises et toutes activités liées à ces fabrications ; que cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause la déductibilité de l'abandon de créance consenti, le 5 août 2005, à hauteur de 160 000 euros à la SARLA..., sa filiale, au motif que cette opération constituait un acte anormal de gestion ; que la SARL Far Ouest relève appel du jugement du 18 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 août 2005 et des pénalités correspondantes ;

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

2. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts dans leur rédaction applicable au litige, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ; que les abandons de créances accordés par une entreprise au profit d'un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages, l'entreprise a agi dans son propre intérêt ; que, s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'un abandon de créances ou d'intérêts consenti par une entreprise à un tiers constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties ; que toutefois une société peut, sans commettre d'acte anormal de gestion, prévenir les conséquences des graves difficultés financières d'une filiale en lui consentant une aide, alors même qu'elle n'entretient avec elle aucune relation commerciale ;

3. Considérant que la SARL Far Ouest a consenti au cours des exercices clos de 2002 à 2005 des avances de trésorerie non rémunérées, à hauteur de 203 591,26 euros, à la société A...qui a pour objet social la fabrication, l'industrialisation, le développement industriel et commercial d'objets de maroquinerie, bagagerie étanche ainsi que toutes les activités connexes s'y rapportant et exploite, sous licence exclusive concédée par son inventeur, M.A..., un porte-monnaie ou porte-document étanche, dénommé " PakPak " ; que par délibération du 5 août 2005, l'assemblée générale des associés de la SARL Far Ouest a pris la décision d'acquérir, auprès de M. et MmeB..., 413 parts du capital de la SARLA..., pour un prix d'un euro symbolique, portant ainsi la participation de la société requérante au capital de sa filiale à 99,78 %, et d'abandonner, à hauteur de 160 000 euros, la créance constituée par les avances de trésorerie, une clause de retour à meilleure fortune prévoyant la constatation d'une créance au bénéfice de la SARL Far Ouest dans les comptes de la SARLA..., chaque fois que les capitaux propres de cette dernière société excèderont à la clôture d'un exercice la somme de 50 000 euros, ceci jusqu'au 31 août 2013 et dans la limite du montant de l'abandon de créance ; que la SARL Far Ouest a déduit cette charge exceptionnelle de son résultat arrêté au 31 août 2005 ; que l'administration a réintégré le montant de cet abandon de créances qu'elle a regardé comme un acte anormal de gestion ;

4. Considérant, en premier lieu, que si les deux sociétés avaient des associés communs, la SARL Far Ouest et la SARL A...ont des objets commerciaux totalement différents, l'une fabriquant des produits inventés et mis au point par des inventeurs individuels et des entreprises et toutes activités liées à ces fabrications, et produisant durant la période en litige des pièges pyrotechniques à taupes, l'autre fabriquant et commercialisant des objets de maroquinerie et de bagagerie étanche ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que la société Far Ouest, si elle fait état des difficultés financières de sa filiale, n'établit pas que celle-ci était dans l'incapacité de rembourser sa créancière, notamment compte tenu des perspectives commerciales encourageantes liées à la fabrication et l'industrialisation du produit " Pakpak " ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'abandon de créance et l'accroissement de la participation de la SARL Far Ouest au sein du capital de la SARLA..., n'étaient pas destinés à permettre à la société requérante de prendre le contrôle de sa filiale dans le cadre d'une stratégie commerciale pour s'assurer un nouveau secteur d'activité mais à présenter un meilleur bilan aux créanciers et éventuels investisseurs de cette dernière ;

7. Considérant, en quatrième lieu, que la SARL Far Ouest n'établit pas que l'aggravation de la situation financière de la SARL A...pouvait avoir une influence sur son image et son renom par les documents qu'elle a produits aussi bien en première instance qu'en appel ;

8. Considérant que, dans ces conditions, la SARL Far Ouest n'établit pas qu'elle a bénéficié d'une contrepartie à l'abandon de créance litigieux et que celui-ci a été effectué dans un intérêt autre que celui de la société A...et de ses anciens associés ; que c'est par suite à bon droit que l'administration a réintégré la somme de 160 000 euros dans le bénéfice imposable de la société requérante au titre de l'exercice clos au 31 août 2005 ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Far Ouest n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société Far Ouest la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Far Ouest est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Far Ouest et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 20 novembre 2014, où siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 décembre 2014.

Le rapporteur,

M-P. ALLIO-ROUSSEAU Le président,

F. BATAILLE

Le greffier,

C. CROIGER

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT01658


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13NT01658
Date de la décision : 11/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : LAURENS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-12-11;13nt01658 ?
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